Voilà les appellations réduites à prendre les mêmes potions amères que les vins de table : distillation et arrachage. Qui aurait pensé que cela arriverait ? Personne ! Mais qu'importe : dans les prochains jours, il va falloir déterminer les cuves de beaujolais, de bordeaux ou de côtes-du-rhône qu'on ne peut plus espérer vendre. Faisons vite. Ne soyons pas trop optimistes. Surtout, ne parions pas sur l'allégement des stocks du voisin : il ne forcera pas la main des acheteurs. L'Australie vient de laisser des tonnes de raisins sur ses vignes. Les marchés sont suffisamment approvisionnés. Ils n'ont pas besoin des excédents de ce pays qui a vu trop grand. Ils ont encore moins besoin de vins français plats, verts ou vieillissants. Seule l'Union européenne offre de nous en débarrasser.
En ouvrant une distillation de crise pour 1,5 million d'hectolitres d'AOC, elle s'apprête à injecter 60 millions d'euros dans la viticulture d'appellation. Elle propose 3,35 euros/°hl. Evidemment, on aurait aimé vendre plus cher. Mais à qui ? La question restant sans réponse, prenons cet argent pour ce qu'il est : un ballon d'oxygène. Il sera consommé le temps que les entreprises lestées de stocks s'en débarrassent. Ce faisant, il redonnera du souffle à des marchés suffocants. Mais la distillation ne résoudra rien. Les appellations en crise n'échapperont pas à l'arrachage, ni à d'autres révisions. Elles devront regagner la confiance des acheteurs et des consommateurs, en commençant par confier l'agrément à des organismes indépendants des syndicats. Elles devront aussi rajeunir leur image figée dans une tradition poussiéreuse. Alors, elles renoueront avec notre époque éprise de science et de technologie mais qui, étrangement, s'en défend.