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Magazine - Terroir & tradition

« Ceux d'Argeliers » ont à nouveau la parole

MICHÈLE TRÉVOUX - La vigne - n°269 - novembre 2014 - page 114

Censuré à sa sortie, le récit de la révolte des vignerons du Midi en 1907, Avec Ceux d'Argeliers, vient d'être réédité. Les politiques n'y apparaissent pas à leur avantage.
LE 16 JUILLET 2014, l'association Oc a présenté la réédition du livre Ceux d'Argeliers devant le café qui appartenait à Marcelin Albert au moment de la révolte. © OCMUSIC. ORG

LE 16 JUILLET 2014, l'association Oc a présenté la réédition du livre Ceux d'Argeliers devant le café qui appartenait à Marcelin Albert au moment de la révolte. © OCMUSIC. ORG

L'ASSOCIATION OC réédite le récit de la révolte des vignerons du Midi.

L'ASSOCIATION OC réédite le récit de la révolte des vignerons du Midi.

La révolte des vignerons du Midi en 1907, un succès de librairie ? C'est le constat de Christian Salès, à la tête du groupe Oc. Cet éditeur et créateur de spectacles occitans vient de rééditer Avec Ceux d'Argeliers, un ouvrage qui relate cette page de l'histoire.

« Nous sommes surpris par le succès de ce livre. Nous ne pensions pas que Marcelin Albert, le meneur de cette révolte, parlait encore à autant de monde. Plus de cent ans après, l'événement captive toujours et pas seulement la population locale », confie ce défenseur de la culture occitane.

Rééditer ce livre ? L'idée lui est venue en dénichant par hasard dans une librairie du Somail - un village de l'Aude - spécialisée dans les livres anciens, un exemplaire de la première édition de 1908. « C'est un témoignage rare, s'enthousiasme l'éditeur. L'auteur, Jean Fournel, était journaliste à L'Éclair, le quotidien régional de l'époque. Il a suivi de près tous les événements et s'est lié d'amitié avec Marcelin Albert et les quatre-vingt-sept vignerons qui ont lancé la révolte avec lui. »

Leur combat : l'abrogation de la loi du 28 janvier 1903 qui a réduit la taxe sur le sucre ouvrant la porte à la surchaptalisation et à la fabrication de vin.

Au fil des jours, Jean Fournel a tout noté : anecdotes, caractère de chacun et ambiance dans les villages. Il raconte ainsi la manifestation du 19 mai à Perpignan. « Le cortège se déroule, immense, au milieu des acclamations. Le préfet Dautresme a sorti son pavois d'honneur (un drapeau, NDLR), autant pour dissimuler les forces de cavalerie qui veillent sur lui que pour essayer de se faire pardonner son étrange conseil :

- La vigne ne peut pas vous nourrir ? Remplacez-la par des pins et des amandiers.

- Ce n'est pas des pins que l'on demande, c'est du pain qu'il nous faut ! - répondent les pancartes. »

Il retrace la montée en puissance du mouvement : la création le 11 mars 1907 du comité d'Argeliers, qui avait pour siège le café de Marcelin Albert, les premières manifestations, la démission des maires, la grève de l'impôt, l'arrestation des chefs de rang, l'armée qui tire sur la foule et fait cinq morts à Narbonne, le 20 juin 1907, la mutinerie du 17e régiment d'infanterie qui se range du côté des insurgés dès le lendemain.

Personnage central de ce récit très documenté, Marcelin Albert l'irradie de ses talents de tribun. « Albert est le simple qui a guéri les Méridionaux de l'apathie et de l'inertie. Nous avons assisté au renouveau de la terre méridionale, dans ces prodigieux mouvements d'êtres humains. C'était fou, sublime et terrifiant », raconte le journaliste au lendemain de la grande manifestation qui a réuni plus de 700 000 insurgés, le 9 juin 1907, à Montpellier.

Le récit dévoile également les bassesses des parlementaires : « Séance du 7 juin 1907, discussion sur la crise viticole, 25 députés présents, pas de solution. Séance du 22 novembre 1906, augmentation du traitement des députés (15 000 francs), 530 députés présents, augmentation votée immédiatement !!! » Les politiciens manoeuvrent pour censurer l'ouvrage, ce qu'ils obtiennent. Le livre ne sera tiré qu'à trente exemplaires et sombrera vite dans l'oubli. Cent six ans après, « Ceux d'Argeliers » ont à nouveau la parole.

Un café chargé d'histoire

Depuis des années, les habitants d'Argeliers souhaitaient faire revivre le café de Marcelin Albert, sur la place de la Promenade, ombragée de platanes. Créée en mai 2014, une association porte ce projet. Elle a rouvert l'ancien café le 16 juillet pour présenter le récit Avec Ceux d'Argeliers, en présence de descendants des « 87 », ces vignerons qui lancèrent la révolte. L'association compte 700 membres et entend poursuivre la réhabilitation de l'édifice, avec la mairie qui en est propriétaire. L'idée est de faire de ce lieu chargé d'histoire un espace de vie pour des rencontres ou des réunions.

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