La loi du 10 janvier 1991 a poussé la profession à s'interroger sur la place du vin dans la société.
Juriste de formation, Jérôme Agostini arrive au Cniv l'année de l'adoption de la loi Evin. Il analyse : ' Elle est redoutable, car elle applique la théorie de Ledermann, selon laquelle pour baisser les consommations excessives d'alcool, il suffirait de réduire les consommations moyennes. A terme, cette logique conduit à la prohibition ! '
' Ce texte inverse le principe général de liberté. La règle normale est que tout est autorisé, sauf ce qui est interdit. Avant 1991, la publicité sur le vin était possible, sauf à la télévision ou dans les enceintes sportives. Le contenu du message était libre, sauf à comporter une incitation pour les jeunes ou des références à des performances sportives ou sexuelles. La loi Evin va appliquer un principe inverse. Elle prohibe la publicité, puis pose les conditions dans lesquelles elle est permise. Le cinéma est interdit, car il n'est pas explicitement autorisé. C'est pernicieux, par exemple pour les nouveaux médias. En 1991, le web n'a pas été pris en compte. Les publicités qui y figurent sont donc en pleine insécurité juridique. '
Au départ, les partisans de la loi Evin se gardent bien d'attaquer de front la filière viticole. ' Nous avons eu droit à une stratégie d'encerclement, sourit le directeur du Cniv. Au départ, seules les publicités sur le tabac ont été attaquées, puis ce fut le tour des spiritueux, de la bière et de la presse. '
Ainsi, en 2004, la Cour de cassation a condamné une revue automobile. Elle a considéré qu'une photographie représentant un pilote automobile avec, en toile de fond, les marques de Mumm Champagne et de la bière Foster constituait une publicité illégale.
Reste qu'à quelque chose, malheur est bon. ' La loi Evin a poussé la profession à s'unir ', poursuit Jérôme Agostini. Les premiers signes de l'union sacrée apparaissent dès 1995, lors de la bataille sur l'affichage. ' Le texte prévoyait de le réserver aux zones de production ', poursuit l'expert. Dans tout le vignoble, les responsables professionnels manifestent. Ils obtiennent l'affichage sur tout le territoire. Galvanisées par cette victoire, les organisations nationales créent Vin et société. Depuis, l'association n'a cessé de monter en puissance. Elle joue même un rôle centrale lorsqu'en 2004, les visuels de la campagne bourguignonne, puis ceux des vins de Bordeaux sont censurés. La réaction est immédiate : encart dans la presse et manifestations. En coulisse, l'association fait du lobbying auprès des parlementaires. Elle obtient la création d'un conseil de modération. Début 2005, la loi Evin est amendée. Désormais, la publicité peut comporter des ' références objectives relatives à la couleur, et aux caractéristiques olfactives et gustatives du produit '.