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Un comité de dégustation

La vigne - n°169 - octobre 2005 - page 0

Producteurs, techniciens et commerciaux parlent désormais le même langage.

En 2001, Jacques Tranier prend la direction de la Cave des vignerons de Rabastens. Elle est très orientée vers la grande distribution. Sa faiblesse : l'exportation, où seuls 500 000 cols (5 % du chiffre d'affaires) sont commercialisés. L'objectif du nouveau directeur est simple : dynamiser les ventes en proposant des produits adaptés. Il remarque également que les vignerons, les oenologues et les commerciaux ont une culture de produit différente, et ne parlent pas le même langage. Un travail de fond est nécessaire.
En février 2002, Jacques Tranier, en partenariat avec la société OEnodev, à Maumusson-Laguian (Gers), forme un jury expert qui réunit les ' trois tribus sociologiques de la cave ', soit six vignerons, six techniciens et six commerciaux. ' L'objectif est d'être douze, quatre par tribu, à chaque séance. ' OEnodev anime les réunions et apporte la méthode.

' Nous avons dégusté tous nos vins à l'aveugle. L'idée était de les qualifier avec les mêmes termes, afin de constituer une liste de critères de niveaux et de types qui définit bien nos produits. ' Lors de ces premières séances, chaque dégustateur devait dire spontanément les mots qui lui venaient à l'esprit. Cela a permis de constituer une liste d'une trentaine de critères. Après débat, le jury en a conservé dix-neuf.
Mais tout le monde n'appréhende pas de la même manière ces critères. Certains, comme l'oxydation ou le caractère animal, n'ont posé aucun problème. Pour d'autres, ce fut plus compliqué. ' Par exemple, nous avons beaucoup tergiversé par rapport à la notion de tanins secs et de tanins durs. De nombreux dégustateurs confondent les deux. Pour nous montrer ce qu'est réellement un tanin dur, OEnodev nous a fait goutté un madiran. Cela ne correspond pas aux vins de Gaillac. Nous avons donc supprimé ce descripteur et gardé uniquement celui de tanins secs. ' Jusqu'en juin 2003, OEnodev s'est chargé d'initier le jury, en lui faisant goutter des échantillons-types, issus d'autres régions françaises et étrangères.
Lors de ces séances de formation, les dégustateurs se sont rendu compte que les vins produits par la cave étaient très évolués, avec des notes oxydatives, végétales, épicées et peu fruitées. Ces caractères ne correspondaient pas aux attentes du marché. La cave a donc orienté le profil sensoriel des vins de pays rouges vers le fruit frais, en gommant le végétal et en augmentant la sucrosité et le gras. Pour les AOC rouges génériques et coeur de gamme, elle veut aller vers plus de couleur, moins d'oxydation et de végétal, un peu plus de fruits et d'épices. ' L'objectif est de gagner en volume et en complexité. ' Pour l'atteindre, la cave a investi dans l'outil de vinification et a modélisé les itinéraires techniques.

Désormais, le jury se réunit environ dix fois par an, de décembre à juin. Les deux premières séances sont consacrées à un recalage des dégustateurs. Quatre autres réunions sont dédiées à l'audit du millésime. Le jury déguste jusqu'à quarante cuves en une matinée pour voir le résultat des vinifications. Par exemple, il va classer les cuves des AOC rouges en trois catégories : A (haut de gamme), B (moyen à plus), et C (générique). Le but est d'orienter les assemblages selon les marques. Les autres séances sont consacrées à la dégustation des assemblages. Les experts en profitent pour sonder l'univers concurrentiel. Ils notent les caractéristiques de tous les vins de Gaillac trouvés dans les linéaires et les comparent aux leurs. Dans ce cas, les dégustateurs n'analysent pas plus de vingt-cinq échantillons, car les discussions vont bon train. ' Cela permet de voir si nous sommes dans le marché. Nous nous apercevons aussi des aberrations. Une marque connue ne va pas forcément sortir du lot, et inversement. ' Toutes les données de la fiche de dégustation sont traitées par OEnodev. Elles sont visualisées sous forme d'analyses en composantes principales. Ces dernières permettent de voir comment se positionnent les descripteurs, les vins et même les dégustateurs.
Bref, la cave de Rabastens est pleinement satisfaite de cet outil. Pour l'instant, le jury est toujours encadré par OEnodev, mais il doit devenir autonome en 2006.

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