La Tribaie réalise le tri des baies en fonction de leur état sanitaire et de leur maturité. Ce système permet d'obtenir des lots de qualités différentes.
L'entreprise ATESN, basée à Castelnaud-de-Gratecambe (Lot-et-Garonne), commercialise la Tribaie. Cette machine trie la vendange en fonction de son état sanitaire et de sa maturité, directement après la récolte mécanique. Une table vibrante sépare tout d'abord la partie solide de la partie liquide. Le jus est évacué vers une cuve, tandis que les raisins passent dans un séparateur à disques crantés. Celui-ci éjecte les feuilles et autres impuretés d'un côté, et envoie les baies sur un tambour de l'autre. Là, les baies entières rebondissent, alors que les baies éclatées se collent au tambour et sont évacuées vers la sortie. Ces dernières tombent ensuite dans un bain de jus de raisin (6 à 10 hl), dit bain densimétrique : les baies vertes flottent (lot flottant), tandis que les baies mûres tombent dans le fond (lot coulant de haute qualité).
Pour augmenter le nombre de baies coulantes, il faut appauvrir le jus en ajoutant un peu d'eau, mais ' il est difficile de programmer le résultat souhaité ', prévient Bruno Laflaquière, d'ATESN. Les raisins passent sur un tapis qui les égoutte. Au final, les trois lots (baies éclatées, flottantes et coulantes) sortent dans trois goulées distinctes, et peuvent être envoyés dans différentes cuves. Selon son concepteur, la Tribaie a un rendement de 8 à 10 t de raisin par heure, et peut travailler en continu. Le prix de base de cette machine est de 50 000 euros (1,20 m de large) à 63 000 euros (2 m).
Philippe Bardet, viticulteur à Saint-Emilion (Gironde), s'est équipé de cette machine, qu'il considère comme une révolution. Elle relève le niveau moyen de son chai, et correspond mieux aux goûts des consommateurs. ' Toutes les baies vertes et les pépins libres sont éliminés lors du tri , dit-il. Les vins sont moins râpeux, les tanins plus soyeux et correspondent aux goûts modernes. La différence est marquante au niveau des vins de presse : avant, j'avais deux qualités et je jetais le moins bon. Maintenant, ils sont tous bons. '
Philippe Bardet jette toutes ses baies flottantes, ' car même si, en volume, cela fait beaucoup, une fois pressé, cela ne représente pas plus de 4 % du jus total . La machine est payée l'année même de son achat ', grâce aux économies de main-d'oeuvre qu'elle entraîne.
Jacques Boyer, du château La Croix-Belle, à Puissalicon (Hérault), est également satisfait de la Tribaie. Il s'est équipé il y a deux ans pour faciliter sa gestion du personnel : ' C'est difficile d'avoir une équipe disponible exactement quand j'en ai besoin, et c'est rare que les salariés saisonniers trient vraiment bien . ' Michel Gaillard, des vignobles Lurton (Gironde), partage cet avis : ' La Tribaie permet de vendanger au moment optimal : les machines tournent nuit et jour, et la Tribaie suit . Cela permet de valoriser les avantages des machines à vendanger . '
Même s'il était inquiet au départ, Jacques Boyer n'a constaté aucun problème d'oxydation de ses baies : entre le moment où elles entrent dans la Tribaie et celui où elles en sortent, il ne s'écoule même pas une minute. Les lots de raisins obtenus sont différents. Les baies flottantes sont destinées à des cuvées simples (vins d'entrée de gamme), les coulantes aux têtes de cuvée.
Michel Gaillard réalise aussi deux cuvées distinctes : les baies coulantes constituent son premier vin, les flottantes et les éclatées, le second vin.
Pour rien au monde, Jacques Boyer ne reviendrait en arrière, même s'il regrette que les investissements annexes soient aussi importants (achat d'un conquêt vibrant...), et qu'à deux, la mise en route de la machine nécessite 30 min et son nettoyage presque 2 h.
Michel Gaillard a une analyse similaire : ' La Tribaie permet d'obtenir un lot parfait à partir de vendanges mécaniques, mais elle est longue à nettoyer (2 h/jour à deux) et le débit est faible (6 à 8 t/h). '
Selon les utilisateurs, la principale limite du système, c'est le jus densimétrique qui se salit vite. Il provient généralement du premier conquêt. Mais au niveau de son entretien, il n'y a pas de solution miracle : Michel Gaillard le change tous les jours, Philippe Bardet incorpore de la bentonite quotidiennement, à raison de 100 g/hl, et le laisse au froid jusqu'au lendemain. Quant à Jacques Boyer, il le filtre deux à trois fois par jour. Mais, au final, ce jus finit systématiquement à la distillerie...