Au Clos Lapeyre, à Jurançon (Pyrénées-Atlantiques), une soirée de contes a emmené les spectateurs sur les traces de Dionysos. C'était l'un des événements de la fête des vendanges organisée par l'appellation.
'Il était une fois une merveilleuse princesse, Sémélé, fille du roi fondateur de Thèbes. Sémélé était amoureuse. Elle retrouvait régulièrement son bel amant, Zeus en personne. Héra, la femme de ce dernier, folle de haine et ivre de rage, conçut un plan machiavélique pour perdre sa rivale qui, suprême outrage, portait en son sein le fruit de ses amours délictueuses. L'intrigue réussit. Sémélé périt, embrasée face à son divin amant qui n'eut d'autre recours, pour sauver l'enfant, que de s'ouvrir la cuisse et de l'y placer jusqu'à son terme. Ainsi naquit Dionysos, né deux fois. '
En ce samedi soir 19 novembre, au Clos Lapeyre, domaine de 16 ha à Chapelle-de-Rousse, au coeur du vignoble de Jurançon, la conteuse Blanche Bottura tient son public en haleine. Cette soirée dans les barriques, sixième manifestation de la Fête des vendanges en Jurançon dont le calendrier s'étale de septembre à décembre, est placée sous le signe du conte. Ainsi en a décidé Jean-Bernard Larrieu, vigneron et maître des lieux.
Une quarantaine de spectateurs ont pris place dans le magnifique chai en pierres apparentes, aménagé pour la circonstance. Des bancs et des chaises ont été installés, lui donnant un petit air de scène de théâtre.
L'éclairage est tamisé et de petites bougies brûlent sur un ancien pressoir, reconverti en comptoir de bar. En entrant, une odeur de fermentation saisit les narines. ' La preuve que cela bouillonne au coeur des barriques ', commente la conteuse. Dehors, la nuit est claire, la lune rouge. Dans le ciel étoilé se découpe les Pyrénées. La température est hivernale. Dans le chai, chacun conserve son manteau.
Deux conteurs interviennent en alternance. Serge Mauhourat, troubadour d'un soir, raconte en béarnais, ' une langue très fine et très intéressante ', et en français des histoires inspirées de la culture béarnaise. ' Des histoires vraies, forcément ! ' annonce-t-il.
' Dans un chai, parler de Dionysos s'est imposé tout naturellement ', souligne Blanche Bottura. C'est le dieu du vin. Il est mystérieux, ambivalent, capable du meilleur (apprendre aux hommes l'art de cultiver la vigne) comme du pire (commettre les meurtres les plus abominables). Et le conte reprend. Dionysos a grandi sur le mont Nyza, au milieu des nymphes, des silènes, des satyres et autres créatures. C'est là qu'un jour, il cueille les fruits d'une liane, des grappes magnifiques. Il en presse le jus, le laisse quelque temps. Puis il le boit et se sent tout ragaillardi. Il le partage. Tous se sentent ' joyeux ' et ' inspirés '.
' Les hommes qui avaient déjà le blé et la moisson grâce à Déméter, allaient avoir le vin grâce à Dionysos, relate Blanche Bottura. Ce dernier a ensuite traversé les mers et voyagé dans le monde entier. Il a introduit la vigne en Egypte, a enseigné l'art de la cultiver en Inde. '
La narration des contes se clôt par un chant en occitan donné a capella. Ensuite ? Direction la cuverie. Le millésime 2005, tout juste âgé d'un mois, est dégusté. ' C'est bien, c'est convivial. C'est mieux que dans une salle ', commente Céline, étudiante en occitan, venue avec des copines. ' On n'a pas l'habitude de venir dans les chais, mais c'est agréable ', s'enthousiasment trois dames d'environ 50 ans.
Quoi de plus beau que de belles histoires joliment racontées ?