Les fabricants de produits oenologiques ont trouvé le moyen d'apporter du glutathion aux moûts, aux vins blancs et rosés. Ils proposent des préparations de levures inactivées riches en cette substance. Les utilisateurs sont surtout intéressés par la rondeur qu'elles amènent.
En 2002, le professeur Denis Dubourdieu, de la faculté d'oenologie de Bordeaux, révèle que le glutathion préserve la fraîcheur des vins blancs. Il protège leur couleur et leurs thiols volatils, ces arômes aux notes de buis, de bourgeons de cassis, de pamplemousse ou de fruit de la passion. Si on en ajoute 10 mg/l avant le conditionnement, les vins sont protégés au moins trois ans. Seulement, il est interdit d'utiliser du glutathion pur en oenologie.
Assez rapidement, les fabricants de produits oenologiques trouvent une parade : faire produire cette substance par des levures et utiliser ces dernières sous forme inactivée, au cours de la fermentation ou de l'élevage pour leur faire relarguer le glutathion. ' Il s'agit bien de glutathion naturel, et non ajouté aux préparations de levures , insiste Benoît De Sutter, chez Bio Springer, fabricant du Springarom pour l'Institut oenologique de Champagne (IOC). En cours de fabrication, nous fournissons aux levures les acides aminés nécessaires à la synthèse du glutathion. '
Résultat, les écorces de levures en contiennent, mais aussi les dipeptides formés à partir des acides aminés fournis et les acides aminés eux-mêmes. ' Il n'existe pas de méthode de dosage officielle du glutathion , reconnaît Benoît De Sutter. Par contre, on peut doser les groupements cystéinylés, qui sont à l'origine du pouvoir réducteur des préparations. ' A partir de ces mesures, l'IOC propose un produit comprenant 3 % de glutathion : ' A 30 g/hl, cela fait 10 mg/l de glutathion ', explique Armelle Lallement, de l'IOC. Chez Spindal, Walter Mulinazzi avance des teneurs à peu près équivalentes : ' Nous avons vérifié que 50 g/hl de Bâtonnage plus 20 KD ont le même effet que 17 mg/l de glutathion. '
Lallemand, producteur de l'Optiwhite de Martin Vialatte OEnologie et du Genesis Fresh d'Oenofrance, refuse de communiquer les quantités de glutathion libérées, en l'absence d'une méthode de dosage universelle. David Guerrand annonce seulement que ces deux produits en contiennent environ cinq fois plus qu'une préparation à base de levures classique.
Les travaux bordelais ont démontré l'intérêt d'un apport de glutathion au conditionnement. Avec les nouvelles préparations, c'est impossible. Les fabricants conseillent de les apporter avant la fermentation dans la plupart des cas. Il est absorbé par les levures, puis relargué au cours de la vinification et il n'est pas évident de chiffrer la quantité finale. ' En apportant le glutathion dès la fermentation, on protège les arômes dès leur formation , nuance Françoise Roure, chez Oenofrance. Avec le Genesis Fresh, les vins restent plus frais et moins jaunes jusqu'à un an après la mise en bouteilles ', affirme-t-elle. A condition qu'ils soient conditionnés assez rapidement après leur élaboration, ou qu'ils soient conservés sur lies pour protéger le glutathion d'une oxydation précoce. Avec l'Optiwhite, Martin Vialatte OEnologie montre aussi une préservation des arômes agréables, une moindre production d'arômes désagréables et un SO 2 libre mieux maintenu.
Notons qu'en 2005, Lallemand a déposé un brevet portant sur ' l'application au moût ou au vin d'une préparation contenant au moins 0,5 % de glutathion et de préférence au moins 1,5 % '. Cette société produit l'Optiwhite et le Genesis Fresh. Elle considère les autres produits du marché comme des contrefaçons, ce que leurs producteurs contestent.
En pratique, rares sont les viticulteurs qui utilisent ces produits pour leur teneur en glutathion. La plupart cherchent plutôt de la rondeur. Ils ont observé quelques effets positifs, comme le fait que les vins sont souvent moins réduits.
Ainsi Vincent Roussely, vigneron à Saint-Georges-sur-Cher (Loir-et-Cher), a testé le Springarom en 2005. ' Je travaille toujours en lies totales. J'ai testé le Springarom pour voir si cela renforçait la rondeur de la cuvée traitée. ' Pour cela, il a comparé deux cuvées de 12 hl, issues de la même parcelle de sauvignon : l'une traitée et pas l'autre. La cuve non traitée a été très réduite en fin de fermentation, alors que celle qui a reçu le Springarom n'a pas développé ces notes négatives. Aujourd'hui, la cuve non traitée a un nez plus expressif, mais paraît plus maigre en bouche, alors que Vincent Roussely privilégie le gras sur les arômes.
A Aÿ (Marne), Jean-Pierre Depaquis, du champagne Raoul Collet, a fait les mêmes constats sur une cuvée de pinot meunier. Il a comparé le Springarom à des écorces de levures : les vins ne réduisent pas avec le premier. C'est le seul effet aromatique constaté. Quant au volume en bouche, il en obtient d'autant plus qu'il utilise des doses plus élevées.
Jean-Philippe Venck, oenologue à la cave de Kientzheim (Haut-Rhin), a essayé le Genesis Fresh d'Oenofrance pour améliorer l'harmonie en bouche d'une cuvée de 200 hl, issue d'une ' petite matière première '. Il a obtenu plus de volume et moins de notes herbacées, malgré un emploi tardif, après le premier soutirage.
A la cave de Cuxac-d'Aude, Stéphane Pouyet, directeur et oenologue, produit 50 % de blancs. Il les veut très ronds pour ses marchés à l'exportation et a essayé les produits de levure pour obtenir ce résultat. ' On gagne beaucoup en rondeur. On a, en plus, un petit effet sur la fraîcheur, ce qui n'est pas mal, même si ce n'est pas notre objectif premier. '
Aujourd'hui, il utilise le glutathion systématiquement sur les chardonnay, roussanne ou viognier, qu'il est sûr de valoriser en bouteilles. ' On a ainsi un produit fini très tôt : on peut proposer les échantillons à nos clients dès le mois de novembre et conditionner les premières bouteilles en décembre. '
De son côté, Dominique Omnès, oenologue conseil dans le Bordelais, préconise souvent le Bâtonnage Plus 20 KD de Spindal, comme adjuvant d'élevage des vins rouges, auxquels il apporte de la souplesse. ' Je l'utilise comme un élevage sur lies, mais sans les problèmes microbiologiques qui vont avec. Je suis sûr d'élever les vins sur des lies propres. De même, sur les blancs, j'utilise ce produit quand les vins commencent à réduire sur leurs lies naturelles. Dans ce cas, je les fais soutirer et je compense par le Bâtonnage Plus 20 KD. '