Votée le 22 décembre 2005 par le Parlement, la nouvelle loi d'orientation agricole vise à transformer les exploi- tations en entreprises classiques. Parmi diverses mesures (voir 'La Vigne' février 2006), elle assouplit le contrôle des structures.
Le seuil à partir duquel la reprise de terres est soumise à une autorisation d'exploiter est relevé. Depuis la loi de 1999, le seuil du contrôle oscillait entre 0,5 et 1,5 unité de référence, selon le choix des départements. Désormais, il se situe entre 1 et 2 unités de référence. ' Nous n'étions pas favorables à ce relèvement, car il va favoriser l'agrandissement des exploitations , commente Emmanuel Lachaize, agriculteur dans le Maine-et-Loire et trésorier adjoint des Jeunes agriculteurs, très impliqués dans ce débat. Ce n'est pas en augmentant les surfaces que les exploitations seront plus rentables. Il faut viser la valeur ajoutée. Avec les anciens seuils, même dans les départements les plus stricts, 50 % du foncier partaient déjà à l'agrandissement. Et dans la plupart des départements, c'était 60 à 70 % . '
Autre nouveauté, les transmissions familiales pourront désormais s'effectuer par le biais d'une simple déclaration. La mise en valeur d'un bien agricole reçu par donation, location, vente, ou succession d'un parent ou parent par alliance jusqu'au troisième degré inclus, ne sera soumise qu'à une déclaration préalable. ' C'est une bonne mesure, car il y avait peu de refus dans les transmissions familiales , commente un conseiller Adasea. Cela fera gagner du temps à tout le monde. '
Le demandeur devra avoir la capacité professionnelle. Quant aux biens cédés, ils devront être libres et avoir été détenus pendant au moins neuf années par ce parent ou allié. ' L'essentiel, c'est que l'installé ait la capacité professionnelle, résume Emmanuel Lachaize. Que l'on ne nous sorte pas le neveu qui est pharmacien ! ' Même tonalité chez David Coutelas, président du groupe des Jeunes viticulteurs de Champagne, qui regrette ' qu'il devienne plus facile de s'installer quand on habite Lille ou Paris que dans la Marne '.
Les sociétés d'exploitation ou foncières vont bénéficier d'une plus grande souplesse d'évolution. Les contrôles portant sur les mouvements internes au sein des sociétés sont purement et simplement supprimés. En clair, les mouvements de capitaux et d'associés ne seront plus contrôlés. Désormais, un exploitant qui prend des parts dans une SCEA, puis en devient majoritaire n'aura plus à demander l'autorisation à la CDOA. Il reste néanmoins un flou juridique sur la suppression du contrôle, que les tribunaux auront peut-être à trancher (voir p . 24).
Jean-Louis Chandellier, directeur de l'association nationale Gaec & Sociétés, craint que l'on fasse un mauvais procès aux sociétés dans quelques années : ' On nous dira bientôt que grâce aux sociétés, telle personne a contourné le contrôle des structures. Or, ce n'est pas la finalité d'une société. Le gouvernement aurait été plus honnête de supprimer le contrôle ou de tripler les seuils ! Nous pouvions accepter la suppression du contrôle dans le cas d'une diminution du nombre des associés car, dans les faits, le refus était exceptionnel. En revanche, l'absence de contrôle dans la prise de participation ne nous convient absolument pas. '
L'esprit de cette loi est donc diversement apprécié. Certains redoutent qu'elle soit facile à contourner et trop libérale. Pour d'autres, il était grand temps qu'un peu d'air frais souffle dans le contrôle très strict des installations et des agrandissements. D'autant que les avis des contrôles des structures n'étaient pas exempts de critiques.
' Au ministère, ils ont confondu assouplissement et simplification . Nous regrettons aussi qu'il soit inscrit que le préfet peut statuer seul, ce qui sous-entend sans consultation de la CDOA (Commission départementale d'orientation agricole). Jusqu'alors celle-ci était obligatoire et le préfet allait rarement à l'encontre de l'avis des professionnels. ' Le sort des CDOA sera fixé d'ici à juillet 2006.