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Màtraalja : une région tournée vers l'export

La vigne - n°175 - avril 2006 - page 0

A 80 km au nord-est de Budapest, Màtraalja produit des blancs secs et frais destinés à l'export. Malgré leur qualité, ces vins se retrouvent en pleine tourmente mondiale, chahutés sur les linéaires anglais et allemands.

Sàndor Keresztes est inquiet. Danubiana, le vendangeoir qu'il dirige, subit de plein fouet la concurrence mondiale. Cette ex-ferme d'Etat fut rachetée en 1996 par le négociant allemand Binderer. Au cours de cette décennie, il en fit l'un de ses nombreux centres d'approvisionnement. Danubiana est l'une des deux grandes sociétés qui commercialisent les vins de Màtraalja, deuxième région en taille de la Hongrie, qui couvre 7 830 ha au pied du mont Matra, le point culminant du pays.
Cette usine à vins, située en pleine zone industrielle de Gyöngyös, à 80 km au nord-est de Budapest, fournit majoritairement des blancs frais, légers et une partie en demi-doux. Tous sont destinés exclusivement à l'export. 70 % des vins se vendent en Allemagne, dans les hard discount, le reste en Scandinavie, au Benelux, en Grande-Bretagne, au Japon et au Canada.
Dans les enseignes allemandes Kaufland, Tengelman ou Norma, la bouteille est vendue 1,78 euros. Mais les marchés s'effritent. En 2005, Danubiana a produit et commercialisé 110 000 hl, contre 140 000 en 2000. Le pinot gris et le sauvignon sont pourtant très agréables.

Danubiana n'achète que des raisins. L'entreprise s'approvisionne auprès de 250 vignerons de la région de Màtraalja qui n'ont pas les moyens de fournir une qualité idéale. ' Beaucoup ont abandonné leur vigne, car ce n'est plus rentable, explique Sàndor Keresztes. Les vignobles trop éclatés rendent les coûts de production énormes. ' Les raisins s'achètent 52 forints(1) le kilo en moyenne, sauf le sauvignon blanc et le pinot gris (75 forints). En 2005, la récolte a été réduite de 30 % à cause de la pourriture provoquée par des pluies diluviennes. Sàndor Keresztes se voit donc contraint d'acheter des vins en vrac dans les régions voisines, pour fournir le volume nécessaire à la base de Münich, qui se bat pour sauver ses marchés.
Szölöskert est l'autre grande cave de l'appellation, située à une dizaine de kilomètres de Gyöngyös dans le petit village de Nagyrede, nom que l'entreprise a repris comme marque principale. Ici aussi, place au blanc frais et léger destiné à l'export (pour 70 %), cette fois sur le marché britannique. Mais le moral est meilleur. Née il y a quarante ans, cette ancienne coopérative a été rachetée par ses membres il y a quelques années. 80 % des actionnaires de la société sont aussi ses fournisseurs de raisins (800 ha en tout), ce qui ne les empêche pas de répondre à un cahier des charges précis établi dans un contrat de cinq ans.
Les cépages principaux sont le müller-thurgau, le muscat ottonel, le pinot gris et le chardonnay. Benjàmin Bàrdos travaille ici depuis trente-trois ans. Il dirige les vinifications et l'ensemble de l'entreprise depuis vingt-cinq ans. Pour lui, leur succès tient à ' une bonne équipe, bien formée, une orientation claire depuis les années 80, et une bonne anticipation. '

En effet, Szölöskert s'est équipée il y a vingt-cinq ans d'une technologie de pointe pour fournir des blancs secs et fruités à l'export : ' A l'époque, tout le monde a mordu à l'hameçon. ' L'Allemagne était le plus gros marché. Dans les années 90, après la chute du bloc soviétique, la Grande-Bretagne a pris le relais. En 1992, Szölöskert crée Montrade, une société commerciale pour vendre au Royaume-Uni des vins au goût formaté, vinifiés avec des winemakers australiens. 2 millions de bouteilles de Nagyrede sont ainsi écoulées tous les ans.
Malgré cela, les profits s'effilochent. En 2005, la rareté des raisins fait monter les prix, alors que les coûts de production augmentent et que le prix de la bouteille doit rester stable, voire baisser face à la concurrence mondiale. ' Les rayons se rétrécissent et la Hongrie n'est plus vraiment à la mode ', explique Eszter Tatàr, directrice de Montrade. Cela n'empêche pas Szölöskert de continuer d'investir dans l'outil de production - à l'aide du programme européen Sapard, notamment - pour rester dans la course.
Autre village, autre profil. A Gyöngyöstarjàn, Màtyàs Szöke, 65 ans, est la star de l'appellation. Sa cave n'est pas pour autant facile à trouver, nichée au fin fond d'une petite rue. Cet ancien ingénieur sous le régime communiste a eu l'idée de monter un domaine en 1990. Son fils Zoltan, 30 ans, prend peu à peu le relais. Il possède une quarantaine d'hectares et plante encore. Grâce à un travail soigné, mais aussi à un réseau de relation datant du temps où il participait aux réunions de l'Otan, il dit ne pas souffrir de la crise.

Ses vins sont excellents. Les blancs suivent une vinification propre et technologique. Certains passent quelques mois en foudres de bois hongrois, comme les rouges au potentiel inouï dans une région réputée pour ses blancs. Le cépage kékfrankos est fruité, gourmand, original. Quant au cabernet-sauvignon 2003 Barrique, ' qui n'a pas encore de prix ', il est étonnamment suave.
Màtyàs Szöke vend environ 500 000 bouteilles par an, à la cave directement (entre 1 000 et 6 000 forints selon l'étiquette), en Hongrie et à l'export, dont 120 000 bouteilles aux Etats-Unis. L'homme, qui ne lésine pas sur les expérimentations, prouve que la région a un réel potentiel. Il est malheureusement le seul à tirer des vins de cette qualité et le regrette vivement.

(1) Soit 0,20 euros. 1 euros = 250 forints.

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