Un millier de volontaires ont fourni 750 journées de travail pour nettoyer les vignes et redresser les palissages, après les inondations castratrophiques survenues dans l'Aude, en novembre 2005. Malgré leur aide, les vignerons ont encore beaucoup à faire.
Dans la nuit du 14 au 15 novembre, des pluies diluviennes se sont abattues sur le Languedoc et le Roussillon. L'Aude et la Berre en crue ont arraché, raviné ou noyé 1 000 ha de vignes, surtout dans les Corbières. Les dégâts sont considérables. Mais ' la vigne résiste bien à ce type de catastrophe , affirme Cédric Lecareux, du service viticole de la chambre d'agriculture de l'Aude. Elle était en période de repos végétatif. Les dégâts sont uniquement mécaniques '. Cet ingénieur se réfère aux observations réalisées à la suite des pluies torrentielles de 1999. Les vignes s'étaient remises de la désolation qu'elles avaient semée.
' Hormis le cas extrême des parcelles entièrement emportées par les crues, ces inondations ont pour conséquence l'immersion des souches, la destruction de bourgeons et le déchaussement des racines. Ces dégâts devraient seulement se traduire par une baisse sensible du rendement en 2006. L'année suivante, tout devrait rentrer dans l'ordre ', déclare Cédric Lecareux.
Le seul véritable risque de maladie concerne les souches totalement limonées. ' Habituellement, le mildiou débute par foyers primaires dans les pampres et les feuilles basses. Là, la maladie se retrouve directement transportée dans le haut des souches avec le limon. ' Un tel phénomène s'est manifesté dans le Gard à la suite des pluies de 1999.
Après la catastrophe, le Syndicat des vignerons de l'Aude a organisé une opération de solidarité en faveur des vignerons les plus touchés. Elle s'est achevée fin janvier. Philippe Vergnes, président du syndicat, et Marie-Hélène Forest, animatrice, dressent un bilan positif de cette action. ' Comme en 1999, l'entraide a fonctionné à fond. Plus d'un millier de viticulteurs se sont portés volontaires. Ils ont effectué l'équivalent de 750 journées de travail sur les deux tiers des surfaces sinistrées. '
Concrètement, il s'agissait d'évacuer le plus rapidement possible les troncs d'arbres, branchages et détritus qui avaient envahi les parcelles, de sortir les palissages inutilisables et de redresser ceux couchés par le courant.
Ce travail de relevage nécessite énormément de main-d'oeuvre. Plusieurs personnes doivent pousser en même temps afin de relever, d'un seul coup, plusieurs mètres de palissage et de vignes enchevêtrées. Il faut ensuite maintenir cette section en position verticale et enfoncer des galets à la masse, dans le sol, au pied des piquets pour les bloquer définitivement. Les piquets de tête et les amarres sont toujours remplacés.
Ces interventions ont été réalisées dans des conditions satisfaisantes, car le sol est resté humide en décembre et janvier. Une sécheresse l'aurait durci et aurait figé les piquets en position inclinée. Cette situation aurait exclu toute possibilité de les redresser sans les tordre ou les casser.
Après avoir paré au plus urgent, beaucoup de travail reste à accomplir par les vignerons sur leur domaine. Ils devront redresser les souches non palissées et reconstruire les palissages détruits. Ils devront replanter, en partie, certaines parcelles.
Les inondations vont également rallonger la taille, de 20 à 150 % suivant les cas. ' Dans les vignes qui ont été submergées, les souches et les sarments sont entièrement enduits d'un mélange de limon et de débris végétaux filandreux qui cachent les bourgeons. Le tailleur doit d'abord ôter cette croûte qui a durci au soleil ', explique Philippe Estrade, installé à Ribaute, dans les Corbières. Sur l'exploitation de ce vigneron sinistré, le nettoyage de 2 ha a nécessité l'intervention de dix personnes pendant six heures. Un surcroît de travail qui va se solder par un surcoût. De la main-d'oeuvre supplémentaire va être nécessaire pour achever la taille à temps.
Sur les coteaux, il va falloir reconstituer les sols ravinés en apportant des quantités importantes de terre. Autant de travaux qui réclameront du temps et, là encore, de l'argent. ' Selon l'ampleur des dégâts, la remise en état des parcelles va coûter de 300 à 12 000 euros/ha ', estime Cédric Lecareux.
Pour débloquer les indemnisations, cette catastrophe doit d'abord être reconnue au titre des calamités agricoles. La DDA devait le demander à la commission nationale du 8 février. Les Audois comptaient sur une décision positive. ' La seule chose que nous ne maîtrisons pas, c'est le montant et le délai de versement des indemnités ', précise Claude Balmelle, du service d'économie agricole à la DDA.
Les techniciens de la chambre d'agriculture ont évalué les dégâts sur une échelle de 1 à 5, établie par la DDA. Ces données serviront de base de calcul pour les indemnisations. Le degré le plus élevé concerne les zones totalement détruites, essentiellement des bordures de rivière. Il y avait là des parcelles replantées à la suite des inondations de 1999. Elles ont donc été emportées pour la seconde fois. Ce problème préoccupe tous les acteurs de la filière, en particulier José Emmanuel Lacuesta, président des JA de l'Aude : ' Il faudrait que ces zones soient abandonnées. Nous allons lancer rapidement une réflexion avec les viticulteurs, la chambre d'agriculture, la DDA et la Safer afin d'envisager leur délocalisation sans léser les exploitants . '
Concrètement, les viticulteurs sinistrés pourraient utiliser leur indemnisation, plus d'autres aides à définir, pour acquérir du foncier. Toutefois, ils s'engageraient à entretenir les parcelles abandonnées. Une indemnité annuelle pourrait leur être versée pour cela. Mais ces terres sont très fertiles. Elles sont réservées aux VDT et VDP. Certains craignent de ne pas retrouver la même rentabilité en s'installant sur des sols moins riches.
Philippe Estrade s'interroge sur le devenir du projet. ' L'idée n'est pas nouvelle. Elle avait déjà été lancée après le choc émotionnel créé par les inondations de 1999. Finalement, rien n'a été fait. ' Sur le terrain, ce scepticisme se confirme. Certains vignerons sont persuadés que le projet n'aboutira pas. Ils ont refusé le classement de leurs parcelles en degré 5, niveau qui exclut la possibilité de replanter.