Johann-Joseph Krug naît le 27 octobre 1800 à Mayence, ville de Rhénanie alors française. Son père est un prospère négociant en viande. Johann-Joseph devient lui-même négociant et voyageur de commerce. En novembre 1834, il est engagé par la maison champenoise Jacquesson & fils établie à Châlons-sur-Marne (Marne). « Il s'occupe des expéditions, de l'envoi des factures et des mouvements d'argent. Il supervise les messagers, les transporteurs et traite avec certains correspondants », relate Fabienne Moreau, responsable des ressources historiques des maisons Krug et Clicquot-Ponsardin.
« Il a une vision claire des moyens à employer pour réussir »
En 1835, Maurice Jacquesson disparaît. La maison est reprise par son fils Adolphe. Johann-Joseph Krug devient son associé. « Je pressens que nous ne réussirons que si nous devenons remarquables pour l'excellente qualité de nos vins et en accordant une attention particulière au tirage et à la mousse », écrit-il à l'époque.
« Il a déjà une vision claire des moyens à employer pour réussir dans un marché très compétitif », souligne Fabienne Moreau.
En octobre 1842, Johann-Joseph Krug quitte la maison Jacquesson pour diriger, puis reprendre les affaires d'Hippolyte de Vivès, un négociant installé à Reims (Marne).
Ce dernier vend des vins tranquilles de Champagne (Sillery, Aÿ ou Verzenay), mais aussi du xérès, des vins de clairette, de malvoisie, de Madère, du porto, etc. Il ne possède aucun vignoble. Il expédie des vins dans le monde entier.
En novembre 1843, Johann-Joseph Krug crée la maison Krug & Cie. Il reprend tout le stock de vins et spiritueux de Vivès, ainsi que son matériel, ses bouteilles et ses étiquettes. Dans une lettre aux clients de son prédécesseur, Krug précise : « Hippolyte de Vivès nous a cédé tous ses approvisionnements qui sont très considérables et parfaitement choisis dans les meilleurs crus. Nous pourrons donc vous fournir les mêmes qualités que lui dans tous les genres… »
Le nouveau patron multiplie les initiatives. Il développe de nombreuses marques, par exemple « Anchor Brand » et « Fountain Brand » pour les Etats-Unis. Afin d'étendre sa clientèle, il recrute des agents, voyageurs de commerce ou intermédiaires qu'il veut « actifs, intelligents, bien versés dans les affaires ». Il demande aussi qu'ils aient une position financière saine, « une bonne réputation de moralité » et une bonne connaissance des pays où la maison opère.
Il leur recommande de « tâcher d'obtenir des ordres positifs des premières maisons tant dans le commerce que pour la consommation si possible, car c'est par ces grandes maisons que nous serions le plus certain d'être mis en faveur ». Il faut être « franc et loyal » : c'est son principe.
Johann-Joseph Krug accorde une importance particulière à la bonne connaissance des marchés et des produits concurrents afin d'adopter la meilleure stratégie commerciale. Aux Etats-Unis, par exemple, il demande à son correspondant un rapport détaillé sur les marques de champagne les plus vendues, l'envoi d'échantillons et de leurs habillages. Il faut « se procurer des renseignements de ce qui se fait sur place et juger en parfaite connaissance de cause ce que nous avons à faire pour étendre et améliorer nos débouchés », affirme-t-il.
Pas de bons vins sans bons crus
Il est toujours exigeant. « On ne peut obtenir de bons vins sans y employer de bons éléments et des vins de bons crus, lit-on dans le carnet personnel de Johann-Joseph Krug traitant des cuvées et de leur composition. On a pu obtenir d'apparence de bonnes cuvées en employant des éléments et des crus moyens ou même médiocres ; mais ce sont des exceptions sur lesquelles il ne faut jamais compter ou on risque de manquer son opération ou de perdre sa réputation. »
« Il souhaite créer un vin exceptionnel, précise Fabienne Moreau. Il porte une attention particulière à l'assemblage, comme nous le faisons pour la “grande cuvée”, un brut sans année de la maison. » Krug tient aussi compte des exigences des consommateurs en jouant sur le dosage du champagne selon les marchés.
Le négociant meurt à Reims le 5 août 1866. Cette année-là, la maison expédie 192 021 bouteilles de champagne contre 90 382 en 1844. Paul Krug, son fils, développera l'entreprise et assumera un rôle important dans la création de l'Association viticole de Champagne. En 1999, la maison Krug intègre le groupe LVMH.