Monsieur Bussereau, le mécontentement gronde. Selon notre enquête, près de 90 % des vignerons s'estiment insuffisamment soutenus par le gouvernement. Bien sûr, il y a ces aides que vous avez promises et qui sont bien maigres. Mais ce n'est pas le plus grave. La filière peut comprendre que l'Etat n'ait ni les moyens, ni le droit de suppléer aux revers des marchés. Encore faudrait-il oser le dire. Encore faudrait-il que l'impact des décisions politiques ne s'épuise pas dans les méandres de l'administration. Pourquoi tant de délai entre l'annonce des mesures et leur arrivée sur le terrain ? Mystère. Mais il y a pire. En ces temps difficiles, la filière manque de soutien politique et moral, plus que matériel. Elle sent les pouvoirs publics hostiles en France. Elle voit qu'à l'étranger, ils sont bien plus enclins à promouvoir notre haute technologie que nos vins. Pourtant, même Airbus trébuche. Et les Etats généraux de l'alcool se préparent. A la veille de leur ouverture, le directeur général de la santé écrit qu'il faut faire baisser la consommation des petits et moyens buveurs, et augmenter le nombre d'abstinents. Cet éminent professeur n'a-t-il donc rien lu sur les bienfaits de la consommation modérée de vin ?
Ne sait-il pas qu'elle explique la longévité des Français ? C'est impossible. L'explication est ailleurs. Dans certains milieux, il est tout simplement devenu inconvenant de boire un verre. Qui plus est avec un vigneron. Cet été, Nicolas Sarkozy l'a laissé entendre. En Touraine, il a accepté de recevoir une délégation de vignerons, à condition qu'aucune photo de la rencontre ne soit prise et qu'aucun journaliste n'y assiste. Qu'y voir, sinon de l'ostracisme ? Tous ces faits alimentent l'amertume d'une profession qui contribue à la grandeur de la France. Ajoutez à cela une récolte gâchée par les fortes précipitations. Il en résulte une masse d'insatisfaction qui s'exprimera certainement dans les urnes.