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Pourquoi l'élevage sur lies adoucit les vins

La vigne - n°163 - mars 2005 - page 0

Au cours de son autolyse, la levure libère non seulement des mannoprotéines, mais également des peptides. Certains participent à la rondeur des vins. Ils augmentent le volume en attaque et atténuent la perception de l'acidité.

L'élevage sur lies a de multiples effets bénéfiques. Il préserve, voire renforce l'expression aromatique des vins. Il en améliore la filtrabilité et la stabilité vis-à-vis des précipitations tartriques et protéiques, tout en les arrondissant. Les premiers effets sont aujourd'hui assez bien connus.

Dès la fin de la fermentation, les lies libèrent du glutathion qui protège les arômes sensibles à l'oxydation, comme les thiols. Certaines enzymes dégradent les glucanes du vin, et le rendent moins colmatant. Elles libèrent diverses mannoprotéines des parois de la levure. Ces dernières substances jouent le rôle de colloïdes protecteurs, en inhibant la précipitation des protéines instables ou des cristaux de tartre. On leur attribue parfois des propriétés gustatives, expliquant l'augmentation de sucrosité des vins au cours de l'élevage. En fait, ce n'est pas le cas : comme pour les composés pectiques du raisin, ces molécules n'ont pas d'effet gustatif direct. En revanche, il est possible que les mannoprotéines interagissent avec les tanins du chêne ou avec des vins rouges, et qu'elles les rendent moins astringents, permettant ainsi d'augmenter la longueur et le volume en bouche.
L'élucidation de l'augmentation de la sucrosité au cours de l'élevage sur lies est récente. Elle résulte des travaux de thèse menés par Anne Humbert, à la faculté d'oenologie de Bordeaux, financés par la société Laffort oenologie et le laboratoire Sarco. ' Les molécules au pouvoir sucrant ne sont pas des mannoprotéines, révèle Virginie Moine, chercheuse au laboratoire Sarco. Ce sont de petits peptides, de poids moléculaire de moins de 3 000 Da (dalton), qui sont libérés par la levure au cours de l'autolyse. '

Ce n'est pas une surprise, car de nombreux peptides sont connus pour leurs pouvoirs sucrants ou gustatifs. L'aspartame, édulcorant employé en agroalimentaire, est sans doute le plus célèbre.
Pour identifier les molécules en cause dans l'élevage sur lies, Anne Humbert a travaillé en milieu modèle uniquement. ' Nous voulions nous affranchir des nombreux peptides issus du raisin, qui jouent probablement un rôle majeur dans la perception de sucrosité de certains vins ', justifie Virginie Moine. Anne Humbert a ajouté des enzymes d'élevage (Extralyse, de Laffort oenologie) pour provoquer et accélérer la lyse des levures. De plus, ces enzymes libèrent les mêmes produits qu'une autolyse normale, mais en plus grande quantité.
Les fractions responsables de ces sensations de rondeur ont été partiellement isolées par des techniques d'ultrafiltration. Elles ont ensuite été ajoutées dans des solutions synthétiques, puis dégustées et caractérisées.
L'une des difficultés de l'étude a été de définir la notion de sucrosité. ' Lorsque nous avons commencé les dégustations sur ces peptides, nous nous sommes aperçus que tout le monde n'associait pas la même chose au terme de sucrosité, détaille Virginie Moine. Pour certains, elle était difficilement dissociable de la structure. ' Le laboratoire Sarco a donc affiné la définition de la notion de sucrosité. En vins rouges, elle se traduit par une augmentation de la sensation de rondeur en attaque, alors que pour les vins blancs, la sucrosité contre-balance la perception de l'acidité. L'action sur la structure en milieu de bouche et l'astringence en finale est quasiment nulle.

Au cours d'un élevage sur lies, ces peptides sont libérés en soixante-dix jours environ. Dans les mêmes conditions, il faut au moins six mois pour libérer les mannoprotéines qui participent à la stabilisation protéique et tartrique. Les peptides libérés ne sont pas sensibles à la température, ni au SO 2, pas plus qu'ils ne génèrent d'instabilité protéique. D'ailleurs, ils ne sont pas adsorbés par la bentonite. En milieu modèle, les quantités libérées sans enzyme s'élèvent à 110 mg/l après cent vingt jours d'autolyse. Sous l'action de certaines préparations enzymatiques, elles atteignent 200 mg/l. Ces quantités sont très supérieures au seuil de détection sensoriel, ' excessivement bas (16 mg/l) pour la fraction partiellement purifiée. Il est probable que le seuil de perception de la fraction purifiée, à effet sapide, soit inférieur, de l'ordre de 10 mg/l. '


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