ImprimerRaoul Clavel a participé à la mutinerie du 17 régiment d'infanterie de Béziers, en 1907. Cet événement l'a marqué. ' Il ne se passait pas un repas de famille sans qu'il nous en parle ', raconte son petit-fils Jean Clavel.
Né le 14 février 1887 à Camplong (Hérault), Raoul Clavel est le cadet d'une famille de vignerons. Le phylloxera a sévi en 1880. Son père doit travailler à la mine avant de replanter. En 1900, l'exploitation compte une dizaine d'hectares de vignes à Magalas (Hérault), des céréales, des châtaigniers et des oliviers à Camplong. Mais une nouvelle crise arrive : la surproduction fait chuter les cours. Le vin ne se vend plus qu'à 11 F/hl (1,68 euros), contre 19 F (2,90 euros) en 1899. Célestin, le frère aîné, décide de partir en Lorraine, où il devient grossiste en vins. Il trouve ainsi des débouchés pour sa famille et son village.
En 1907, Raoul effectue son service dans le 17 e régiment d'infanterie de Béziers. Mais la crise viticole s'amplifie. Les manifestations se succèdent et finissent par rassembler 600 000 personnes à Montpellier, le 9 juin. ' Sa famille participait aux manifestations. A la caserne, Raoul suivait de près tout ce qui se passait. Il se sentait concerné, comme tous ses camarades ', explique Jean Clavel, son petit-fils, auquel il a longuement raconté ces événements.
Le 17 e régiment est constitué à 80 % d'ouvriers agricoles et de vignerons de la région. Le jugeant peu fiable pour maintenir l'ordre, le général Bailloud décide de l'éloigner de Béziers, l'un des foyers de l'effervescence viticole. Le 18 juin, malgré l'opposition de la population, les soldats partent pour Agde. A l'arrivée, Raoul, avec deux autres vignerons de Magalas, est logé au couvent de la Nativité. C'est là que la mutinerie débute.
' Par les journaux, il apprend que des fusillades ont éclaté à Narbonne. Six personnes ont été tuées, dont une jeune femme de 20 ans. Il se sent révolté et, en même temps, il a peur. Il ne comprend pas comment des soldats ont pu tirer sur la foule. Il veut protéger sa famille. Le soir du 20 juin, il participe à l'attaque de la poudrière d'Agde. Puis, avec un millier de soldats, il marche sur Béziers, crosse en l'air ', raconte Jean.
Les mutins arrivent le 21 juin au matin à destination. Ils s'installent sur les allées Paul Riquet. La mère de Raoul est prévenue. Elle lui apporte à manger. Très inquiète, elle lui conseille de rejoindre tout de suite sa caserne. Il ne l'écoute pas ! Cependant, le soir, après avoir obtenu l'assurance qu'il n'y aurait pas de sanctions individuelles, il finit par accepter avec ses camarades de revenir à Agde. ' Cette mutinerie s'est achevée sans violence. Mais elle a fait prendre conscience au gouvernement et aux députés de la gravité de la situation. Deux lois contre la fraude ont été votées en juin et juillet ', relève Jean.
Les mutins seront punis collectivement. Le 24 juin, le 17 e régiment est déplacé sous bonne escorte à Gap. Après une enquête rapide, près de 600 soldats sont envoyés à Gafsa (Tunisie) où ils vont rester jusqu'en mai 1908. ' Ils n'ont pas été maltraités, mais ils ont souffert du climat. Quelques-uns sont morts de maladies. Les autres sont revenus, et ont raconté ce qu'ils avaient vécu. Durant leur séjour, ils ont rédigé des cahiers de souvenirs, des poèmes et des chansons ', souligne Jean.
Raoul, libérable en septembre 1907, n'est pas envoyé à Gafsa. Son père étant mort en 1906, il est reconnu soutien de famille. Il achève son service militaire à Gap. Il revient sur l'exploitation et se marie en 1908. En 1910, le marché se rétablit. Le vin se vend à 36 F/hl (5,49 euros). Raoul participe à la guerre de 14-18 et a la chance d'en revenir. En 1926, il s'installe à Montredon-des-Corbières (Aude), où il meurt le 8 avril 1962, après avoir transmis ses vignes à son fils René.
Entre temps, la mutinerie de 1907 est devenue une légende. ' Il ne se passait pas un repas de famille sans que mon grand-père nous en parle. Il était fier d'avoir participé à cette page de l'histoire de la région ', se souvient Jean Clavel. Pour préparer le centenaire de 1907, il a recueilli des témoignages de descendants des mutins. Son fils Pierre a pris le relais dans les vignes à Assas (Hérault). Il transmet à ses fils Antoine et Martin, la mémoire de cette révolte du Midi.
Le blog de Jean Clavel : 1907larevoltevigneronne.midiblogs.com
