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Pénédès : une région espagnole sous l'emprise de trois opérateurs

La vigne - n°173 - février 2006 - page 0

Miguel Torres, Codorniù et Freixenet commercialisent 80 % des vins du Pénédès, en Espagne. Cette concentration et l'augmentation de la production pèsent sur le prix d'achat des raisins.

Le vignoble de Pénédès, au nord-est de l'Espagne, est le fief de la société Miguel Torres et de l'industrie du cava. Créé au XIXe siècle par le groupe Codorniù, ce mousseux a conditionné son évolution. La trilogie des cépages macabeu, xarello et parellada, destinés aux vins de base, couvre près de 20 000 ha, sur les 27 700 ha de la région. La production de vins (2 Mhl) se répartit pour 50 % en dénomination d'origine (DO) Cava, 23 % en DO Pénédès, 10 % en DO Catalogne et 17 % en vin de table. Le prix des vins du Pénédès en bouteilles oscille entre 3 et 20 euros HT départ.

A la fois force et faiblesse de la région, trois groupes commercialisent 80 % des vins : Miguel Torres, Codorniù et Freixenet. Le premier a construit sa notoriété sur ses rouges. Les deux autres sont producteurs de cava. Ces groupes sont une force, car ils ont une dimension internationale. Ils disposent de gros budgets de marketing et de communication.
Miguel Torres, figure emblématique de Villafranca del Pénédès, est régulièrement récompensé pour son travail. Ce groupe familial produit 60 millions de cols, en exporte 60 % dans 140 pays, cultive 1 500 ha de vignes en Catalogne, et achète 70 % des raisins, qu'il vinifie, à un millier de viticulteurs catalans.
Miguel Torres a encouragé l'implantation de nouveaux cépages, comme le cabernet-sauvignon, le chardonnay et le merlot, autorisés dans la DO Pénédès depuis 1985 et dont les surfaces progressent. D'autres sont à l'essai, comme le chenin blanc, le sauvignon, le riesling, le gewurztraminer ou encore la syrah. Le groupe affirme payer les raisins à un tarif supérieur au marché d'environ 4 %, en 2005.
Ses dirigeants sont convaincus de la force de leur marque : ' Elle garantit une qualité et un prix constants aux consommateurs. ' Qualité, marketing et communication autour de la culture du vin sont leurs trois priorités.

N'empêche, la concentration favorise une politique d'achat à bas prix. ' Des raisins et des moûts se vendent à des prix inférieurs aux coûts de revient , déclare un vigneron. Cette politique supprime les bénéfices des viticulteurs, et donc leur capacité d'investir, sans compter que la volonté leur manque. '
C'est un cercle vicieux. José Maria Albet y Noya, de la maison du même nom, a voulu en sortir. Il a créé, avec succès, son propre domaine en agriculture biologique en 1979. Aujourd'hui, il a vingt-cinq salariés, cultive 75 ha et achète 75 ha de raisins. Il produit et commercialise un million de bouteilles, dont 20 % de cava.
De même, Alfred Milà Mallofrè a quitté la cave coopérative. Il a créé le Mas Comtal en 1992. Il couvre 40 ha et produit 200 000 cols, mais pas de cava. ' Pour une petite structure, le seul moyen d'être compétitif est de garantir une qualité ', explique Alfred Milà. Il a éliminé les variétés qu'il juge indignes, comme le macabeu et le parellada. Il a planté du merlot, puis du cabernet-sauvignon et du cabernet franc. Il a abaissé les rendements. Il palisse sur trois fils, taille en cordon de Royat, contrôle les maturités et applique les techniques modernes de vinification (réception de vendanges réfrigérée, cuves thermorégulées...).

' Durant les vingt dernières années, 30 % du vignoble (8 000 ha) ont été renouvelés grâce aux subventions, qui s'élèvent à 40 % de l'investissement ', explique Josep Ribas, directeur du Conseil de régulation de la DO Pénédès. Ces aides sont attribuées à condition d'améliorer la qualité. En dix ans, la surface en vigne de la région a augmenté de 1 000 ha, la production de 33 %. Les cépages rouges, destinés aux vins tranquilles, ont progressé de 2 400 ha.
Les caves ont été incitées à investir dans du matériel moderne, du fait des conditions d'attribution des DO. Par exemple, un pressoir pneumatique autorise une déclaration de 74 l de DO Pénédès et 6 l de VDT pour 100 kg de vendange. Un pressoir à vis sans fin ne donne droit qu'à 60 l de DO et 20 l de VDT. Par ailleurs, le Conseil de régulation de la DO Pénédès s'est doté d'un système d'enregistrement des données dès 1985. Il a répertorié les 48 000 parcelles de la région et leurs caractéristiques. Depuis 1993, chacun des 5 800 viticulteurs dispose d'une carte à puce magnétique, qui reprend les données des parcelles qu'il exploite. A la vendange, il ne peut livrer sa production qu'à condition de présenter cette carte. Elle est insérée dans un lecteur dont sont équipés les 150 vendangeoirs. Elle enregistre les caractéristiques de la vendange, qui sont automatiquement transférées au conseil. Ce dernier dispose, quasiment en temps réel, des chiffres sur la production. Ce dispositif limite les fraudes sur les déclarations de récolte.
Ces progrès techniques n'empêchent pas la crise. Le Pénédès, dont la production totale de vin a augmenté d'un tiers en dix ans, n'échappe pas aux contrecoups de la surproduction mondiale. D'après le Conseil de régulation, les ventes totales des vins se maintiennent. En revanche, les prix d'achat des raisins sont une source de mécontentement. En 2005, ils se sont établis à 0,50 euros/kg, en moyenne, pour les rouges et de 0,20 à 0,50 euros pour les blancs. Ils n'ont pas bougé par rapport à 2004, alors que la récolte est inférieure de 35 % du fait de la sécheresse.
Depuis quelque temps, la crise couvait. Elle explose cette année. La région a trop planté et trop augmenté les rendements par rapport à ce qu'elle sait vendre !

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