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Je ne cède pas sur les prix

La vigne - n°174 - mars 2006 - page 0

Avant de s'installer, Fabien Charron a ' sorti ' le domaine familial de la cave coopérative de Sigoulès, en 1996. Il a consacré tous ses investissements à l'amélioration de la qualité des vins. Résultat : il vend en vrac à un bon prix.

De l'énergie, du dynamisme et de l'enthousiasme, Fabien Charron n'en manque pas. Avec ses parents, il a décidé de quitter la cave coopérative de Sigoulès en 1996. Il ne concevait son installation qu'à la condition de vinifier son propre vin, comme le faisaient ses grands-parents, qui avaient créé le domaine en 1947. Il n'imaginait pas faire autrement que développer la vente directe. A ses yeux, c'était la seule solution viable.
Titulaire d'un Bepa, d'un BTA viti-oeno et d'un diplôme de technico-commercial des vins et spiritueux, il s'installe en 1998, année où ses parents partent en préretraite. Fabien Charron prend les rênes du Château de la Noble, à Puyguilhem (Dordogne), au sud de l'AOC Bergerac et à la limite de la Gironde. Depuis, il a planté 6 ha de vigne et pris 4 ha en location. Aujourd'hui, son exploitation compte 19 ha en Bergerac et 5 ha en Bordeaux ou Bordeaux supérieur. Il vinifie cinq vins dans les trois couleurs et produit une moyenne de 1 100 hl.

Dès le départ, il focalise tous ses efforts sur la qualité. ' La restauration des bâtiments, ce sera pour plus tard ', dit Fabien Charron. Il emprunte 180 000 euros. Il achète des cuves en fibres de verre et béton, un groupe de froid réversible avec drapeaux pour maîtriser les températures, un pressoir pneumatique Ati de 30 hl, tout en Inox. Dès 2005, il le renouvelle par un pressoir Bucher de 50 hl, un petit bijou télécommandé à distance, ' le top du top '. Il veut du matériel ' qui respecte les raisins '.
Il autofinance ses plantations grâce aux primes de restructuration européennes. Il plante à 5 000 pieds/ha, choisit des porte-greffes peu productifs (Riparia et 101-14). Il effeuille, enherbe le vignoble. Mais il va trop loin. En 2004, il ' lève le pied ' : il retravaille un rang sur deux. Par ailleurs, il ébourgeonne et éclaircit les parcelles destinées à la bouteille. A l'arrivée, elles donnent des rendements inférieurs à celles destinées au vrac : 45 hl/ha en 2004, 53 hl/ha en 2005.
Son père avait arraché un rang sur deux et rehaussé les vignes pour travailler plus confortablement. Fabien fait l'inverse : il rabaisse les souches. Elles étaient établies à 1,10 m. Il garde des pampres pour les amener à 50 cm. Il obtient 5 000 m 2/ha de surface de feuillage. Il lui a fallu sept ans pour réaliser ce travail sur 14 ha.
En 2000, il commande une cartographie des sols de l'exploitation. Elle est devenue ' sa bible '. Sous la houlette de Pierre Guérin, l'oenologue de l'interprofession des vins de Bergerac, il pousse les maturités au maximum. Il apprend à évaluer la maturité des peaux et des pépins à la vigne. Pour cela, il croque les pépins. Lorsqu'ils ' ont un goût de noisette sans astringence ', il sait qu'ils sont mûrs. Il vendange aux heures fraîches. Il vinifie les parcelles par lots selon les indications cartographiques et la destination des vins (vrac ou cols).
Sur les rouges, il pratique une macération préfermentaire à froid (10°C) durant une semaine. Il chauffe ensuite à 20°C pour démarrer les fermentations sans levure. Les blancs macèrent dans le pressoir, sont pressurés, puis les moûts stabulent entre 5 et 10°C pendant une semaine. Tous sont levurés. Les rosés sont faits en pressurage direct et levurés. Blancs et rosés sont élevés une quinzaine de jours sur lies fines avec bâtonnage.

Le côtes-de-bergerac rouge, son haut de gamme (5 500 bouteilles), est élevé en barriques de chêne entre douze et dix-huit mois. Fabien Charron est favorable à la transformation du nom de cette AOC en Bergerac 1 er cru. En revanche, il est hostile au ' vin de pays d'Atlantique '. Il préfère ' vin de pays du Périgord ', un nom plus porteur.
Sur le plan commercial, il se met sur les rangs des dégustations pour les revues et les concours, et rafle quelques citations et médailles. Depuis 1999, il a un agent sur Paris. Au départ, il participe à des salons, puis s'arrête. En 1998, il commercialise 6 000 bouteilles. Aujourd'hui, 50 000 cols sortent de son domaine. Il en vend 15 000 lui-même. Le reste est vendu par le négoce. ' Je ne peux aller plus vite, car je dois trouver les marchés. '
Bien que les prix du vrac baissent, Fabien Charron ' ne cède pas '. Les négociants qui lui achètent ses vins sont en quête de qualité. Ils ' jouent vraiment le jeu ' sans trop se faire prier. ' Ils sont sur la même longueur d'onde. ' Si bien qu'il vend son bergerac 1 000 euros le tonneau de 900 l, au minimum.

Le négoce bergeracois Julien de Savignac lui achète aussi des bergeracs en bouteilles dans les trois couleurs, avec un prix plancher de 2,50 euros HT et de 9,90 euros HT pour le côtes-de-bergerac.
Le négociant bordelais Cordier achète son bordeaux en vrac avec le nom du château. Il assure sa mise en bouteilles et sa commercialisation. Fabien Charron touche 1 200 euros/tonneau. ' Les efforts qualitatifs sont rémunérés . Mais je n'ai pas le droit de me tromper. Je dois faire de la qualité tous les ans . '
Fabien Charron n'entend pas entrer dans une logique 100 % bouteilles. A terme, il vise moitié-moitié des volumes entre bouteilles et vrac. Il espère bien continuer à vendre ses vins au négoce à un bon prix. A 32 ans, il souhaite conserver ' une certaine qualité de vie '.

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