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DOSSIER - PRODUCTEURS-NÉGOCIANTS : La tension monte - Enquête dans les régions

PROVENCE L'union sacrée

Aurélia Autexier - La vigne - n°216 - janvier 2010 - page 38

Economiquement, tout le monde surfe sur la vague du rosé. Politiquement, producteurs et négociants locaux ont fait front commun contre le rosé de coupage.

Bien placé sous le vent qui porte la consommation du rosé, le baromètre des relations entre production et négoce provençal affiche un « beau fixe » rassurant. Les deux familles ont conscience de leur chance. Les rosés de Provence (côtes-de-provence, coteaux-varois-en-provence ou coteaux-d'aix-en-provence) constituent un bon filon. Viticulteurs et négociants locaux sont bien décidés à le défendre.

La preuve : le projet de la commission européenne d'autoriser le rosé par coupage a provoqué la levée de boucliers des deux familles. Que les producteurs montent aux créneaux, cela se comprend… Mais l'opposition des négociants locaux a été tout aussi ferme.

On est Provençal avant d'être négociant ou producteur

« J'ai dit à mon syndicat national que je ne partageais pas leur position sur le sujet », affirme Jean-Jacques Bréban, PDG de la maison Les vins Bréban, l'un des négoces de la région. L'union sacrée contre « l'ennemi bruxellois » a soudé les deux clans.

Même cohésion sur le dossier du bassin de production où les producteurs comme le négoce refusent de fusionner dans une entité commune avec la vallée du Rhône. A croire qu'en Provence, on est d'abord Provençal avant de se sentir producteur ou négociant !

Il y a vingt ans, ces mêmes Provençaux souffraient de la condescendance des « grands » de Bordeaux et autres vignobles prestigieux. Aujourd'hui, la roue a tourné. Fini la condescendance. Place à la convoitise. « Ces dix dernières années, beaucoup d'opérateurs extérieurs à la région ont montré de l'intérêt pour nos vins », constate Pierre-Jean Bertri, président des courtiers Varois.

Fin 1999, le négociant bordelais Pierre Castel achète le château Cavalier, à Vidauban (Var), et construit une winery qui attire une trentaine de viticulteurs des environs pour un total de 400 ha. Il y a eu aussi l'acquisition de Listel, propriétaire de la marque Billette, par le groupe champenois Vranken. Ou encore le rachat de la maison Gassier, à Puyloubier (Bouches-du-Rhône), par le Languedocien Jeanjean.

Dernier en date, l'arrivée du Bordelais Sacha Lichine à la tête du château d'Esclans, à La Motte (Var). Au printemps 2009, l'homme d'affaires était venu à la foire de Londres présenter son rosé très haut de gamme.

A côté de ces opérateurs extérieurs, on assiste aussi à l'émergence d'une nouvelle génération de négociants locaux. Il s'agit de propriétés ayant réussi à se faire un nom et qui, manquant de vin, créent une « branche » négoce. C'est le cas du domaine Saint-André de Figuière. Alain Combard, son responsable, explique : « La propriété compte aujourd'hui 60 ha, mais pour approvisionner nos marchés nous achetons aussi du raisin, voire un peu de vrac. Au final, nous vendons un million de bouteilles dont 400 000 issues de la propriété. »

Stratégie similaire à Sainte-Roseline. « Face à la croissance de nos marchés, nous avons d'abord augmenté notre surface, puis créé une activité de négoce, raconte son directeur général, Christophe Bernard. Aujourd'hui, nous sommes en partenariat avec six viticulteurs. Ils ont signé une charte de production. Cela représente 9 000 hl. Nos deux propriétés produisent, quant à elles, 5 500 hl. »

Satisfaite de son essor économique, la filière provençale d'AOC est aussi fière de son tout nouveau contrat interprofessionnel. Son utilisation est obligatoire depuis 2008-2009 pour toute transaction de vin, de raisin ou de moût non conditionné.

Le nouveau document est présenté avec « son mode d'emploi » de sept pages. Tout y est récapitulé : clauses de renonciation, date de facturation, délais de paiement…

« Avant, les parties négociaient un contrat spécifique. Aujourd'hui, il y a un seul document pour tous, mais avec la possibilité d'effectuer des choix parmi différentes options, ce qui montre aux petits producteurs ce qu'ils peuvent négocier », explique Sandra Tessarotto, directrice des vignerons indépendants du Var.

Autre atout : ce nouveau contrat devrait améliorer la transparence des marchés grâce à des statistiques plus fiables. De quoi accompagner l'essor provençal !

Le Point de vue de

Jean-Pierre Henry, directeur de la cave coopérative de La Londe-les-Maures (Var)

« Je ne mets pas tous mes œufs dans le même panier »

 © J. NICOLAS

© J. NICOLAS

« Notre cave coopérative produit environ 15 000 hl. Essentiellement du rosé. Nous faisons 80 % de côtes-de-provence et environ 20 % de vin de pays du Var. Pour la commercialisation, nous faisons en sorte de ne pas mettre tous nos œufs dans le même panier. Un peu moins de la moitié de notre production

environ 40 % - est commercialisée par nos soins, en bouteilles. Nous vendons soit en direct via notre caveau, soit via le réseau de distribution que nous nous sommes constitué. Nous avons par exemple quelques référencements régionaux et nationaux avec des enseignes de la grande distribution.

Nous écoulons le reste de notre production via le négoce. Nous vendons la moitié en vrac, au coup par coup. Pour ces volumes, nous sommes en contact avec un courtier qui nous fait des propositions. Il travaille avec trois ou quatre maisons de négoce avec lesquelles nous faisons le plus souvent affaires. Pour l'autre moitié, nous avons un partenariat avec la maison Jeanjean. Depuis 1999, nous leur livrons du vin mis en bouteille pour des marchés bien ciblés. Il n'y a rien d'écrit entre nous mais nous tombons toujours d'accord pour reconduire ce marché. D'une façon plus générale, je suis satisfait des relations que j'ai avec le négoce. On travaille en bonne intelligence. On écrête les excès à la hausse comme à la baisse. C'est à ce prix que tout le monde y trouve son compte ! »

58 %

Le poids du négoce 58 % des vins de Provence, toutes AOC et toutes couleurs confondues, commercialisés par le négoce.

Les trois premiers acheteurs d'appellation

Listel (groupe Vranken), Castel, Le Cercle des vignerons de Provence et/ou les Chais Beaucairois

(Estimations « La Vigne » auprès des sources professionnelles)

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :