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Les vignerons français affrontent la crise avec détermination

La vigne - n°180 - octobre 2006 - page 0

En juin et juillet, La Vigne a fait paraître un questionnaire pour recueillir l'opinion de ses lecteurs. Vous êtes 196 à y avoir répondu. Autant le dire : nous attendions un plus grand nombre de réponses. Mais il est vrai que beaucoup d'entre vous ont une telle charge de travail, qu'ils ont tout juste le temps de l'abattre. Nous ne pouvons donc pas affirmer, preuves statistiques à l'appui, que nos résultats reflètent l'opinion des vignerons français. Mais qui pourrait prétendre le contraire ? Qui pourrait soutenir que ces résultats ne donnent pas une vision juste de l'opinion de la viticulture ? Lors du dépouillement des questionnaires, ils nous sont apparus comme la mesure de ce que nous ressentons à votre contact. La plupart des régions traversent une crise terrible. Mais les vignerons font face. Ils ont relevé les manches. Ils continuent de croire en leur métier. Ils critiquent sévèrement l'administration et les organisations professionnelles. Ils veulent que les règles changent. Vous le dites lorsque nous vous rencontrons. Voici vos avis comptabilisés afin qu'ils trouvent un nouvel écho. Aux décideurs d'en tenir compte !

Autour de soi, la crise paraît plus dure que chez soi
77 % des personnes ayant répondu au questionnaire de La Vigne jugent que la situation de leur région va en se dégradant. Mais seulement 58 % disent que leur propre situation s'est dégradée. Ils constatent donc qu'ils s'en sortent un peu mieux que leurs voisins.
Sans surprise, les Champenois déclarent que leur situation, comme celle de leur région, est restée stable ou s'est améliorée. Ce sentiment n'existe dans aucune autre région. Même les Alsaciens affirment que la situation de leur région s'est dégradée. Et les Languedociens sont unanimes à le dire !
La vente directe amortit le choc. Ceux qui la pratiquent sont légèrement majoritaires à affirmer que leur situation est restée stable ou s'est améliorée au cours des derniers mois.
A l'opposé, pratiquement tous les vignerons qui ne font pas de vente directe déplorent une dégradation de leur situation, de même pour les producteurs de vins de table et de pays. Tous ces vingerons ont subi de plein fouet la chute des cours du vrac. Ces résultats sont une nouvelle preuve de l'intérêt de la vente en bouteilles. Ils concordent avec une étude récente, réalisée à Bordeaux, selon laquelle durant la campagne 2004-2005, seules les exploitations vendant majoritairement en bouteilles ont continué à dégager des revenus. Malgré les investissements qu'elle nécessite, la vente directe permet aux vignerons de défendre leurs prix. Nous avions également demandé à nos lecteurs comment ils voyaient l'avenir de leur exploitation d'ici à cinq ans. Preuve qu'ils se sentent prêts à surmonter les difficultés : ils sont nettement majoritaires (76 %) à prévoir de maintenir leurs surfaces ou de s'agrandir.

L'heure de relever les manches
Nos lecteurs réagissent à la crise d'abord en travaillant davantage, puis en consacrant plus de temps à la vente, en réduisant leur train de vie, mais aussi en continuant à investir. C'est bien la preuve qu'ils ne baissent pas les bras. Beaucoup ajoutent qu'ils s'efforcent d'améliorer la qualité de leurs vins. En ces temps difficiles, leur famille est leur premier soutien. Les collègues viticulteurs et la banque sont les seconds, à égalité. Ce sont surtout les moins de 35 ans qui trouvent du renfort chez leurs confrères. Et quel que soit l'âge, beaucoup disent pouvoir compter sur leur comptable. Nous avons aussi demandé à nos lecteurs quelles sont les causes de la crise. Ils répondent qu'elle résulte de la baisse de la consommation, de l'aggravation de la concurrence mondiale, de l'hostilité des pouvoirs publics et de la rigidité de la réglementation. Ensuite seulement, ils citent les erreurs de la filière : le manque d'investissement dans le marketing, l'imprévoyance des responsables professionnels.

L'image de la profession est ternie
La majorité juge que l'image de la profession s'est dégradée auprès du grand public. Ce sentiment est très fort dans le Beaujolais. Dans cette région, pratiquement tous les vignerons qui ont répondu à notre questionnaire le partagent. Il est très répandu chez ceux qui ne pratiquent pas la vente directe. Mais deux régions font exception : la Bourgogne et la Champagne. Là, les vignerons sont majoritaires à dire que l'image de la profession ne s'est pas dégradée.

Le gouvernement critiqué
Voici une nouvelle qui déplaira à Dominique Bussereau : 89 % des répondants jugent que le gouvernement ne les soutient pas assez. Le ministre de l'Agriculture répète pourtant, à qui veut l'entendre, le montant des sommes qu'il a débloquées depuis deux ans pour venir en aide à la filière. Mais rien n'y fait car, au bout du compte, les exploitants ne touchent que de maigres aides. Pour les obtenir, ils ont monté d'épais dossiers, aux critères rigides et souvent inadaptés aux demandes du terrain. Bien plus que de petits chèques, les vignerons attendent un soutien politique du gouvernement. De ce côté-là, rien ne change vraiment. Les pouvoirs publics tirent sur le vin dès qu'il s'agit de lutter contre l'alcoolisme. Les charges sociales continuent d'être trop lourdes pour 96 %. Par ailleurs, les offices et les syndicats ne sont pas mieux notés que le gouvernement : 76 % estiment que l'Inao n'est pas efficace, 72 % que Viniflhor ne l'est pas davantage, et 66 % jugent pareillement les syndicats. Les Champenois se distinguent : ils sont les seuls à dire que les syndicats sont efficaces, à coup sûr une bonne note pour le SGVC !

Le négoce s'en sort bien
C'est une surprise : une majorité de personnes ayant répondu juge que le négoce reste un partenaire valable. Nous nous attendions à une note bien plus sévère, compte tenu des nombreux contentieux nés des engagements non tenus. Mais si l'on exclut la Champagne, les choses changent. Les vignerons qui ont répondu à notre questionnaire sont plutôt majoritaires à dire que le négoce n'est plus un partenaire valable. Ce sentiment est très fort à Bordeaux. Là, les relations entre les négociants et les producteurs sont tendues. Les négociants jettent aux producteurs que leurs vins sont de qualité insuffisante. Ces derniers leur rétorquent qu'ils ne font pas assez d'efforts pour les vendre.

Libéraliser les pratiques oenologiques
Les vignerons estiment que la France doit autoriser les mêmes pratiques oenologiques que les pays du Nouveau Monde. Même ceux qui font surtout de l'AOC partagent cet avis. Malgré cela, comme l'ensemble des répondants, ils sont près de 60 % à déclarer qu'ils n'ont pas l'intention d'utiliser les copeaux lorsqu'ils seront autorisés. Les Bordelais font exception : la majorité veut utiliser les copeaux. Ils y sont bien plus favorables que les vignerons languedociens.

Il faut assainir le marché
Rares sont les vignerons qui contestent l'intérêt de la distillation. Nous avions aussi demandé s'il fallait encourager l'arrachage. Seulement 53 % ont dit oui à cette mesure, plus lourde de conséquences que la distillation. Même dans le Midi ou à Bordeaux, elle ne remporte pas un soutien massif. Les coopérateurs sont significativement plus opposés que l'ensemble des répondants à l'arrachage.

Oui au cépage pour les vins de table
Beaucoup de vignerons pâtissent de l'interdiction d'indiquer les cépages sur les vins de table. Cela les empêche de valoriser des vins hors des clous de l'appellation d'origine contrôlée. Pas étonnant donc que les deux tiers des répondants soient pour cette mesure. Même les vignerons qui font essentiellement de l'AOC sont majoritairement d'accord. Mais il y a de fortes oppositions. Tous les Savoyards qui ont répondu à notre enquête ont dit non.

Non aux rendements différenciés
C'est non aux rendements différenciés et de manière très nette pour l'ensemble des vignerons répondant à notre enquête. Les Languedociens y sont encore plus opposés que l'ensemble des répondants. 85 % d'entre eux refusent d'accorder plus de rendement à ceux qui ont des marchés. Seuls les Champenois sont plutôt pour. Mais cette région est en passe de demander une augmentation de son rendement de base pour être en mesure de répondre à la demande.

Les MCR, sans enthousiasme
C'est oui du bout des lèvres pour encourager l'utilisation des moûts concentrés rectifiés. Et pour les Bourguignons qui ont répondu, c'est franchement non. Ce sujet continue de diviser les régions françaises. Celles qui pratiquent la chaptalisation ne semblent pas prêtes à y renoncer. La Commission européenne qui veut interdire la chaptalisation dans la future OCM (Organisation commune de marché), devra faire preuve de conviction pour arriver à ses fins.

L'irrigation là ou il en faut vraiment
La majorité des répondants à notre enquête s'oppose à l'irrigation. Mais les réponses diffèrent nettement selon les régions. Les producteurs bordelais et alsaciens y sont hostiles. Les Languedociens, les Provençaux et vignerons de la vallée du Rhône y sont très nettement favorables. En fait, dans les régions où l'irrigation est une nécessité pour lutter contre le stress hydrique, les vignerons sont pour.

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