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18°C, température fatale à la c onservation en bouteilles

La vigne - n°167 - juillet 2005 - page 0

La température de stockage est bien plus déterminante à la conservation des vins que le niveau de filtration ou le sulfitage. A 10-12° maximum, leurs qualités sont préservées, qu'ils soient filtrés serré ou non. Si cette contrainte ne peut pas être respectée, le sulfitage et la filtration empêchent les déviations.

L'idée est bien ancrée dans les esprits : la filtration est néfaste pour les vins. Pour de nombreux opérateurs, elle les ' amaigrit '. Quant au sulfitage, il nuit à leurs caractéristiques organoleptiques. La mode étant au naturel, les vins peu sulfités et non filtrés ont la cote. Ces vins, sont-ils réellement meilleurs ?
L'ITV de Beaune a voulu en avoir le coeur net. Il a comparé l'évolution dans le temps de deux beaunes premiers crus du millésime 1999 : Clos du roi et Montée rouge, selon leur niveau de filtration (non filtré, filtré à 5 microns, à 1,2 micron et à 0,45 micron), de sulfitage (non resulfité en sortie de filtre ou rajout de 40 mg/l de SO 2 total), et la température de conservation (conservation en cave à 11-12° ou à 18-19°C). Pour les lots très filtrés (1,2 et 0,45 micron), la modalité non resulfité n'a pas été retenue, car elle n'est pas pratiquée sur le terrain : les vignerons qui filtrent serré, protègent ensuite correctement leurs vins.
Au total, l'ITV a suivi douze lots de chacun des deux premiers crus. Les vins ont été embouteillés l'été 2000 et bouchés avec du liège. Auparavant, en cours d'élevage, ils avaient été enzymés, puis collés à l'albumine un mois avant la mise. Les filtrations ont été effectuées sur cartouche. Les vins ont été poussés par un mélange d'azote et de CO 2.

L'ITV a réalisé un premier point microbiologique en cours d'élevage, un autre avant la mise, un troisième après, puis un tous les ans. A chaque fois, il a dénombré les levures totales, les brettanomyces, les bactéries acétiques et lactiques. A côté, il a suivi les phénols volatils : éthyl phénol et éthyl galacol, les teneurs en SO 2. Il a aussi réalisé plusieurs points sur la couleur : avant et après la mise, puis au bout de deux ans et demi, puis de trois ans et demi. Les vins ont alors été dégustés par un jury professionnel une fois par an après la mise en bouteilles. Une autre dégustation a été organisée par le magazine Bourgogne aujourd'hui après trente mois en bouteilles.
L'élément le plus important qui ressort de cette expérimentation est la température de conservation. Lors de la dégustation du Clos du roi effectuée par Bourgogne aujourd'hui, les six premières places ont été attribuées aux vins conservés à 12°C. En tête du peloton se trouve le vin filtré à 5 microns et peu sulfité. Il a été noté 14,5. Le même vin conservé à 18°C n'a obtenu que 9,08.
Le vin non filtré, non sulfité et conservé à 12°C a obtenu 14,28. Il est deuxième. Le même conservé à 18°C est arrivé dernier avec 4,64. Ce dernier présentait des arômes d'écurie, de cuir, de chien mouillé..., caractéristiques d'une contamination par les brettanomyces. Autre constat : lorsque les vins ont été très filtrés, l'écart entre celui conservé à 12°C et celui à 18°C est moindre que pour les peu ou pas filtrés.
Les mêmes tendances ont été observées avec le Montée rouge, mais les résultats étaient moins tranchés.
Les analyses expliquent les observations des dégustateurs. Lors du premier contrôle microbiologique, l'ITV s'est aperçu que le Clos du roi était fortement contaminé par les brettanomyces. Dans les lots non filtrés et non sulfités de ce beaune premier cru, elles se sont développées. Et le phénomène a été beaucoup plus rapide à 18-19°C. Au bout d'une année, les populations pouvaient atteindre jusqu'à 100 000 cellules par millilitre. A 12°C, les brettanomyces se sont aussi développées, mais seulement au bout de trois années.
En revanche, dans les lots non filtrés mais sulfités, l'ITV n'a pas retrouvé de brettanomyces. ' Le sulfitage solutionne le problème. C'est un paramètre de base pour garantir la tranquillité microbiologique ', rappelle Vincent Gerbaux, auteur de l'étude. La filtration a aussi protégé les vins du développement de ces germes. Dans les lots filtrés à 5 microns, non sulfités, aucune brettanomyce n'a été retrouvée, ' mais restons prudents '.

L'effet le plus visible du SO2 est l'influence sur la couleur. ' Les teneurs diminuent très vite. Dans les lots non sulfitées, on tombe rapidement à des doses d'environ 10 mg de SO 2 total au bout de deux à trois ans. La baisse est d'autant plus forte que la température de conservation est élevée. Or, la teneur en SO 2 a une incidence directe sur la couleur ', remarque Vincent Gerbaux. Le SO 2 a en effet tendance à décolorer le vin. Les différences entre vins resulfité et non resulfité sont visibles à l'oeil nu et perdurent au cours du temps. Au niveau des intensités colorantes, la DO 420 + 520 + 620 est de 0,7 pour le lot non sulfité et de 0,6 pour ceux resulfités, soit une différence de 15 %. Lors des dégustations, la note de qualité visuelle des vins non sulfités et conservés à 12°C se situe largement au-dessus de la moyenne, alors que celle des autres l'atteint à peine. La filtration n'a eu aucun impact.
La température n'a pas joué sur l'intensité colorante, mais sur la teinte. ' Les vins conservés à 18°C s'oxydent plus vite, la teinte augmente et ils ont tendance à jaunir . '
Lors des dégustations, après trois ans de bouteilles, ils étaient tous en dessous de la moyenne, mais avec une meilleure note pour ceux non resulfités, car l'évolution de la teinte était, en partie, contrebalancée par une meilleure intensité colorante.

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