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La flash-détente

La vigne - n°160 - décembre 2004 - page 0

Ce traitement thermique, préalable à la vinification, donne des vins rouges plus riches en tanins et en couleur. Bien qu'ils soient plus structurés, ces vins restent souples.

La flash-détente est un traitement physique de la vendange, qui augmente l'extraction des composés polyphénoliques et des précurseurs d'arômes. Elle ne présume pas du mode de vinification ultérieur, qui peut avoir lieu en phase liquide ou solide, avec ou sans enzymes... Mais la vinification traditionnelle, avec macération, reste la plus courante.
Développée par l'Inra et la société Aurore développement, la flash-détente a fait l'objet d'un dépôt de brevet en 1993. Seules trois entreprises peuvent l'exploiter : Fabbri, Pera et Boccard. Une installation, traitant de 1,5 t/h à 25 t/h, coûte de 120 000 euros à 460 000 euros.
' Le procédé consiste à mettre sous vide instantanément une vendange chauffée à 85°C minimum ', résume Jean-Louis Escudier, de l'Inra de Pech Rouge. La vendange est en général égouttée avant traitement. Une partie du jus est utilisée pour la chauffer, soit directement après passage dans un échangeur, soit après avoir été vaporisée. Les chercheurs de l'Inra ont également envisagé, avec EDF, une méthode de chauffage de la vendange par circulation d'un courant électrique. Ce chauffage ohmique serait bien adapté aux petites unités de vinification, mais l'idée n'a pas été reprise par des industriels pour l'instant.
La mise sous vide poussé (entre 0,05 et 0,1 bar) provoque ensuite la vaporisation de l'eau de la baie et son refroidissement instantané autour de 35°C. Contrairement à une thermovinification, où le refroidissement est plus lent, il n'y a pas ici de risque de faux goût. Une tonne de vendange génère 2 000 m³ de vapeur d'eau. Les vapeurs ainsi formées sont condensées et réincorporées en général, car elles sont très aromatiques. Si elles ne sont pas conservées, le traitement correspond à un enrichissement partiel qui doit faire l'objet d'une déclaration : les vins peuvent gagner 0,8 à 0,9 % vol.

En s'évaporant, l'eau crée des microfissures dans la pellicule, qui la fragilisent. De plus, cette plus grande fragilité s'accentue au cours de la macération. En effet, il est probable que les enzymes du raisin aient plus facilement accès à la pellicule que dans une baie subissant une macération traditionnelle.
C'est cette fissuration qui fait l'intérêt du procédé. Elle n'a lieu que grâce au refroidissement par mise sous vide ; un échangeur à plaques ne produira pas le même résultat. Grâce à ces fissures, les polyphénols et les précurseurs d'arômes contenus dans la pellicule diffusent plus facilement. D'après les études de l'Inra, grâce à la flash-détente, l'enrichissement en polyphénols totaux peut atteindre 50 % par rapport à une vinification classique. Par exemple, une cuvaison de 32 jours donne un vin rouge contenant 3 370 mg/l de tanins, contre 4 580 mg/l pour un vin issu d'une flash-détente avec une cuvaison de 14 jours. Dans tous les cas, ' une cuvaison de un à deux jours permet d'atteindre et de rapidement dépasser les extractions en vinifications classiques , explique Jean-Louis Escudier. Une cuvaison, même de trois mois, ne permettra jamais d'atteindre les résultats d'une flash-détente '. En six à dix jours, les tanins sont extraits.
Patrick Vuchot mène des essais à l'Institut Rhodanien et nuance cette affirmation : ' Sur les plus hauts de gamme, nous avons fini, avec le temps, par avoir les mêmes niveaux de couleur et de tanins en vinification classique qu'avec la flash-détente. Si on a le temps et la cuverie disponible, il n'est pas nécessaire de flasher. ' Il a utilisé, dans ses essais, un appareil de flash-détente qui chauffe la vendange par le moût, comme dans une thermovinification.

Toujours selon l'Inra, l'écart entre une vinification classique et une flash-détente avec macération se maintient dans le temps. En particulier, l'intensité colorante d'un vin issu d'une flash-détente sera toujours plus élevée. A titre d'exemple, après quarante-deux mois de conservation en bouteille, un cabernet-sauvignon issu de flash-détente présente une intensité colorante de 8,82 contre 6,90 pour le même vin vinifié classiquement. Autre caractéristique intéressante des vins élaborés selon ce procédé : ils présentent en général une teinte plus faible, donc une couleur d'apparence plus jeune. Patrick Vuchot a néanmoins remarqué que la couleur est souvent instable : ' On en perd jusqu'à 50 % entre la fin de la fermentation et la mise en bouteilles. ' Pour pallier cela, il recommande la micro-oxygénation, voire le tanisage des vins.
L'enrichissement en polyphénols peut faire craindre une dureté des vins. En fait, les rouges obtenus sont plus structurés, mais aussi plus souples et, surtout, ils présentent une certaine sucrosité à la dégustation, sans contenir de sucres résiduels. Ils nécessitent un élevage long et sont surtout intéressants en assemblage. Ils sont généralement assez fermés pendant la première année, sauf dans le cas où les raisins sont pressés directement en sortie de flash-détente. Dans ce cas, les vins sont à la fois très colorés et très fruités. Mais ils sont à consommer beaucoup plus rapidement.
Le procédé d'extraction n'est pas sélectif, c'est-à-dire que tous les composés sont davantage extraits, qu'ils soient bons ou mauvais. Le vinificateur doit donc prendre certaines précautions. La flash-détente ne permettra pas de rattraper une vendange de mauvaise qualité. Au contraire : elle ne doit s'appliquer que sur des raisins parfaitement éraflés et mûrs, sans quoi l'astringence augmenterait.

' Il s'agit tout de même d'un traitement thermique, ce qui peut permettre d'attendre la complète maturité des raisins avec plus de sérénité ', nuance Jean-Louis Escudier. En effet, si la montée en température est suffisante et rapide, les oxydases du moût sont inactivées. En cas de vendange altérée, il faut chauffer la vendange non égouttée. Le meilleur procédé de chauffage est la vapeur biologique. ' Contrairement au chauffage par le moût, la vapeur biologique permet de porter la vendange au-delà de 85°C, rapidement , explique Patrick Vuchot. Les enzymes sont donc inactivées. De plus, la vendange est traitée en complète anaérobiose, car la vapeur chasse l'air. '




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