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Pour sortir de la crise, l'appel aux consultants

La vigne - n°157 - septembre 2004 - page 0

En ces temps difficiles, des organisations professionnelles font appel à des consultants. Elles leur demandent de les aider à imaginer des solutions nouvelles. Le plus dur reste de mettre en oeuvre les mesures préconisées.

'Est-il nécessaire de continuer à produire des appellations régionales avec des vignes plantées à 10 000 pieds par hectare, comme pour les grands crus ? ' Cette question, parmi de nombreuses autres, a été soulevée dans le cadre d'une réflexion mise en place en 2004 par la Confédération des associations viticoles de Bourgogne (CAVB). Pour la mener à bien, les responsables professionnels ont fait appel à des consultants. Un cahier des charges a été rédigé, avec l'aide de l'Onivins qui participe au financement et, après appel d'offres, c'est le cabinet Ernst & Young qui a été sélectionné. Sa mission est d'accompagner la réflexion, en apportant de la méthode.
' La situation est difficile. Les gens se posent des questions, c'est le moment de tracer de nouvelles pistes d'avenir.
Mais pour cela, nous avons besoin d'un appui extérieur. Lorsque nous discutons entre responsables, nous nous égarons facilement. Les consultants nous aident à nous poser les bonnes questions, à recentrer les débats et à faire la synthèse. Ils ont également acquis de l'expérience dans d'autres vignobles, et ils peuvent nous amener à imaginer d'autres solutions que celles que nous connaissons déjà ', explique Gilles Remoriquet, président de la CAVB.

La démarche, animée d'un bout à l'autre par le cabinet de consultants, n'est pas purement institutionnelle. Des élus et des vignerons se sont retrouvés pour réfléchir, au sein de quatre ateliers, sur la compétitivité des exploitations, la qualité des vins, la commercialisation et la performance de l'organisation collective. Un questionnaire a été envoyé aux 4 500 vignerons de la région. ' Nous voulons savoir comment ils ressentent la situation et quelles sont leurs priorités. Nous ne pouvons pas espérer obtenir leur assentiment sur les mesures à prendre, si nous ne les consultons pas . ' Les attentes des consommateurs seront également abordées, de façon à alimenter une réflexion sur le positionnement de l'offre et le style de vins à élaborer. Des Etats généraux devraient ensuite se tenir d'ici à fin 2004.
Dans le Roussillon, cinq groupements de producteurs ont lancé une réflexion collective, à laquelle s'est associée l'interprofession. ' Nous avons fait appel au cabinet Adrien Stratégie, auquel nous avons confié la mission de nous aider à définir une stratégie pour sortir de l'impasse dans laquelle nous étions ', explique Louis Malet, président des Vignerons catalans, l'un des cinq groupements engagés.
Avant de faire des propositions, le cabinet de consultants a planché sur l'histoire des hommes et des entreprises. Il l'a retranscrite dans un film, qui a tourné dans le vignoble. Des propos de consommateurs, issus de tables rondes organisées sur les vins du Roussillon, ont aussi été mis en scène. ' Nous ne voulions pas d'une approche purement chiffrée. La vision d'Adrien Stratégie est 'décoiffante'. Tout n'est pas facile à entendre. Il y a eu des réactions de rejet, mais personne n'a refusé de poursuivre. C'est encourageant ', affirme Louis Malet.
Au niveau économique, la situation est grave, mais pas désespérée. La région a des atouts inexploités, qui peuvent lui permettre de se placer sur de nouveaux courants porteurs. ' Pour avancer, nous devons repartir de l'offre. Nous avons travaillé sur les propositions d'Adrien Stratégie, qui portent sur la mise en marché de nouveaux profils de vin plus fruités, et nous avons élaboré un plan d'action. Il doit être validé dans chaque groupement. Puis le cabinet de consultants va nous accompagner dans la mise en oeuvre. '
Les consultants peuvent également intervenir sur des questions plus ciblées.
En Aquitaine, la Fédération des caves coopératives a demandé au cabinet Ineum Consulting de réaliser une cartographie des flux de vins au niveau des coopératives et des unions, de façon à voir s'il y avait des concurrences internes sur le plan de la mise en marché. Les problèmes pressentis ont pu être analysés. Et le conseil d'administration de la fédération a décidé de chercher une organisation plus efficace.
Cette deuxième mission a été confiée au cabinet Ernst & Young, qui sera également chargé, si le schéma proposé est validé par les caves, de la mise en oeuvre concrète, de la recherche des moyens financiers jusqu'au management des ressources humaines. ' Nous avions les compétences pour faire ce travail en interne. Mais il est délicat à mener, car il entraîne une modification des responsabilités de chacun au niveau des caves. Un consultant extérieur est beaucoup mieux placé pour intervenir. Il est perçu comme indépendant et peut jouer un rôle de catalyseur, ce que ne peut pas faire une personne intégrée dans l'équipe ', explique-t-on à la fédération.

' Dans notre filière, le pouvoir de mise en oeuvre des décisions est partagé, alors que dans une entreprise, il est exercé par une seule personne. L'une des fonctions des consultants est de nous aider à créer une dynamique de groupe, pour dépasser nos divisions et avancer ', affirme André Ségala, directeur de l'interprofession bourguignonne.
Les consultants apportent une expertise qui permet d'ouvrir le débat sur des bases objectives, acceptées par tous. En associant entretiens individuels et réunions collectives, ils font ressortir les non-dits et amènent les participants à débattre sans utiliser ' la langue de bois '. Ils peuvent se permettre d'être parfois provocateurs, ce que ne peuvent pas faire les salariés des organismes professionnels.

Le coût de leur intervention peut aller de 60 000 à plus de 100 000 euros, suivant l'ampleur du travail demandé. ' Ils amènent souvent des propositions novatrices. Mais ce sont en général les plus consensuelles qui sont mises en oeuvre en premier. Les autres n'ont pas le temps de l'être. Les équipes d'élus changent, la situation économique aussi, et la gestion à court terme reprend le dessus. Nous n'exploitons pas tout ce que nous apportent les consultants, mais nous avons quand même besoin de leur regard extérieur ', affirme André Ségala.
Après leur intervention, le plus difficile reste à faire, à savoir prendre des décisions concrètes et garder le cap pour les mettre en oeuvre.
Là, les élus doivent avoir du courage et de la persévérance, assortis d'un talent politique certain.
Mais les vignerons doivent aussi accepter la remise en cause de leurs habitudes. S'ils ne veulent pas être bousculés et qu'ils préfèrent changer de président parce que celui-ci leur dit des vérités désagréables à entendre, le retour à la case départ est inévitable.

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