Le 23 août, à Villefranche-sur-Saône, 800 vignerons ont protesté contre la baisse des rendements demandée par l'Union viticole du Beaujolais. Ils n'ont pas obtenu gain de cause. ((c) B. C.)
'On nous a trompés. On nous méprise. On nous endort. ' Thierry Canard a la dent très dure contre l'Union viticole du Beaujolais (UVB), qui fédère les appellations et la FDSEA du Rhône. Nous sommes le 23 août. Il est 9 h 30. Il s'exprime devant 800 vignerons rassemblés au 210 boulevard Vermorel, à Villefranche-sur-Saône, le siège des organisations professionnelles locales. Président de l'association Beaujolais tous ensemble, il avait convié à une réunion publique, tous ceux qui étaient contre les rendements décidés par l'UVB le 15 juillet : 53 hl/ha pour le beaujolais, 52 hl/ha pour le beaujolais-villages, contre 58 et 57 hl l'an dernier.
Puis il tend le micro à Daniel Bulliat, vice-président de l'association : ' Les vases communicants, ça ne marche pas. ' Il explique que ce n'est pas en baissant les rendements qu'on offre des marchés à ceux qui n'en ont pas. ' Depuis les 35 heures, il y a toujours autant de chômeurs et moins d'argent dans le porte-monnaie. ' Cet argument fait mouche. Daniel Bulliat poursuit en disant que son association n'a pas de solution miracle. ' Seule la qualité des vins et des forces de vente efficaces nous sortiront de la crise. '
A la fin de son intervention, il demande que le président et le secrétaire général de l'Union viticole ' remettent leur mandat '. Une délégation de Beaujolais tous ensemble va porter la sommation aux intéressés, enfermés dans une salle de réunion aux volets fermés. Dehors, la foule attend. On explique aux journalistes que ' le noyau de l'association, ce sont des gens qui vendent bien. Ils ont investi. Et maintenant, on leur dit d'abandonner une partie de leur clientèle '. Les minutes passent. ' Dehors le bureau ', entame la foule. Mais les élus refusent de démissionner et de parler aux manifestants. Que faire ? Un autre orateur intervient : Damien Dupeuple. Il réclame l'autorisation de la machine à vendanger et la fin de l'obligation de vinifier en grappes entières.
Il est 10 h 30. Daniel Bulliat annonce que le président et le secrétaire général de l'UVB remettent leur mandat à leur conseil d'administration. Il présente Bruno Matray, ' candidat à la présidence de l'UVB '. Ce dernier, président du cru Fleurie, est beaucoup moins enflammé que ses prédécesseurs. Il affirme qu'il fera tout pour obtenir le maintien des rendements, la récolte mécanique, le renforcement des agréments, la séparation du syndicalisme d'appellation et de la FDSEA. Il se prononce en faveur d'un plan d'arrachage ' simple, juste et rapide '. Mais ' il faudra accepter des compromis ', prévient-il.
Après une nouvelle tentative d'amener l'UVB à s'exprimer, Thierry Canard propose qu'on élise ' à la tête de l'UVB monsieur Bruno Matray, de Fleurie '. ' Bruno président ! ' clame la foule. Alors, Thierry Canard appelle le sous-préfet, lui raconte la situation et demande l'ouverture d'une cellule de crise. Il est 10 h50. Bruno Matray reprend la parole. Il invite les manifestants à rentrer chez eux. ' Laissez-nous travailler. Il y a eu beaucoup de tension aujourd'hui. J'en appelle à votre patience. ' Il sera entendu et applaudi. La foule se disperse dans le calme.
A 11 h 15, on apprend que Ghislain de Longevialle, président de l'UVB, ' est prêt à parler aux journalistes '. Il les reçoit dans la grande salle des Fresques, celle où son conseil se terrait. Il annonce que l'UVB travaille déjà à une modification de ses statuts. Il dit vouloir avancer rapidement sur l'arrachage. Il reconnaît que la décision de baisser les rendements ' n'est pas pleinement satisfaisante. Elle était difficile à prendre, mais nécessaire dans la situation qui est la nôtre. Nous avons récolté 1,3 Mhl en 2004 et vendu 950 000 hl. Il faut que nous remettions à niveau l'offre et la demande '.
Le 31 août, l'UVB se réunit à nouveau et confirme sa décision : 53 hl/ha pour le beaujolais, 52 hl/ha pour les beaujolais-villages, 56 hl/ha pour le morgon et 55 hl/ha pour sept autres crus de la région ! Beaujolais tous ensemble ne réagit pas. L'association n'existe déjà plus. Elle s'est dissoute deux jours plus tôt, au terme d'une tentative de conciliation organisée par le sous-préfet de Villefranche-sur-Saône. ' Nous étions dans une situation de blocage, explique Daniel Bulliat. Et le sous-préfet nous disait que nous n'étions pas légitimes. Mais notre dissolution n'est pas une démission. '
Dès la fin des vendanges, les frondeurs comptent conquérir l'Amicale des beaujolais-villages, l'une des composantes de l'UVB. Son conseil d'administration a démissionné cet été... à cause des rendements. En attendant, l'association Beaujolais tous ensemble a une autre priorité, ' un millésime super sympa à vinifier '.