Près de Dresde, le plus petit vignoble allemand s'est refait une santé depuis la réunification. Progression de la qualité et tourisme permettent d'écouler localement 90 % des vins.
Sur 55 km le long de l'Elbe de part et d'autre de Dresde, le vignoble saxon est le plus petit d'Allemagne. Morcelé entre 2 500 viticulteurs, il ne compte que 450 ha pour 20 000 hl/an. Depuis la chute du communisme en 1990, ce vignoble s'est agrandi de 130 ha. La libéralisation a également mis fin au monopole de la coopérative de Meissen, jusqu'alors seule productrice de vins tranquilles. Avec 1 800 membres ne totalisant que 164 ha, elle reste le premier opérateur devant un autre héritier de l'ère communiste, le Château Wackerbarth.
Autrefois spécialisé dans l'élaboration de mousseux, ce domaine de 93 ha a élargi sa gamme à tous les vins. Depuis 1999, il est propriété du Land de Saxe via la Banque saxonne d'investissement.
Parallèlement, une vingtaine de vignerons indépendants se sont établis. Le plus important, le Château Proschwitz, possède 51 ha. La plupart des autres n'ont que 5 ha environ. Et le plus petit ne compte que 2 000 m 2 de vignes. ' Je n'embouteille pas. Je vends tout au pichet dans mon restaurant ', explique Bernd Kampfe, son propriétaire, qui organise des dégustations et des circuits oenologiques. Comme ses collègues, il achète aussi du raisin à des viticulteurs indépendants, au prix pratiqué par la coopérative. Il paie 2,50 euros/kg pour les cépages les plus chers, le traminer et les rouges.
Bien meilleur marché, le müller-thurgau ne vaut que 1,25 euros/kg. C'est le cépage le plus planté : il occupe 21 % du vignoble, devant le riesling, le pinot blanc et une dizaine d'autres variétés, parmi lesquelles des nouveautés comme le bacchus, un croisement de sylvaner, de riesling et de müller-thurgau.
Ces quinze dernières années, les variétés rouges sont passées de 2 à 15 % des superficies, dont 7 % pour le pinot noir. ' La demande des consommateurs s'accroît. Nous aimerions développer notre production. Mais nous ne pouvons plus planter, et il est rare de trouver des vignes bien exposées qui soient en vente ', déclare Uta Grossmann, chargée de la communication au Château Wackerbarth, qui produit 500 000 cols, dont seulement 5 % de rouges.
Les vignes sont établies sur des petites terrasses ou des pentes pouvant atteindre 60°. ' Nous devons effectuer tous les travaux manuellement, ce qui coûte cher. Et à l'avenir, nous risquons une pénurie de main-d'oeuvre, car les salariés sont âgés de 50 ans ou plus, et les jeunes préfèrent aller à l'ouest que de devenir ouvriers viticoles ', note Bernd Kampfe. Les vendanges, de mi-septembre à mi-octobre, sont assurées par des chômeurs, des femmes et des étudiants payés 5 euros/h.
La chaleur emmagasinée par les murets de pierre et la masse d'eau de l'Elbe permettent aux vignes d'affronter des gelées tardives. ' Depuis quelques années, le réchauffement du climat est indéniable, ce qui nous permet d'avoir des grappes plus mûres ', ajoute Uta Grossmann.
Le rendement autorisé est de 80 hl/ha. Mais, qualité oblige, il dépasse rarement 40 à 50 hl, même chez les amateurs, réputés pour prendre grand soin de leurs vignes. Ces petits viticulteurs doivent suivre les prescriptions des acheteurs pour la récolte et les traitements. En général, ils traitent trois à quatre fois par an, surtout contre l'oïdium, la maladie la plus préjudiciable.
De gros progrès ont été réalisés en terme de vinification. La plupart des caves sont équipées de pressoirs pneumatiques et de cuves en Inox thermorégulées, dans lesquelles les blancs fermentent de 14 à 16°C pendant trois semaines. Peu de vins sont élevés : la mise sur le marché commence dès le début de l'année qui suit la récolte.
Le Château Wackerbarth possède ainsi deux lignes de vinification et une capacité de stockage en cuves en Inox de 2 100 hl. S'y ajoutent 300 fûts français de trois à cinq ans d'âge. Les pinots noirs y vieillissent vingt-deux mois, tandis que le pinot gris et le blanc y passent cinq mois pour acquérir un soupçon de goût boisé. Tout est logé dans une winery moderne inaugurée il y a deux ans. De style anglo-saxonne, elle propose des visites payantes, un restaurant et une vaste boutique. ' Un investissement de 20 Meuros qui nous permet de vendre plus de 50 % de nos vins sur place, affirme Uta Grossmann. Notre prochain objectif est de nous faire connaître plus largement en Allemagne. '
90 % des vins de l'appellation sont commercialisés en Saxe, le reste dans les grandes villes du pays, en particulier à Brème et Berlin. Les ventes à l'étranger sont infimes et ponctuelles.
' De nombreux Allemands de l'Ouest ignorent que nous faisons du vin , déplore Bernd Kampfe, qui voit toutefois l'avenir avec optimisme. Après la réunification, les habitants de Saxe ont voulu goûter des vins d'autres régions et d'autres pays. Maintenant, ils reviennent à nos vins, dont la qualité s'est améliorée. De plus, Dresde accueille des millions de visiteurs par an et Meissen 500 000. C'est un formidable débouché et un bon vecteur de promotion pour nos crus. ' Les vignerons saxons ont ainsi bon espoir de continuer à vendre leurs bouteilles entre 8 et 15 euros, et même plus cher pour les vendanges tardives.