Travail de la vigne, choix des productions, calcul du coût de revient, commercialisation : Geneviève et Pascal Delaunay étudient tout en détail. Résultat : un succès économique qui ne se dément pas depuis vingt ans.
'Cette année, je m'attendais à une baisse de mes ventes en France. Mais c'est tout l'inverse qui se produit. Nous sommes en progression sur les trois premiers mois, durant lesquels nous faisons une grosse partie de notre chiffre avec la clientèle particulière. De toute ma vie professionnelle, je n'ai jamais baissé. ' Surpris par ses résultats ? Pascal Delaunay l'est à peine. Le Château de Putille, qu'il mène depuis plus de vingt ans avec sa discrète épouse Geneviève, est une entreprise sereine. Car ici, à la Pommeraye, à 20 km environ à l'ouest d'Angers, tout est raisonné. Rien n'est laissé au hasard.
45 ha sont plantés, en totalité enherbés et menés en lutte raisonnée. ' Depuis quinze ans, je travaille différemment parcelle par parcelle ', résume Pascal Delaunay.
En Anjou, une même parcelle de cabernet peut produire cinq ou six appellations différentes. Même chose pour le chenin. ' C'est la connaissance exacte de chaque parcelle qui guide mon travail. Selon le terroir, dans un cabernet, je vise un rosé, voire un crémant, plutôt qu'un rouge de garde. Tout cela se décide dès la taille et se poursuit jusqu'au choix de la date des vendanges . '
La récolte est effectuée pour l'essentiel avec sa propre machine, sauf pour les appellations qui imposent la main de l'homme : le crémant de Loire, l'anjou-gamay en macération carbonique, et les liquoreux récoltés par tris successifs. ' Nous avons commencé à trier les chenins dès 1985 . '
Dans la région, les prix de vente sont parfois fixés en fonction des tarifs des voisins. Chez les Delaunay, rien de tel. Sur chaque parcelle, Pascal calcule avec précision son coût de production, auquel il applique un coefficient pour fixer son prix de vente. ' Sur le vrac commercialisé à la propriété, on tire une marge assez faible, mais cela nous permet de maintenir la clientèle. ' Le château réalise son bénéfice sur la bouteille, qui représente l'essentiel du volume commercialisé. Il vend 60 % de sa production aux particuliers, 30 % aux cavistes et 10 % à l'exportation (Belgique, Pays-Bas, Grande-Bretagne).
' Depuis le début, avec mon père, on a toujours voulu travailler la vente directe. On a toujours privilégié ce mode de commercialisation, et on continue. Evidemment, c'est beaucoup de travail. Nous sommes ouverts au public du lundi matin au samedi soir. Il faut être disponible. Pendant les périodes de vente, on n'arrête pas ', souligne Pascal Delaunay. Un avis partagé par de nombreux collègues angevins qui observent, depuis le passage aux 35 heures, un changement de comportement des clients particuliers. ' Désormais, on peut voir du monde n'importe quel jour de la semaine. '
Et les particuliers chez les Delaunay, c'est un fichier de 5 000 adresses. ' 3 500 personnes commandent régulièrement, après avoir reçu notre mailing annuel avec nos tarifs . ' Ce fichier comprend aussi 300 noms de cavistes, régulièrement relancés et visités. En revanche, la restauration représente à peine 2 % du chiffre d'affaires.
' Je me refuse à travailler avec la grande distribution. On ne peut pas jouer sur les deux tableaux : la grande distribution et le particulier ', estime Pascal Delaunay. Conséquence d'une stratégie commerciale bien établie : après le 15 avril, tout le vrac est vendu. Il ne reste plus que des bouteilles. ' Parfois, on a du mal à faire le raccord entre deux campagnes, déclare Pascal. Il n'y a pas de secret. On raisonne le rapport qualité-prix, c'est le plus important. On n'a jamais joué au Yo-Yo avec les tarifs. On a simplement réussi à progresser peu à peu dans les prix en proposant régulièrement de nouvelles cuvées de niveau supérieur, tout en conservant les anciennes. Ainsi, les clients fidèles ne sont pas perdus. Ils connaissent les produits et les prix. Régulièrement, ils en découvrent de nouveaux . ' Cette stratégie a permis d'améliorer les marges.
Dans les rouges, la gamme débute par un anjou classique à 3,80 euros la bouteille, suivi d'un anjou-villages à 4,80 euros, puis d'un anjou-villages prestige à 6,20 euros. Et pour cette année, en millésime 2004, il propose un anjou-villages cuvée des Presses à 12 euros/col, Un vin issu d'une parcelle de cabernet-sauvignon, élevé en barriques. ' C'est ma seule cuvée en fût. J'ai fait des essais, et j'ai choisi une parcelle où le cabernet-sauvignon mûrit très bien. On a une belle matière qui domine le bois, ce qui donne un vin de garde aux arômes de fruits noirs. '
' Chaque client doit trouver quelque chose à son goût , souligne Pascal Delaunay. On propose des blancs secs, des moelleux, des rouges souples ou structurés, des bulles, des rosés secs et demi-secs, et des cépages différents. ' Sur ce plan-là, le Château de Putille ne fait pas exception. La majorité des vignerons angevins propose une douzaine de vins par millésime. Bon rapport qualité-prix et diversité de l'offre expliquent que l'Anjou tire mieux son épingle du jeu que d'autres régions.
Ce qui apparaissait comme un handicap, il y a quelques années, s'est transformé en atout, car la clientèle apprécie d'avoir le choix.