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Distillation : 'Nous espérons assainir le marché'

La vigne - n°168 - septembre 2005 - page 0

Aucune cave n'a distillé de gaieté de coeur. Certaines en ont profité pour résorber leur stock. D'autres n'avaient pas le choix. Il leur fallait un apport de trésorerie. Les plus optimistes voient dans la distillation l'occasion de revoir leur stratégie commerciale.

'Ce n'est pas de gaieté de coeur, que nous avons souscrit à la distillation, lance un directeur de cave coopérative de la vallée du Rhône. Mais face à la mévente et à l'effondrement des cours, nous avons considéré qu'elle constituait un outil, parmi d'autres, pour assainir le marché du vin. ' ' Notre métier, c'est de vendre du vin et non de l'apporter à la distillation, déplore de son côté l'un de ses confrères à Bordeaux. Nous avons fait un choix politique, nous avons pris l'option de distiller dans l'espoir que la région s'en sorte mieux. '
La distillation de crise, demandée par la France, orchestrée par Bruxelles, laisse un vaste sentiment d'amertume. ' Ce mot a un impact commercial négatif, précise un responsable commercial de cave dans le Beaujolais. Autrefois, la distillation était réservée aux vins non marchands. Aujourd'hui, des vins agréés sont concernés. Les clients qui ont acheté du vin en début de campagne et qui voient le même vin dirigé vers la distillation peuvent se sentir lésés. ' Pour cette raison, les caves qui ont eu recours à la distillation préfèrent garder l'anonymat.

Ces caves ont allégé leur stock. ' Nous avons souscrit un volume d'environ 5 500 hl, explique le directeur de cave de la vallée du Rhône. Nous distillerons des vins de qualité moyenne des millésimes 2002 et 2003. De cette façon, nous pourrons rentrer la vendange sans avoir de vin en cave, car nous avons commercialisé l'intégralité de la récolte 2004. Nous repartons sur des bases saines. Nous allons aussi satisfaire la demande, car la clientèle recherche de plus en plus des vins de l'année. '
Dans le Beaujolais, le constat est similaire. ' Nous avons choisi de distiller 5 000 hl de vin, essentiellement du beaujolais régional de la récolte 2004, commente un responsable commercial de cave coopérative. Nous avons conservé un peu de volume de ce millésime en cave, pour assurer la continuité et pour répondre à d'éventuelles demandes. Toutefois, nous savons que les acheteurs ne voudront plus de 2004. Ce millésime est synonyme de surproduction. Ils voudront passer au 2005 qui s'annonce meilleur. En outre, sur l'appellation régionale, la demande porte essentiellement sur les vins de l'année. '
Une autre raison a poussé cette cave à distiller. ' Le corollaire de la mévente, c'est l'effondrement des cours, poursuit son responsable commercial. Or, nous ne voulions pas écouler nos vins sur des marchés à bas prix qui ne correspondent pas à notre positionnement. De plus, ils auraient pu se trouver en concurrence avec des produits déjà vendus à des cours supérieurs. '

Dans le Bordelais, les opérateurs qui ont sauté le pas ont pu libérer une partie, voire l'intégralité de la réserve qualitative mise en place dans le vignoble au titre de la récolte 2004. ' J'avais 480 hl bloqués en cave, confie un vigneron. J'ai choisi de distiller la moitié de ce volume afin de libérer l'autre moitié. ' Il a longuement mûri sa décision. ' J'ai fait mes calculs, je vais percevoir la prime de distillation sur 240 hl et je vais pouvoir vendre les 240 hl restants au prix de mon marché. Ainsi, je pense parvenir à un certain équilibre économique. ' Pour ce vigneron, la distillation est aussi synonyme de ' gestion qualitative. Je vais distiller des vins de moindre qualité qui ne correspondent pas à ce que je souhaite pour mes marchés, indique-t-il. Ainsi, je rehausse également le niveau de ma cave '.
Dans la région, d'autres ont fait le choix d'apporter à la distillation toute leur réserve qualitative. Là aussi, la décision a été prise en fonction des ratios économiques. ' Nous avions en cave 4 957 hl de réserve qualitative, commente le directeur d'une cave coopérative dans le Bordelais. Nous avons décidé de tout apporter à la distillation. Cela nous permet de diminuer notre stock. Nous avons pu prendre cette option car, en plus du prix de la distillation, nous allons percevoir la prime solidarité, d'un montant de 35 euros/hl distillé. Ces conditions sont préférables au cours actuel qui est de 740 euros le tonneau. '

A côté de ces caves qui ont pu mûrir leur décision, d'autres n'ont pas eu le choix. Certains vignerons ont dû distiller pour faire face à des difficultés de trésorerie. ' Entre le 1er janvier et le 30 juin, le prix moyen de vente de l'AOC Côtes du Rhône a diminué de moitié, argumente un vigneron du Vaucluse. En face, les échéances de charges sociales, fiscales... continuent de courir. L'argent de la distillation va rembourser des prêts à court terme, que j'ai contractés auprès de la banque. '
L'opération prend aussi des accents de remise à plat. Certaines caves vont revoir leur stratégie. ' L'épreuve de la distillation nous a confortés dans la nécessité d'adopter de nouvelles orientations commerciales, insiste un directeur de cave coopérative du Rhône. La consommation de vin diminue et évolue. Pour rester dans la course, il faut adapter notre production aux attentes des marchés. Désormais, nos discussions avec les acheteurs vont porter sur le style de vin qu'ils attendent. '

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