En maîtrisant l'oxygène dissous, on conserve le fruité et la sucrosité qui plaisent
Installé depuis 1997 sur les terres du Château du Hâ, Cédric Moreau fait de la gestion de l'oxygène dissous sa priorité. ' Tout a commencé en 2000, à la suite de la rencontre avec Patrick Ducournau d'Oenodev, qui travaille sur la micro-oxygénation des vins ', explique Cédric Moreau. L'intéressé est à la fois vigneron et consultant sur le Médoc pour Oenodev.
' L'objectif du contrôle et de la maîtrise de l'oxygène dissous, c'est de préserver le fruité initialement présent dans la baie de raisin, avec des nuances plus ou moins cuites en fonction de la maturité. ' Pour y parvenir, en 2000, Cédric Moreau achète un oxymètre LDO.
Cet appareil mesure la quantité d'oxygène dissous dans un vin. ' On s'en sert avant et après un pompage ou un transfert pour en mesurer l'effet. On peut alors choisir ou adapter le process qui colle le mieux à nos objectifs de produits. '
Cédric Moreau utilise l'oxymètre sur sa propriété, mais aussi dans les chais qu'il est amené à conseiller pour le compte d'Oenodev. Il s'intéresse d'abord au soutirage des barriques, car il sait que c'est l'un des points délicats vis-à-vis de la dissolution d'oxygène dans les vins.
' Dès 2000, on a pu mesurer que lors d'un soutirage de barrique, l'utilisation d'une pompe à gros débit, branchée au moyen de réducteurs sur des manches de petits diamètres et d'une canne de soutirage très fine, constitue l'antifruit par excellence ! En effet, après une telle opération, on dépasse les 10 mg d'oxygène par litre de vin, c'est-à-dire la saturation du vin en oxygène. ' De même, cette saturation est vite atteinte ' lorsqu'un joint est défectueux, lorsqu'un raccord est mal serré... '.
Depuis 2001, Cédric Moreau limite les soutirages à leur strict minimum. Il élève le premier et le deuxième vin vingt-deux et douze mois en fûts, sans aucun soutirage, contre une mise au propre auparavant. Il soutire ses barriques avec une pompe à piston à faible débit. Il ne remplit surtout pas la cuve de destination par le bas. Il a toujours été opposé à cette façon de travailler.
Les mesures réalisées dans d'autres châteaux lui donnent raison. ' Lorsqu'on remplit par le bas, on observe un brassage du vin à l'air entre chaque barrique. Dans la cuve, le vin atteint tout de suite la saturation : 10 mg/l d'oxygène dissous. On peut détruire tout le travail accompli jusque-là. En effet, il se forme, en général, une colonne de 5 m d'air dans les manches entre le moment où une barrique se vide et le début du soutirage de la barrique suivante. Si on remplit la cuve par le bas, cet air brasse le vin ! Chez moi, je renvoie le vin par le dessus, en remontant le tuyau au fur et à mesure du remplissage de la cuve. On reste aux alentours de 4 mg/l pendant le soutirage. '
Le deuxième aspect important, vis-à-vis de l'oxygène dissous, est la température du chai lorsqu'on intervient sur le vin. Dès 2000, l'oxymètre a permis de le confirmer. Cédric Moreau remarque qu'un ' vin à 7°C dissout de l'oxygène, mais n'en consomme pratiquement pas. Malgré cela, on perd en fruité. Au-dessus de 18°C, l'effet sur la structure est tel qu'on arrive à une sécheresse en bouche et très vite, on peut se heurter à des problèmes d'oxydation '. Ces constatations sont confirmées par d'autres mesures sur les millésimes suivants. En 2005, le Château du Hâ ne travaille ses vins que lorsque la température est dans une plage de 15 à 18°C.
' Maintenant, au Château du Hâ, je me pose à chaque fois la question du réel intérêt de mon intervention. Le seul moment où le vin doit bien se goûter, c'est dans la bouteille. ' Cédric Moreau préfère travailler les vins en réduction. ' Je ne réajuste le potentiel rédox que lors de la mise. ' Avant un tirage, il micro-oxygène ses vins jusqu'à la disparition des notes de réduit. ' C'est le fruit qui rend les vins plaisants et donne une impression de sucrosité. En Médoc, il faut combiner boisé et fruité. ' Les commentaires de dégustation des vins du Château du Hâ sont unanimes : du fruit... et les ventes semblent suivre.