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Querelle chez les Bouchard

La vigne - n°178 - juillet 2006 - page 0

Deux marques peuvent contenir le même nom patronymique, sans qu'il y ait contrefaçon. Ainsi en a jugé la cour d'appel de Paris, dans une affaire opposant les sociétés Bouchard Père & Fils à Vins Pascal Bouchard.

Dans la production et la commercialisation des vins, il est des noms patronymiques célèbres : Meffre et Jaboulet dans les Côtes du Rhône, Bouchard en Bourgogne. .. Rien que dans la ville de Beaune, on trouve six fois la référence au nom Bouchard pour le commerce du vin. C'est dire l'importance des signes particuliers, ajoutés au nom de famille, par exemple un prénom, pour distinguer ces entreprises les unes des autres.
C'est en l'état qu'en octobre 2005, la cour d'appel de Paris a tranché un contentieux entre la société Bouchard Père & Fils, à Beaune, la société Vins Pascal Bouchard, et Pascal Bouchard, lui-même, à Chablis.
Bouchard Père & Fils, dont les associés n'appartenaient plus à la famille, contestait à la société Vins Pascal Bouchard le droit de déposer la marque semi-figurative Domaine Pascal Bouchard.
Pour se défendre, au premier chef, Pascal Bouchard argumente qu'il est trop tard pour contester sa marque. C'est la forclusion prévue par le code de la propriété intellectuelle (CPI). ' Est irrecevable toute action en contrefaçon d'une marque postérieurement enregistrée dont l'usage a été toléré pendant cinq ans, à moins que son dépôt n'ait été effectué de mauvaise foi ', expose l'article L 716-5-2° du CPI.
L'article 714-3 édicte que ' l'action en nullité de l'enregistrement d'une marque n'est pas recevable, si la marque a été déposée de bonne foi et s'il en a été toléré l'usage pendant cinq ans '.

Les magistrats de la cour retiendront que jusqu'au rachat de la société Bouchard Père & Fils par un tiers, la marque déposée par Pascal Bouchard n'a fait l'objet d'aucune contestation. Ils tireront du comportement de Pascal Bouchard la preuve qu'il a déposé sa marque de bonne foi. Si bien que la demande de nullité de la marque semi-figurative Domaine Pascal Bouchard sera déclarée irrecevable comme frappée de forclusion.
Mais Bouchard Père & Fils, soutenu par un avocat spécialiste, n'était pas à court de moyens. Le négociant a fait valoir que le simple dépôt d'enregistrement d'une marque est susceptible de constituer un acte de contrefaçon. Or, pour qu'il y ait contrefaçon, il faut un risque de confusion. La cour jugera qu'il n'y en pas : l'adjonction du prénom Pascal au patronyme Bouchard est de nature à éviter toute confusion. On ne manquera pas de relever une remarque de la cour : les centrales d'achat des distributeurs ont une parfaite connaissance des produits, puisqu'elles sont en contact depuis des années avec les intervenants du marché. Pas d'annulation de la marque, pas de contrefaçon.
La demanderesse ne s'estimait pas battue pour autant. Elle a invoqué la contrefaçon sous une autre forme, avançant que la dénomination Vins Pascal Bouchard constituait une contrefaçon de la marque Bouchard Père & Fils. Mais là, la cour d'appel répondra avec l'article L 713-6 du CPI. L'enregistrement d'une marque ne fait pas obstacle à l'utilisation du même signe, ou d'un signe similaire comme dénomination sociale, nom commercial ou enseigne lorsque cette utilisation est soit antérieure à l'enregistrement, soit le fait d'un tiers de bonne foi employant son patronyme.

Or, bien avant le dépôt de la marque Bouchard Père & Fils, Pascal Bouchard exerçait sous son nom comme viticulteur exploitant. Tous les arguments de la société Bouchard Père & Fils ayant été scrupuleusement examinés, ses demandes seront rejetées. Faut-il voir dans ce procès une illustration d'une phrase de la Revue des vins de France, relevée par la cour d'appel : ' Ce nouveau arrivant en Bourgogne a-t-il la prétention de faire changer de nom tout ce qui porte le même que celui de sa société ? ' Le chroniqueur tient à rappeler qu'il s'agit d'un arrêt de la cour d'appel susceptible d'être soumis au contrôle de la Cour de cassation. Rien ne permet de dire que la solution adoptée ne serait pas censurée...

Cour de cassation, Paris 19-10-05.

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