Pour que la France soit à armes égales avec le Nouveau Monde, il faut plus de liberté dans le choix des techniques et adopter une vision moins figée de la tradition.
Si les Anciens avaient eu une vision aussi figée de l'encépagement que nous, il n'y aurait ni chardonnay, ni cabernet-sauvignon en AOC. Tous deux sont des croisements. Aujourd'hui, nous les appellerions des métis et nous les cantonnerions dans des collections.
Les Suisses et les Allemands sont moins dogmatiques que nous. Ils mènent une recherche variétale active. Obtenu dans les années 70, le gamaret est en vogue dans son pays d'origine. Les Suisses apprécient sa résistance à la pourriture grise et ses vins épicés et colorés. Le Beaujolais veut le tester. Mais il faudra d'abord l'inscrire au catalogue français, puis l'expérimenter au moins dix ans avant d'envisager de l'autoriser dans un décret. Dans le Val de Loire, des syndicats veulent tester le merlot. L'Inao les a déjà prévenus : au mieux, les vins de ce cépage seront des vins de table. Au pire, il faudra les détruire. Si l'on voulait décourager l'esprit d'expérimentation, on ne s'y prendrait pas mieux !
De la patience, il en faut également à ceux qui veulent utiliser les copeaux. Le Syndicat des vins de pays d'Oc en réclame le droit depuis sept ans. Mais la Commission européenne ne les a toujours pas autorisés. Elle attendait le feu vert de l'OIV qui l'a donné en 2001. Les choses devraient donc finir par bouger.
Une fois les copeaux autorisés, d'autres interrogations resteront posées. Sont-ils le premier pas vers l'aromatisation ? A cela, leurs partisans répondent qu'ils libèrent les mêmes substances que les barriques neuves, jugées parfaitement compatibles avec la tradition. Ils ajoutent qu'à faible dose, les copeaux ne modifient pas le profil aromatique des vins : ils accentuent leur saveur sucrée. Or, les Européens du Nord sont friands de douceur. Pour cette raison, la question de l'utilisation des copeaux dans les appellations ne manquera pas de se poser.
Mais les Autorités ne sont pas seules responsables des lenteurs lorsqu'il s'agit d'assouplir des réglementations inutilement contraignantes. S'agissant de l'irrigation, c'est le ministère de l'Agriculture qui a pris l'initiative d'une libéralisation. S'agissant de l'étiquetage, c'est l'Union européenne. En mai 2002, la Commission publiait un règlement autorisant de mentionner un cépage ou un millésime dès lors qu'un vin en contient au moins 85 %. Aucune disposition française n'est venue restreindre cette liberté, réclamée à corps et à cris par le négoce pour des raisons de compétitivité. Pourtant, rares sont ceux qui reconnaissent l'appliquer !