Jusqu'à présent, le vin est contrôlé à la production via l'agrément, puis sur les marchés par le suivi en aval. Pour les interprofessions du Beaujolais et de Cahors, ce second contrôle doit intervenir avant la mise à la consommation.
Les appellations d'origine, fleurons de la viticulture française, ne sont pas toujours synonymes de qualité. Plutôt que de s'offusquer d'un tel constat, une partie de la profession s'abrite derrière un mot : la typicité ! Elle explique que c'est là l'important, que cette typicité est vérifiée par la dégustation d'agrément. Or, le consommateur veut du bon vin. Qu'on lui apporte la garantie de sa provenance, d'accord. Mais la piquette d'origine contrôlée, il s'en moque.
Le SAQ, mis en place en 2000 par les interprofessions, devait permettre l'éradication des mauvais vins. Aujourd'hui, ce système a surtout le mérite de mesurer l'ampleur des défauts. Les prélèvements en linéaires sont effectués trop en aval dans la chaîne de commercialisation. Le SAQ ne permet pas de retirer, à temps, les vins défectueux. Entre un agrément trop précoce, centré sur la typicité, et un SAQ trop tardif, ces vins insuffisants ont encore de beaux jours... Sauf que certaines régions réaménagent leurs contrôles.
Le Beaujolais est l'un des premiers vignobles qui a pris en compte les limites d'un SAQ en linéaires. ' Pour les vins nouveaux, il fallait une grande réactivité. Le temps d'organiser les prélèvements, les dégustations, d'avertir les opérateurs... Les vins défectueux étaient déjà achetés... et bus ', explique Michel Rougier, délégué général d'Inter-Beaujolais. Afin de raccourcir les délais, l'interprofession a donc décidé, en 2003, de prélever en bout de chaîne d'embouteillage. ' L'an passé, sur la douzaine d'opérateurs visités, nous n'avons relevé aucune anomalie ', poursuit le responsable. L'opération a été reconduite pour la sortie du millésime 2004.
Jusqu'à présent, cette procédure est appliquée sur les primeurs. Pourtant, comme le note Michel Rougier, ' rien n'empêche un élargissement aux autres vins, même si, pour l'instant, cela n'est pas à l'ordre du jour '. Ce qui l'est, en revanche, depuis les Assises organisées en juillet dernier, c'est l'idée d'un SAQ sur les vins vendus en vrac. ' Le principe est acté. Reste à prévoir les modalités de prélèvement. '
A Cahors, l'interprofession va encore plus loin avec un SAQ à répétition. ' Nous voulions que tous les opérateurs soient concernés. Nous avons donc prévu trois types de contrôles. Pour les ventes de raisins, l'interprofession a délégué le pouvoir de visiter les parcelles sous contrat, à la commission de contrôle, organisée par le syndicat et l'Inao , explique Jean-Marie Sigaud, président de l'Union interprofessionnelle du vin de Cahors. En revanche, pour les vins en vrac et en bouteilles, nous faisons intervenir une commission d'oenologues, chargée de délivrer ou non un certificat de conformité à l'AOC. '
La réforme se veut pratique : le volume maximal du lot de vrac a été fixé à 270 l, soit une citerne. Faute d'avoir le droit de retirer l'agrément d'un vin, l'interprofession a prévu, dans ces contrats type d'achat de vrac, une clause de droit privé. Celle-ci spécifie que les vins n'ayant pas reçu l'aval de la commission SAQ ne pourront pas faire l'objet d'une retiraison. Reste à savoir si tout le monde jouera le jeu...
Même remarque pour la troisième catégorie de SAQ, organisée à la mise en bouteilles. ' Lors de l'embouteillage, l'opérateur s'engage à amener un échantillon de son lot à la commission. Le système repose sur la confiance. Rien n'empêche un metteur en marché de tricher en amenant, par exemple, un échantillon qui ne correspond pas au vin mis en bouteilles. Reste qu'il prend un risque , précise Jean-Marie Sigaud. Si, plus tard, son vin est pointé du doigt par un SAQ effectué sur les linéaires, il devra rendre des comptes... '
' Idem pour les opérateurs qui décideraient de passer outre l'avis de non-conformité délivré par la commission , poursuit-il. Dans ce cas, ils devront s'expliquer avec les Fraudes, seule administration compétente pour déclasser un vin au stade du négoce. '
L'organisation décidée par l'assemblée générale de l'interprofession a fait l'objet d'un accord étendu par arrêté du 7 septembre 2004.
D'autres régions ont prévu de remonter leur SAQ davantage vers l'amont.
A Bordeaux, le dispositif interprofessionnel prévoit la possibilité d'un contrôle sur le vrac lors du déblocage de vins mis en réserve. Par ailleurs, l'article 5.4.1. de l'accord permet un SAQ à la demande d'un acheteur potentiel. Dans ce cas, la procédure est très formaliste : il faut passer par la fédération du négoce, puis par l'interprofession, laquelle saisit le syndicat de l'AOC ! C'est ce dernier qui fait procéder à la dégustation et à l'analyse du lot litigieux. On pressent la crainte de la profession : d'accord pour faire remonter le SAQ, mais pas question d'empiéter sur l'agrément...
PLUS
Le SAQ sur les vins en vrac ou juste embouteillés évite la mise en marché de vins défectueux.
MOINS
Plus les contrôles sont précoces, plus les risques de conflit de compétence entre interprofessions, syndicats et Inao sont élevés.