Le château Mont-Redon mesure la sécheresse de ses vignes. L'irrigation s'appuie désormais sur des arguments techniques formels.
Le château Mont-Redon, à Châteauneuf-du-Pape (Vaucluse), compte 160 ha sur trois appellations : Châteauneuf-du-Pape, Lirac et Côtes du Rhône. Sur 750 000 cols, plus de la moitié est vendue à l'exportation dans quarante-cinq pays différents. La gestion du déficit hydrique est l'une des préoccupations du domaine. Et depuis 1998, à l'exception de 2002, les années de sécheresse se sont succédé.
' Nous sommes sur un changement de climat. Si on ne veut pas que les palmiers remplacent les vignes, nous devons nous adapter ', rapporte Jean Abeille, l'un des propriétaires du château. Ce dernier pratique l'irrigation depuis une vingtaine d'années. Au fil du temps, il a perfectionné la méthode pour économiser de l'eau et du temps, tout en obtenant des résultats qualitatifs optimums.
Partant du principe que ' sans de bons raisins, on ne fera jamais de bons vins ', Jean Abeille se tient au courant de toutes les avancées techniques en lisant des revues, en participant à des colloques et à des salons. C'est comme cela qu'il a appris l'arrivée d'instruments de mesure du déficit hydrique et pris connaissance des essais réalisés dans différentes régions viticoles.
En 2001, le domaine acquiert une chambre à pression, munie d'un manomètre à aiguille, pour un coût de 2 500 euros HT. ' Nous avons voulu affiner l'expérience des techniciens qui font des essais. Il faut progresser. Dès l'instant où l'on nous donne des moyens, il faut les exploiter. '
Au départ, les mesures se faisaient un peu au hasard. Aujourd'hui, pour plus de précisions, elles se font toujours sur les mêmes souches, dans quinze à vingt parcelles choisies en fonction de leur cépage, de leur climatologie et de leur sensibilité au déficit hydrique. Dans un premier temps, la personne chargée de faire le contrôle dispose une feuille dans un petit sac en plastique, qu'elle recouvre d'aluminium en fin de matinée, puis elle relève le déficit hydrique en début d'après-midi au gros de la chaleur. ' C'est assez lourd, il faut du temps. Pour trente à quarante mesures, il faut compter quatre heures. ' C'est pourquoi cette année, en parallèle, le domaine a conduit des essais avec le Xilem, de la société Sféris. ' C'est un système à peaufiner. '
Au niveau des résultats, ' toutes ces mesures nous ont permis de vérifier et de chiffrer ce que nous savions depuis vingt ans, de part notre expérience. L'observation du feuillage, du développement des apex et des raisins compte beaucoup, mais les mesures sont une sécurité. Elles nous permettent de déterminer le début du stress et de le quantifier. Grâce à elles, nous voyons s'il est nécessaire d'irriguer ou pas, et nous déterminons la date optimale pour déclencher l'irrigation. De ce fait, ces outils permettent de remplacer le discours politique sur la date de démarrage de l'irrigation par une technique affirmée '.
Outre l'irrigation, ces nouveaux outils sont également un moyen supplémentaire de piloter les opérations en vert. ' Sur les zones sensibles, nous sommes très vigilants par rapport à ces pratiques. Dès que nous constatons un commencement de stress, nous évitons les rognages et les effeuillages trop sévères. '
Selon Jean Abeille, les avancées technologiques en perspective permettraient également d'anticiper les carences en magnésie, en potasse et en azote, et ainsi d'intervenir au sol ou en pulvérisation foliaire avant qu'elles ne soient dommageables. ' Comme les modèles pour la gestion des insectes et des maladies cryptogamiques, ces nouveaux outils devraient révolutionner les pratiques. '