Retour

imprimer l'article Imprimer

archiveXML - 2005

Brettanomyces : ' Deux ans avant de trancher '

La vigne - n°170 - novembre 2005 - page 0

Pendant deux ans, Pascal Lamothe et son employeur ont hésité à prendre les mesures propres à éliminer les Brettanomyces en cours d'élevage. Il fallait forcer le sulfitage. Ils redoutaient d'assécher les vins.

En 1995, Pascal Lamothe découvre les travaux de Pascal Chatonnet sur les Brettanomyces. Ce chercheur de la faculté d'oenologie de Bordeaux a démontré que ces levures sont la cause des notes animales affectant certains vins rouges. Elles produisent les éthyl-phénols. Pascal Lamothe saisit l'importance de la découverte. A l'époque, il travaille dans un château du Médoc. La propriété ' n'avait jamais eu de remontée négative au sujet d'odeurs phénolées ', affirme-t-il. Mais elle élevait longuement ses vins. Elle les sulfitait peu. Elle avait un parc de fûts usagés. Tout pour favoriser les Brettanomyces.

' On a fait des analyses. On a vu qu'on avait des éthyl-phénols. Et on s'est demandé comment réagir sans abîmer le vin. ' Pour empêcher le développement des Brettanomyces, il fallait forcer le sulfitage. ' On s'est demandé si on voulait en garder un peu, ou si on sortait tout au SO 2, au risque d'assécher les vins, résume Pascal Lamothe. Nos réflexions ont tourné pendant deux saisons autour de cette question. Finalement, on a décidé de ne pas risquer d'avoir des contaminations en bouteilles ', poursuit-t-il.
A l'époque, d'autres questions se posent : ' Les notes animales ne sont-elles pas une marque de terroir, une composante de l'identité d'un vin ? ' Ces interrogations nourrissent bien des discussions. Pascal Lamothe s'en soucie peu, ses vins n'ayant jamais été très marqués par ces goûts. Son souci, c'est le sulfitage. En discutant avec des confrères et des conseillers, il se laisse convaincre qu'il n'y a aucun risque à forcer les doses. A partir de 1997, il décide de ne plus descendre, durant l'élevage, en dessous de 30 mg/l de SO 2 libre en été et de 25 mg/l le reste du temps. Les millésimes de pH élevé, il augmente même ces seuils. Il introduit également le nettoyage à la vapeur des barriques. ' Nous n'avons eu aucune remontée négative de la part des clients. ' Aucune remontée positive non plus. Mais ' entre professionnels ', tout le monde s'accorde à dire que les vins sont moins secs, plus aromatiques et plus nets.
En 2002, Pascal Lamothe quitte le Médoc. Il devient l'oenologue de la cave de Buzet dans le Lot-et-Garonne. ' Les vins avaient une expression aromatique un peu faible ', explique-t-il. A nouveau, il soupçonne les Brettanomyces. Depuis 1995, la compréhension de leurs méfaits s'est affinée. On sait qu'elles peuvent masquer les arômes fruités, bien avant de provoquer des goûts phénolés. OEnodev, la société qui conseille la cave coopérative pour le microbullage, en est persuadée.

Reste à savoir quand les accidents surviennent. Un audit montre que c'est durant les fermentations alcooliques, un cas de figure que Pascal Lamothe n'avait pas rencontré à Bordeaux.
Dès 2003, il met tout en oeuvre pour que les fermentations se déroulent rapidement et s'achèvent parfaitement. ' Il suffit que les populations levuriennes chutent pour que les Brettanomyces se développent ', justifie-t-il. La même année, la cave accueille un thésard. Sa mission : remonter jusqu'au vignoble pour trouver les circonstances favorisant les Brettanomyces. Pascal Lamothe espère ainsi comprendre pourquoi des cuves dérapent, ' même en contrôlant tout au maximum '. Il imagine que la vendange était déjà contaminée. Il veut savoir pourquoi. Le thésard doit achever son travail en 2007. Et Pascal Lamothe attend encore autre chose de la recherche : un test qui permette de quantifier, en quelques heures, les populations de Brettanomyces.

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :