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Le nom de domaine, un atout pour vendre

La vigne - n°173 - février 2006 - page 0

Pour décrocher un contrat ou obtenir un prix plus élevé, des vignerons vendent leur vin en vrac avec le nom de leur exploitation. Certains y gagnent, en plus, des clients particuliers. D'autres ont vu leur vin vendu aux consommateurs à prix cassé.

Parce qu'ils permettent de mieux identifier le vin, les noms de domaine ou de château ont la faveur du public. Or, ces dénominations supposent l'existence d'une exploitation (voir encadré). Les grandes surfaces, premier circuit de vente des vins en France, n'en disposent pas. Lorsqu'une enseigne désire 60 000 bouteilles de vin d'un domaine ou d'un château de telle ou telle appellation, bien souvent, elle se tourne vers le négoce plutôt que de traiter directement avec les vignerons. Le négociant convertit la commande en vrac et part en chasse d'un viticulteur prêt à vendre 450 hl avec le nom du domaine ou du château. La pratique est courante dans la plupart des vignobles.

Depuis cinq ans, Philippe Gervasoni, producteur à Tresques (Gard), vend l'intégralité de son côtes-du-rhône ainsi au même négociant. Le vin est embouteillé dans les chais de ce dernier, mais ' Domaine du Grand Louiset ' figure en gros caractères sur l'étiquette. Il remarque : ' Cela me permet d'obtenir entre 0,03 et 0,05 euros en plus le litre. C'est toujours cela de gagné. ' Et de préciser : ' Mais le plus intéressant, c'est le retour en terme de publicité. Les bouteilles sont distribuées en grandes surfaces avec, sur l'étiquette, la photo de mon exploitation. Cette diffusion élargie m'a apporté quelques nouveaux contacts. J'ai déjà eu des particuliers qui, après avoir acheté mon vin en linéaires, sont venus sur l'exploitation. C'est alors l'occasion de leur montrer d'autres produits, notamment mon vin de pays du Gard '.
Même constat de la part de François Boussagol, viticulteur à Quarante (Hérault). Ce producteur de Saint-Chinian a passé un contrat avec un négociant pour 200 hl de vrac, mis en bouteilles à la propriété. ' Il m'a fourni les matières sèches. Je lui facture les capsules et la mise en bouteilles ' , explique-t-il. Ce vigneron devient donc prestataire de son acheteur, lequel est bien responsable de la mise en bouteilles. Outre une bonne valorisation de son vin, vendu dans la fourchette haute du marché, François Boussagol estime que le principal intérêt de ce contrat est la fidélisation du négociant : ' Il a fait réaliser une étiquette aux couleurs de mon domaine en 45 000 unités, alors que la première mise n'a concerné que 16 000 cols ! C'est bien le signe que notre relation doit s'inscrire dans la durée...'
Contrairement à son collègue du Gard, notre producteur de l'Hérault a gardé une centaine d'hectolitres de saint-chinian pour sa vente directe. Il vend ce vin sous le même nom de domaine - Saint-Jean de Conques - que celui négocié avec son cocontractant, mais il précise : ' L'assemblage des cépages est différent et l'étiquette également. '

La relation avec le négociant repose sur la confiance. Rien n'est écrit et tout semble fonctionner pour le mieux. Après avoir effectué la filtration des vins, l'oenologue du négociant est venu sur l'exploitation du viticulteur pour vérifier les réglages de la chaîne d'embouteillage. ' J'aime bien les échanges que nous avons, explique François Boussagol. Mon interlocuteur me fait même bénéficier de prix intéressants en matière de commande de bouteilles. Je passe par lui, et comme il achète de grosses quantités, je profite de tarifs plus bas. J'espère procéder de même pour les bouchons et les cartons. '
D'autres vignerons n'ont pas la chance de valoriser le vin vendu avec le nom de leur domaine. C'est notamment le cas de Palmiro Basso, producteur de Bordeaux et de Sainte-Foy, installé à Margueron (Gironde). ' Dans la région, quasiment tous les producteurs disposent d'au moins un nom de château. La concurrence est telle qu'il est devenu très difficile d'obtenir un plus en terme de prix. C'est juste un argument pour parvenir à placer son vin. ' Constat partagé par Eloïs Marty, viticulteur à Saint-Astier (Lot-et-Garonne) qui, l'an passé, est parvenu à vendre en vrac ses 900 hl de Côtes de Duras, domaine Saint-Nazaire, à trois négociants différents.
Ces deux producteurs déplorent le manque d'information sur le devenir commercial de leur vin, et c'est là le principal danger. Le vigneron sait rarement comment son vin sera présenté, où il va aboutir et surtout à quel tarif il sera vendu aux consommateurs ! ' Le risque est de se retrouver en hard discount à un prix cassé ', reconnaît un viticulteur de Bergerac.
Un autre raconte : ' Il y a vingt ans, j'ai vendu un lot avec mon nom. Quelque temps plus tard, j'ai eu un appel d'un consommateur qui avait acheté mon vin dans une grande surface. Il voulait s'approvisionner directement à la propriété. J'étais content, jusqu'à ce qu'il me dise le tarif auquel il avait acquis la bouteille ! Mon vin avait fini dans une opération promotionnelle à un prix bien inférieur à celui que je pratiquais sur la propriété. Le client n'a pas compris que je ne veuille pas m'aligner ! ' Pour éviter ce type de déconvenue, bien rares sont ceux qui incluent des clauses dans leur contrat de vente. Les vignerons les plus prévenants s'en sortent par un artifice. Ils utilisent deux noms de propriété, l'un réservé au circuit du négoce, l'autre à la vente à la propriété...

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