Des vignerons du Loir-et-Cher projettent d'installer une vingtaine de tours antigel avec brûleurs. Leurs voisins de Quincy en possèdent vingt-six, qui donnent entière satisfaction. Dans l'Yonne, ce sont les fils chauffants qui ont séduit deux domaines.
Avec le réchauffement climatique, la vigne débourre de plus en plus tôt. Elle devient plus sensible au gel de printemps. En Champagne, la fréquence des gelées de printemps a été multipliée par trois au cours de ces trente dernières années.
Depuis 1990, le vignoble du Loir-et-Cher a subi sept années de gel sur quatorze. Selon le réseau antigel, depuis 1991, les pertes s'élèvent à 1,25 Mhl, soit 2,2 récoltes complètes du département. Ce constat amène les vignerons à s'interroger sur la lutte contre les gelées de printemps, et à s'intéresser à des systèmes autres que l'aspersion, les chaufferettes ou les bougies. La Cuma Protecgel du Loir-et-Cher réunit une quinzaine de vignerons. En 2004, elle a monté un projet d'implantation de vingt à vingt-cinq hélices, dans les secteurs de Noyers-sur-Cher, Châtillon-sur-Cher et Cheverny. Une tour protégerait 4,5 ha. ' Nous avons opté pour les hélices, car leur mise en oeuvre et leur fonctionnement sont plus simples que l'aspersion ', explique Dominique Girault, vigneron à Noyers-sur-Cher et responsable du réseau de lutte antigel.
Le principe des hélices consiste à brasser l'air entre les couches les plus froides, situées au contact du sol, et celles à 10 m de hauteur, beaucoup moins froides. ' On admet que le gain thermique au niveau du bourgeon est égal à la moitié ou aux deux tiers du gradient thermique qui existe entre le sol et le haut de la tour ', dit François Langellier, du Comité interprofessionnel du vin de Champagne (CIVC).
Il ajoute qu'à flanc de coteau, l'efficacité est limitée, car le gradient thermique est insuffisant. Par contre, dans les fonds, les tours présentent tout leur intérêt. Elles sont adaptées aux vignobles peu vallonnés. Lors de gelées noires, le système fonctionne mal, car l'écart de température entre le sol et le haut de la tour est très faible. Mais il existe une solution. ' Nous pensons y adjoindre un système de chauffage pour améliorer l'efficacité ', rapporte Dominique Girault.
C'est ce qu'a fait le vignoble de Quincy (Cher). La moitié de ce dernier est protégée par vingt-six hélices, associées à un système de chauffage. ' En 2001, nous avons eu de fortes gelées. Ceux qui n'étaient pas protégés ont subi des pertes de récolte, alors que nous, nous avons eu une belle sortie de grappe s ', se rappelle Jean-Claude Roux, président de la Cuma qui gère les éoliennes de Quincy. Même chose en 2003. ' Par contre, sur des gelées de - 7 à - 8°C, les tours antigel ne suffisent pas. Elles sont faites pour sauver la vigne jusqu'à - 5 °C ', prévient-il. Les hélices demandent peu d'entretien. A l'usage, le coût est faible. Il faut compter 100 l de fuel par heure pour un brûleur. Et l'investissement de départ est moindre par rapport à d'autres techniques.
Pour les vignerons du Loir-et-Cher, le projet reste néanmoins onéreux. Il faut compter 38 000 euros HT pour une hélice. La Cuma a donc demandé des subventions. Si elle les obtient, les premières hélices pourraient arriver en 2006. L'installation complète durera huit ans.
Cette année, la Cuma va également tester le Frostbuster, de Lazo Europe (Belgique). Il est distribué en France par Mecagri (Corrèze). Il s'agit d'une turbine à gaz traînée par un tracteur. A sa puissance maximale, elle réchauffe l'air sur une bande de 150 m de largeur. Elle consomme 3 à 4 kg de propane par hectare.
Une machine coûte environ 17 532 euros. Selon le fabricant, elle peut protéger 7 ha. Il faut repasser aux mêmes endroits toutes les dix minutes. ' Si ce système fonctionne bien, cela reviendra moins cher que les hélices ', expose Dominique Girault.
A Chablis (Yonne), le domaine William Fèvre et la maison Albert-Bichot ont installé, l'année dernière, des câbles chauffants d'une puissance de 12 watts au mètre, sur une surface de 1,5 ha de grand cru. Ces derniers sont accrochés parallèlement au fil de liage. Ils rayonnent sur 5 à 10 cm. La mise en place a été assez lourde. Elle a duré un mois ' Il a fallu faire l'alimentation électrique. EDF a dû tirer une ligne sur 2 km, et ouvrir un tarif jaune. Ensuite, il a fallu creuser des tranchées au pied de chaque rang pour amener les câbles ', témoigne Didier Séguier, responsable du domaine William Fèvre.
C'est assez coûteux : ' Un peu plus de 40 000 euros/ha, contre 18 000 euros pour une installation de fioul. Mais le retour sur investissement peut être très rapide ', rapporte Didier Séguier. A cela, il faut rajouter le coût de l'abonnement EDF et la consommation en kilowattheure. L'installation est entièrement automatique ; les câbles sont reliés à une armoire de régulation. Il suffit de fixer une température seuil en dessous de laquelle le système se déclenche de lui-même, grâce à des sondes de détection. Pour l'entretien, il faut faire attention de ne pas sectionner les câbles lors de la taille ou au moment des vendanges. Attention, les câbles ne sont pas adaptés à tous les systèmes de taille. ' La baguette à fruit doit être le plus proche possible du fil chauffant ', rappelle Jean-Didier Basch, régisseur de la maison Albert-Bichot. Les vignes taillées en Guyot à plat ou les cordons remplissent cette condition.
En Champagne, Moët-et-Chandon expérimente les fils chauffants depuis une dizaine d'années sur 50 ares. ' Le système fonctionne bien sur cordon de Royat, car les bourgeons sont bien situés dans le périmètre de protection. Il tient jusqu'à des températures de - 6°C, mais cela dépend du taux d'humidité de l'air. Mais vu l'investissement, la technique est plutôt réservée aux grosses exploitations ', indique Philippe Lesne, adjoint au directeur technique du vignoble Moët-et-Chandon.