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En douze ans, nous avons doublé nos prix

La vigne - n°176 - mai 2006 - page 0

Aux commandes de la Maison Jacquesson, les frères Chiquet se sont positionnés sur un champagne haut de gamme. En matière de marketing, ils ont fait preuve d'imagination pour proposer un brut non millésimé qui sort de l'ordinaire.

C'est un outsider que personne n'attendait : la petite Maison Jacquesson, à Dizy (Marne), a terminé dans le trio de tête du classement de La Revue du vin de France des marques de champagne paru en décembre 2005. Cette reconnaissance consacre la stratégie de développement dans le haut de gamme, décidée par Jean-Hervé et Laurent Chiquet depuis 1988.
Créée en 1798 à Châlons-sur-Marne, la Maison Jacquesson a maintes fois changé de mains. En 1974, elle devient la propriété de Jean Chiquet, un vigneron récoltant manipulant sur 12 ha. Il installe le siège de l'entreprise dans les locaux du domaine familial à Dizy. Avec cette acquisition, il se retrouve à la tête de 22 ha. A l'époque, la maison produit 200 000 bouteilles et Jean Chiquet 60 000 cols.
Jean-Hervé, son fils aîné, le rejoint en 1982. Laurent, le cadet, arrive en 1988. Une discussion de fond s'engage alors sur l'avenir de la maison. Les deux frères se ' battent ' en faveur ' d'un positionnement haut de gamme et d'un renforcement de la notoriété plutôt que d'une croissance en volume '. Ils obtiennent gain de cause. C'est un tournant.

Jean-Hervé prend la direction générale et commerciale. Laurent supervise la production. ' Nous n'avons rien fait de spectaculaire, si ce n'est des efforts, et des changements progressifs et réguliers. ' Depuis 1988, ils ont investi environ 500 000 euros. Ils ont réalisé un effort particulier au vignoble afin de maîtriser les rendements. Ils n'apportent plus d'amendements systématiques. Ils réduisent la taille en passant de huit à dix bourgeons par pied, au lieu des quinze autorisés. Ils ébourgeonnent et enherbent si nécessaire.
Particularité de la maison, la vinification est réalisée à 60 % sous bois. Les deux frères ont rénové les anciennes cuveries avec vingt-huit foudres de chêne de 20 à 75 hl. Ils travaillent avec quatre anciens pressoirs verticaux modernisés.
Pour monter en gamme, ils modifient les techniques de vinification et d'élevage. Après la fin des fermentations, ils bâtonnent les vins sous bois une fois par semaine pendant trois mois. Puis ils les élèvent sur lies pendant un an, ' ce qui renforce leur gras et leur complexité aromatique '. Cette technique a ' un effet stabilisant et antioxydant '. Ensuite, ils remettent les vins en cuve. Ils ne les filtrent pas afin ' de conserver le maximum de matière '. Le dosage ne dépasse jamais 7 g/l de sucre pour ' préserver leur finesse et leur pureté '. Tous les vins millésimés sont extra-bruts avec 3,5 g/l au maximum.
Sur le plan commercial, depuis 2000, les deux frères ont restructuré leur gamme.
Le brut non millésimé constitue le coeur de la production, avec 250 000 cols/an. Mais ici, on parle d'un ' multimillésimé '. Les frères Chiquet ont l'idée astucieuse de le numéroter en partant de 728, le nombre de tirages faits par Jacquesson depuis son premier centenaire en 1898 jusqu'en 2000. Ils le mettent sur le marché trois ans après la vendange de référence. La cuvée 728, constituée surtout du 2000 et en partie de vins de réserve, a ainsi été mise en vente en octobre 2003. La cuvée 731, du 2003 et des vins de réserve, sera vendue en octobre 2006. Et ainsi de suite.
La deuxième série est constituée d'assemblages de terroirs millésimés. Ils sont conservés en bouteilles au moins huit ans : 40 000 cols de Jacquesson 1996 seront mis sur le marché cette année.

Troisième série : les sélections parcellaires millésimées. Ce sont cinq vins issus de cinq crus pour un tirage de 10 000 bouteilles.
Autre spécificité : les ' dégorgements tardifs '. La maison les pratique fin juillet, exclusivement sur commande ferme. Elle expédie les vins (environ 2 500 cols) en septembre. L'an dernier, c'était le tour des millésimes 1988, 1989 et 1990. En terme de notoriété, ' il n'est pas négligeable de communiquer sur la garde des vins . '
La Maison Jacquesson a perdu peu à peu toute sa clientèle de particuliers et de comités d'entreprises. Elle se contente de servir les clients de passage. Aujourd'hui, ils payent entre 31 et 75 euros/col TTC, et jusqu'à 100 euros pour les ' dégorgements tardifs ', des prix qui ont quasiment doublé depuis 1997.
En France, les frères démarchent des cavistes et des restaurateurs. ' Ces réseaux professionnels sont indispensables pour acquérir de la notoriété . Et il est nécessaire d'expliquer notre philosophie et le prix (60 euros) de notre champagne qui, au départ, n'est pas connu . ' Ils font appel à 27 agents multicartes.

A l'exportation, ils se développent en fonction des opportunités. Michel Mackenzie, ancien banquier du Sud-Est asiatique et actionnaire de la maison, les aide grâce à son carnet d'adresses à se développer en Asie du Sud-Est. Ils se rendent auprès de leurs importateurs ' pour leur expliquer leur stratégie pointue '. Ils réservent la marge de progression de leurs ventes à l'exportation. A terme, ils souhaitent mettre en place ' un contingentement intelligent '. Il s'équilibrerait de la façon suivante : 40 % sur le marché français, 20 % en Europe, 20 % en Amérique et 20 % en Asie. Aujourd'hui, la maison produit, en moyenne, 330 000 cols. Elle en vend autant. Elle ne grandira plus qu'en qualité.

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