On vinifie tous les rouges ainsi, même ceux qui macèrent quatre semaines
Qu'ils soient côtes-du-ventoux ou vins de pays, la plupart des rouges de la Cave de Lumières sont souples et fruités. Il y a encore quelques années, les raisins de grenache, syrah, cinsault, mourvèdre et carignan étaient vinifiés à plus de 25°C. ' A la demande de marchés du nord de l'Europe, relayée par nos négociants partenaires, nous avons décidé d'élaborer des vins encore plus fruités. Pour cela, nous avons choisi de baisser la température de quelques degrés au cours de la première moitié de la fermentation. Les premiers essais se sont avérés positifs. En fermentant autour de 21 à 22°C, on a obtenu beaucoup plus de fruité ', explique Robert Vincent, le directeur de la coopérative.
Cette méthode permet de conserver un maximum du potentiel aromatique des raisins. ' En abaissant la température de quelques degrés, on évite le bouillonnement fermentaire qui entraîne la perte d'arômes fruités ', explique Baptiste Olivier, oenologue conseil à l'Institut coopératif du vin de Beaumes-de-Venise. ' Dès le départ, on a une grosse extraction de fruits rouges frais qui se conservent par la suite ', ajoute Robert Vincent. Il observe ce phénomène sur tous les cépages.
Comme la cave bénéficiait déjà d'une grande capacité de refroidissement pour ses moûts rosés, elle avait de quoi étendre cette pratique à ses rouges. ' Ce changement ne nous a pas demandé d'efforts ', remarque Robert Vincent. La cave a même décidé de fermenter à basse température ses rouges plus structurés, macérant trois à quatre semaines. Elle a renforcé le fruité de ces vins.
Au départ, elle craignait d'extraire moins de matière et de couleur, en contrepartie. ' En fait, on a conservé le volume en bouche et la structure. Il est vrai que l'on travaille avec des raisins mûrs, donc on extrait facilement même à température plus basse. ' Pour cela, la cave pratique des délestages quotidiens au cours desquels elle aère les moûts. Elle s'est également équipée de deux fouloirs pour fouler tous les rouges, et ainsi faciliter l'extraction de la couleur.
Depuis huit ans, un important travail de formation des coopérateurs a permis de ramasser les raisins à pleine maturité phénolique. Deux jours par semaine, le directeur organise des dégustations de baies à la coopérative. Les viticulteurs apportent leurs échantillons, se forment et confrontent leurs sensations et leur expérience entre eux. ' Sans ces efforts, il aurait été impossible d'élaborer des vins aussi fruités, et avec de la matière et du volume. '
Cependant, ces dernières années, la cave a doublé sa production de rosés. Elle a dû revoir son installation de refroidissement. ' Le groupe de 220 000 frigories suffisait à peine. On a acheté un nouveau groupe de 120 000 frigories. Il nous a fallu des surfaces d'échanges plus efficaces. On a acheté des drapeaux pour les cuves de rouges. Avant, pour les refroidir, on faisait passer les jus dans un échangeur externe. Au fil des ans, on apporte des améliorations. Cette année, on va commencer le plus tôt possible le matin, pour rentrer les raisins plus frais. ' Encuver à quelques degrés de moins procurera des économies de frigories. ' En apportant ainsi des petits changements, on procède à une démarche globale cohérente, sans brusquer les esprits ni révolutionner les pratiques ', constate Robert Vincent.
La cave testera d'autres nouveautés. Le directeur a l'intention de refaire des essais d'enzymage à l'encuvage pour les rouges de cuvaison courte, pour augmenter le volume et le gras de ses vins, et pour jouer sur le profil fruité. Il se penchera plus en détail sur le choix des levures. 80 % des vins sont déjà ensemencés. ' Mais on va essayer d'adapter précisément la souche de levure à l'objectif produit ', projette Robert Vincent.