Les fabricants de flottateurs ont réduit la taille de leurs machines. Ils proposent des modèles travaillant à des débits de 50 à 300 hl/h. Du coup, la technique se développe dans les caves particulières, où elle permet aux utilisateurs de générer d'importants gains de temps lors du débourbage.
'Les gains de temps sont énormes ', déclare Gilles Pourcel, du Domaine des Peyrilles, à Florensac (Hérault). ' Grâce à cette machine, on gagne deux à trois jours pour le débourbage ! ' complète Yoann Gaudy, le caviste. Le domaine cultive 14 ha. En 2005, il s'est équipé d'un flottateur Clear, d'Enoveneta, pour débourber les moûts blancs et rosés à un débit de 50 hl/h.
La flottation consiste à injecter un adjuvant de collage (gélatine, gel de silice, bentonite...) à du moût surpressé, au moyen d'air comprimé ou d'azote. Les bourbes forment alors un agrégat avec la colle, en emprisonnant les bulles de gaz. Leur densité diminue et on assiste à une sédimentation inverse : les bourbes viennent flotter à la surface du moût. Le débourbage est alors grandement facilité et accéléré.
' C'est très rapide. Pour un travail équivalent en qualité, au lieu d'y passer douze heures, cela n'en prend plus qu'une ', détaille Raymond Gasquez, du Domaine de l'Argentière, produisant 2 000 hl à Montblanc (Hérault). Il s'est équipé, en 2005, du modèle 150 hl/h. Au Domaine Roger Jung et fils, 15 ha à Riquewihr (Haut-Rhin), Rémy Jung relate : ' En 2002, je cherchais à gagner du temps sur le débourbage . Lorsque ma centrifugeuse à bourbes est tombée en panne, on m'a proposé d'essayer cet appareil. J'étais satisfait, la machine n'est pas repartie après les vendanges. On gère plus facilement la cuverie et on peut rapidement déguster les jus pour corriger si nécessaire . ' Ce domaine utilise un flottateur Romfil d'un débit de 100 hl/h.
' Autre avantage intéressant : la flottation diminue le volume de bourbes. On retrouve 5 à 6 % en moins ', explique Yoann Gaudy.
Les utilisateurs ont chacun intégré l'appareil dans leur process de vinification en blancs et rosés. A l'Argentière, ' en sortie de pressoir, les jus vont dans une cuve tampon de 150 hl, maintenue à 16°C. Une fois la cuve à peu près pleine, on branche la flottation en circuit fermé. Une heure plus tard, le débourbage est réalisé, il suffit de tirer le clair par la vanne du bas ', détaille Raymond Gasquez. La séparation entre jus clair et bourbes est plus nette qu'après un débourbage statique.
Chez Rémy Jung, ' autrefois, on débourbait sans froid. On tirait le plus clair et le reste partait à la centrifugeuse. On réincorporait par la suite les jus centrifugés. Maintenant, la flottation remplace ces étapes. On travaille avec de la gélatine à 8 ou 10 g/hl, car elle apporte une bonne clarification '.
Sur certains points, les avis divergent. Par exemple, c'est le cas pour l'enzymage du moût. Cette opération est pourtant nécessaire, en plus du collage. Au Domaine de l'Argentière, ' on enzyme à la réception ou au pressoir. Sinon, cela ne marche pas '. Au Domaine des Peyrilles, ' c'est en sortie de pressoir '. Par contre, chez Roger Jung, ' on n'enzyme pas. L'essentiel, c'est de ne pas refroidir les jus '. ' Il faut une faible viscosité pour favoriser le phénomène de flottation. L'utilisation d'enzymes pectolytiques est un passage obligatoire sur les moûts méridionaux ', précise Laurent Gomez, de la Ciam, à Pézenas (Hérault), fournisseur de flottateurs Enoveneta.
La flottation provoque souvent des inquiétudes, du fait de l'injection d'air comprimé dans le moût. ' J'étais réticent au départ à cause des risques d'oxydation mais, finalement, la dose apportée est très faible. C'est presque du microbullage ', explique Raymond Gasquez. Il utilise la machine pour 700 hl de rosés issus, entre autres, de carignan, syrah et grenache.
' L'incorporation d'air ne génère aucun problème. Nous débourbons tous nos blancs et rosés au flottateur ', explique Yoann Gaudy. Rémy Jung ajoute : ' Le léger apport d'oxygène m'évite d'effectuer une aération pour démarrer la fermentation alcoolique des 800 hl que je flotte . ' ' La flottation permet aussi de générer des économies de frigories ', signale Gilles Pourcel.
' On s'y retrouve vite, car on fait d'énormes économies d'énergie frigorifique , résume Raymond Gasquez. J'ai deux groupes de froid. En 2005, lorsque je me suis équipé du flottateur, je n'en ai fait tourner qu'un seul. Quelques années plus tôt, la flottation m'aurait évité d'investir dans un deuxième groupe ! Ce qui coûte le plus cher, ce sont les enzymes, mais c'est négligeable à côté des économies d'énergie. ' ' C'est un bon matériel, mais 10 000 euros, cela reste cher ', souligne Yoann Gaudy.
Par ailleurs, la flottation peut connaître quelques ratés. ' En 2003, cela n'a pas marché, même en enzymant. Le point commun des jus réfractaires, c'était leur fort taux de protéines. Mais depuis, plus aucun souci ', relativise Rémy Jung. ' Tous les moûts ne sont pas aussi faciles à flotter. C'est bien sur le piquepoul, mais sur les rosés, c'est plus long ', conclut Gilles Pourcel.