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Les femmes nous forcent à désacraliser le vin

La vigne - n°159 - novembre 2004 - page 0

En proposant aux femmes des cuvées spécifiques, au nez expressif, on peut augmenter ses ventes. Mais le principal intérêt de se tourner vers elles est ailleurs : les femmes enseignent les vertus de la simplicité et de l'esprit pratique.

Et si la femme était l'avenir du vin ? Preuve que la question est dans l'air du temps, ce sujet était au coeur d'un débat organisé, en octobre dernier, par le Syndicat des bordeaux et bordeaux supérieurs. Si les femmes achètent 75 % des bouteilles vendues en grandes surfaces, elles ne boivent que 25 % des vins consommés en France.
En cette période de crise, l'idée de recruter des consommatrices fait son chemin, d'autant que boire du vin n'est plus incompatible avec l'image d'une femme respectable. Le vin étant devenu un produit consommé pour se faire plaisir, et non pour se nourrir, les femmes ont trouvé leur place dans cette nouvelle définition.
Actuellement, une Française consomme, en moyenne, un demi-verre de vin par jour, contre deux verres pour un Français. Ce constat étant fait, comment inciter les femmes à acheter et à boire du vin ? La partie est loin d'être gagnée, car une femme sur deux déclare ne pas aimer le goût du vin, contre seulement un homme sur quatre.
Certains professionnels ont déjà réfléchi à la cible féminine. C'est le cas de l'Interprofession du floc-de-gascogne. La problématique était simple : en 1995, 1 million de bouteilles de floc-de-gascogne était vendu ; le but à atteindre : les 2 millions.

L'interprofession a choisi de séduire la clientèle féminine de 40 ans, à bon pouvoir d'achat, aimant le confort et la tradition. La bouteille a été revue en conséquence, avec une forme élancée qui plaît aux femmes, dans un verre blanc permettant de voir le produit, et donc de rassurer. Le tout fut accompagné d'une campagne promotionnelle, avec le message : ' C'est pour moi, tant pis pour lui ', en 1999. Bilan : les ventes ont progressé de 30 % en quatre ans.
A la coopérative de Visan (Vaucluse), la démarche était différente. En mai 2003, un jury de femmes a désigné la cuvée Femmes. ' Au départ, les vignerons s'interrogeaient sur l'intérêt de créer une bouteille pour les femmes ', témoigne Christine Thedossiou, responsable de la communication. Le succès médiatique et commercial de la cuvée Femmes les a rassurés. De 10 000 cols en 2003, la production est passée à 15 000 bouteilles en 2004.
A Fronton (Haute-Garonne), c'est un rosé que les coopérateurs ont baptisé Inès. 10 000 bouteilles ont été produites en mars 2004. Inès a été lancée par un défilé de mode à Toulouse, où la tenue de chaque mannequin évoquait chacun des huit rosés de la cave.
Quant à la société Bordeaux Concept SARL, qui regroupe quatre vignerons bordelais, elle n'hésite pas à bousculer l'ordre établi en proposant une bouteille de 50 cl, Pour Elles, avec un packaging rose typé.
Le sujet intéresse aussi les négociants. La société Lacheteau (Val-de-Loire) a lancé la cuvée rosée Soupçon de fruit (200 000 cols) en février 2003. ' L'emballage fait référence au monde du parfum, explique Galatée Faivre, créatrice de la société ID Vin, spécialisée dans le conseil en marketing en vin. Il exacerbe le nez, ce qui souligne l'explosion aromatique du cabernet-d'anjou. Attention à ne pas caricaturer les attentes des femmes. '

Isabelle Forêt, auteur du guide Fémivin et directrice du site Femivin.com, estime aussi qu'il faut mieux éviter les bouteilles trop fantaisistes : ' Les femmes ont besoin d'être rassurées. Elles iront plus volontiers vers une étiquette où il y a un château. Le vin a une dimension symbolique importante, liée au terroir. Les étiquettes doivent être claires avec, si possible, une contre-étiquette donnant des alliances mets-vins. '
Il n'existe pas de goût spécifique aux femmes, même si leur nez est plus sensible aux arômes que celui des hommes. Avec l'âge et l'expérience, elles passent aussi des vins légers et fruités aux vins plus structurés.

En fait, la différence tient surtout dans leur approche. Pour une femme, le vin n'est jamais un moyen d'affirmer son statut social ou ses connaissances oenologiques. Le discours est plus simple et plus modeste. ' L'arrivée de la femme dans l'univers du vin a permis de le désacraliser, analyse Paz Espejo, oenologue à la maison Cordier, à Bordeaux, qui lance la cuvée Sensual Fruit. Elle sait mettre en paroles ses sensations et peut rendre accessible un monde encore trop mystérieux . '
Pour conquérir les femmes, il suffit d'avoir une approche simple et décontractée. Anne Hugues, viticultrice dans le Lubéron et présidente de l'association Femmes, vignes, Rhône, l'a constaté lors d'une dégustation de rosés proposée à quarante femmes non professionnelles : ' Elles étaient ravies qu'on leur demande leur avis et de s'approprier le vocabulaire du vin. '
Autre signe concret de l'intérêt accru qu'accordent les professionnels au public féminin : deux hyper Leclerc, à Grasse et à Cannes (Alpes-Maritimes), proposent depuis fin septembre un espace permanent de cinquante-quatre vins sélectionnés pour répondre aux attentes des femmes.


PLUS
Etre attentif aux attentes des femmes rend le vin plus accessible à tous.
MOINS
On risque de caricaturer le goût des femmes en leur proposant uniquement des vins fruités avec des étiquettes colorées.

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