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Le partenariat apaise la folie des marchés

La vigne - n°159 - novembre 2004 - page 0

La relation entre un viticulteur et son acheteur se résume souvent à un rapport de forces. Le partenariat vise à changer ce lien : les adversaires d'hier deviennent des associés engagés dans l'avenir. Mais quand les marchés se tendent, le naturel revient au galop.

Tels des frères ennemis, le viticulteur et le négociant ont besoin l'un de l'autre, mais ne peuvent pas s'empêcher de se ' tirer dans les pattes ' quand l'occasion se présente. Lorsque la loi du marché devient celle du plus fort, les affaires se font en dépit du bon sens : suivant la conjoncture, des vins s'échangent en-dessous de leur prix de revient (comme dans le Bordelais aujourd'hui) ou, au contraire, au-dessus de ce qu'ils valent du point de vue de la qualité. Face à ces coups de folie, le partenariat apparaît comme la voie de la sagesse. Il vise à inscrire la relation contractuelle dans la durée. A ce titre, les accords passés entre producteur et négociant écrêtent les excès.
Certains contrats vont même jusqu'à prévoir un prix fixe, mais ils sont rares. En pratique, la plupart restent indexés sur les cours du vrac et prévoient des primes qualité. Philippe Plantevin, producteur d'AOC Côtes du Rhône (Vaucluse), a ainsi travaillé six ans avec les domaines Louis Bernard. Il témoigne : ' D'un côté comme de l'autre, il ne pouvait pas y avoir de spéculation. Bien sûr, les années où le marché était porteur, je gagnais moins que mes collègues. Eux, ils attendaient les mois les plus rémunérateurs pour vendre. En revanche, les millésimes difficiles comme celui de 2002, j'ai mieux tiré mon épingle du jeu qu'eux ... '

Parce qu'il évite les mauvaises surprises, le partenariat est synonyme de sécurité : certitudes d'être approvisionné pour le négociant et de vendre pour le producteur. Jean-Luc Zanon, viticulteur en Gironde, confirme : ' Je suis en partenariat avec la maison Rothschild depuis cinq ans. Ma rémunération est en fonction des cours du vrac. Ces derniers sont descendus très bas lors de la dernière campagne, et il m'est arrivé de travailler à la limite du coût de production. Néanmoins, je suis satisfait de ma situation. Par rapport à certains de mes collègues, j'ai au moins l'assurance de vendre ma production et d'être rémunéré ! Aujourd'hui, sur la place de Bordeaux, on ne peut pas trouver mieux. '
Cette ' assurance de vendre ' joue parfois aussi en cas d'incidents climatiques. ' Lorsque j'ai grêlé, fin août, je me suis dit que Castel ne voudrait pas de mes raisins , raconte un vigneron du Var, producteur d'AOC Côtes de Provence. J'étais inquiet car, pour la première fois, j'avais contracté avec les vendangeoirs de Vidauban pour tout mon vignoble. Je dois reconnaître qu'ils ont joué le jeu. Dès le lendemain de l'orage, nous avons fait le tour des parcelles. Nous avons convenu d'un traitement, et j'ai eu la confirmation que tous mes raisins en appellation seraient bien pris. '
C'est l'une des autres caractéristiques du partenariat : la concertation. Les décisions importantes sont prises en commun. Chacun apporte ses compétences.
Rémy Crozier, viticulteur à Régnié (Rhône), en contrat avec la maison Pelerin depuis quatorze ans, explique : ' Je reçois régulièrement la visite de leur viniculteur. J'apprécie nos échanges lors des dégustations. C'est important d'avoir d'autres avis que le sien. Cela permet de progresser. '

Cette communication entre partenaires permet d'ajuster au mieux l'offre et la demande. Le négociant sait quels sont les produits vendeurs. Il est en contact avec l'aval... Le viticulteur a donc intérêt à l'écouter pour valoriser au mieux sa production. Dans les Côtes de Provence, les responsables du Centre de vinification de Castel sont souvent amenés à conseiller leurs vignerons apporteurs dans leur choix d'encépagement. ' Avant d'appeler le pépiniériste, je prendrai l'avis de mon partenaire. Il va sans doute me conseiller de planter du grenache ou du cinsault. J'en ai peu et il en manque ', confirme un vigneron.
Le partenariat repose sur un intérêt commun partagé. A cet égard, il est plus facile à vivre lorsque les fluctuations du marché restent mesurées. Mais quand la crise s'installe, la tendance est plutôt au désengagement. Les intérêts deviennent trop divergents. Parfois, on n'est pas loin de retomber dans le rapport de force... ' Pour la première fois cette année, mon acheteur n'a pas voulu s'engager par écrit , témoigne Rémy Crozier (Beaujolais). Il m'a assuré, par oral, qu'il me prendrait 200 hl et qu'en fonction du marché, il m'achèterait 100 hl supplémentaires. Reste à savoir à quel prix... '

De la même façon, gare à la dénonciation d'accord de dernière minute ! Mieux vaut disposer d'un contrat comprenant une clause, qui encadre la procédure de rupture pour éviter les mauvaises surprises, comme cela a été le cas pour Philippe Plantevin. ' J'ai appris que l'accord n'était pas reconduit par un courtier. C'est moi qui ait dû appeler pour avoir confirmation. Cela s'est fait peu de temps avant les vendanges. On aurait pu m'avertir plus tôt pour me laisser le temps de trouver d'autres partenaires. '
Parmi les éléments plus ou moins contraignants selon les accords de partenariat, le cahier des charges. Certaines maisons se contentent de demander le respect des conditions de production de l'AOC, d'autres établissent des cahiers de culture précis, ' à la limite de l'inquisition ' à en croire ce vigneron du Sud-Est : ' J'étais d'accord pour noter les intrants. Mais j'ai trouvé anormal que l'on me demande de préciser toutes mes interventions à la vigne... C'était un surcroît de travail et certains détails reviennent à prendre mon savoir-faire. J'ai refusé. Le contrat a été dénoncé. D'autres, plus dociles, ont conservé leur accord ... '

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