Les tracteurs interlignes et les enjambeurs puissants sont de plus en plus vendus. Ce phénomène est dû au développement de la pulvérisation pneumatique, à l'augmentation des demandes en hydraulique, et à la multiplication des passages combinés d'outils.
Selon les chiffres annoncés par le Sygma (Syndicat général des constructeurs de tracteurs et de machines agricoles), les immatriculations de tracteurs viticoles neufs ont chuté en 2004. Néanmoins, les ventes de tracteurs vignes et vergers, à quatre roues motrices, de 80 ch et plus, sont en hausse de 41 %. De même, les ventes des enjambeurs ont augmenté de 26 % pour les 100 à 120 ch et de 11 % pour les 120 à 150 ch.
Cette évolution s'explique par de nombreux facteurs. Tout d'abord, ' de plus en plus de viticulteurs utilisent des pulvérisateurs pneumatiques. Ces derniers absorbent beaucoup de puissance à la prise de force pour délivrer une bonne micronisation, et faire pénétrer la bouillie au niveau de la grappe , indique Patrick Breau, de Pradet Motoculture, concessionnaire Bobard, à Moulis-en-Médoc (Gironde). Et plus les rangs sont espacés et situés loin des mains, plus la puissance doit être importante . ' Il y a vingt ans, il vendait des enjambeurs de 70 à 80 ch. Maintenant, il monte jusqu'à 160 ch, même si la majeure partie de ses ventes se situe entre 80 et 110 ch. Pour un viticulteur, la différence de prix entre un 110 ch et un 83 ch est de l'ordre de 3 000 euros, auxquels il faut rajouter encore 15 000 euros pour avoir un 160 ch.
Dans l'Aude, à la concession Cazanave, la situation est similaire : ' En dix ans, les puissances ont augmenté de 10 à 15 ch. A présent, nous vendons essentiellement des interlignes de 70 à 80 ch pour entraîner les pulvérisateurs pneumatiques , analyse Christian Cazanave, concessionnaire Massey-Ferguson. Mais cette augmentation de puissance est également due au fait que les vignes s'élargissent puisqu'en moyenne, elles sont passées de 2 m à 2,25-2,50 m. Pour les atteindre, le pulvérisateur absorbe plus de puissance . ' La différence de prix entre un MF 3425 (67 ch) et un MF 3435 (80 ch) est de 2 500 à 3 000 euros.
Philippe Leduc, de Jarny Sud Loire (Maine-et-Loire), complète ces propos : ' Depuis sept ou huit ans, les viticulteurs nous achètent des tracteurs Case IH de 70 à 80 ch, car ils veulent avoir 30 à 35 ch à la prise de force. Cela leur permet de traiter trois ou quatre rangs à la fois en pneumatique . ' Chez Case IH, il faut compter 4 500 euros de plus pour avoir un 76 ch à la place d'un 59 ch.
Daniel Cros, viticulteur à Serres (Aude), a récemment acquis un Massey-Ferguson 3435 S de 80 ch, car son 60 ch (Massey-Ferguson 158) manquait de souffle pour les labours et pour la pulvérisation : ' Les matériels attelés derrière le tracteur consomment de plus en plus de puissance, explique-t-il. Du coup, lorsqu'on change de tracteur, on opte souvent pour une puissance supérieure. Avec le 80 ch, j'effectue les mêmes travaux qu'avec le 60 ch, mais je les fais mieux et plus vite. En plus, cela me fatigue moins et use moins le tracteur. Ce modèle est aussi plus efficace en conditions difficiles : avant, lorsque le sol était sec, j'avais du mal à passer le cultivateur. Maintenant, il n'y a plus de problème ! Un autre atout du 80 ch est son débit hydraulique. Le 60 ch était juste. Le 80 ch est parfait. Le seul inconvénient de ce modèle est qu'il consomme davantage. Mais si j'avais su à quel point cela allait me changer la vie, je l'aurais acheté plus tôt . '
Gérard Faria, de la concession Priolet SA, à Dormans (Marne), vendait des enjambeurs de 80 ch il y a cinq à six ans. A présent, malgré une différence de prix significative (22 800 euros entre un 80 ch et un 140 ch), les Tecnoma les plus demandés font entre 100 et 140 ch. ' De nombreux viticulteurs traitent neuf rangs à la fois avec des pulvérisateurs pneumatiques. De plus, beaucoup d'entre eux essaient de rogner et de traiter en un seul passage. Pour réaliser ces tâches simultanément, le tracteur doit faire 140 ch ', estime-t-il.
Alain Navarre, viticulteur sur 6,7 ha à Passy-sur-Marne (Aine), possède le TPH de Tecnoma (140 ch) depuis un an. Il l'utilise pour rogner et traiter deux rangs à la fois. Il attelle la rogneuse à l'avant et le pulvérisateur derrière. Avant, avec son 55 ch, il devait faire deux passages. ' Comme je rogne juste avant de traiter, je mets moins d'antipourriture qu'avant, ce qui me permet d'économiser de l'argent. De plus, je passe environ 300 h/an sur mon tracteur, contre 500 h auparavant. C'est un gain de temps non négligeable ', explique-t-il.
Le domaine Larochette, à Chaintre (Saône-et-Loire), s'est en effet équipé d'un enjambeur Bobard de 110 ch lorsque sa surface de vignes est passée de 7 à 19 ha. ' Nous n'aurions jamais pu couvrir toutes nos vignes avec notre vieux tracteur de 45 ch , constate Marie-Pierre Larochette. Avec le 110 ch, on va plus vite, on se sent plus en sécurité, on peut travailler dans les vignes en pentes, et on se fatigue moins. '
Un autre facteur favorisant les ventes de tracteurs puissants est la demande en hydraulique. ' De plus en plus d'outils nécessitent de gros débits d'huile pour fonctionner, notamment les interceps hydrauliques, les herses rotatives, les effeuilleuses, etc. Pour les animer, les viticulteurs ont besoin d'un tracteur équipé d'un gros moteur thermique, ce qui est le cas sur des modèles puissants ', complète Patrick Breau.
Enfin, l'augmentation de puissance pour les enjambeurs est due à leur utilisation avec une tête de récolte. ' Certains de nos clients veulent utiliser leur enjambeur pour les vendanges. Ils achètent alors des modèles qui font jusqu'à 160 ch . S'ils optent pour un enjambeur et non pour une machine à vendanger, c'est souvent parce qu'ils réalisent du travail du sol. La visibilité est meilleure et le châssis est fait pour. Sinon, c'est plus une question de goût, comme un automobiliste qui préférerait une Mercedes à une Audi ', conclut-il.