Prudent, Yves Passot a abandonné, il y a quatre ans, la vinification et la commercialisation de ses vins pour aller en coopérative. Il s'y retrouve sur le plan financier et dispose de plus de temps pour s'occuper de sa famille.
Yves Passot, vigneron basé à Villié-Morgon (Rhône), se targue d'avoir toujours fait le bon choix au bon moment. En 1990, il s'installe sur l'exploitation familiale de 5 ha, créée par son grand-père. Mais il ne reprend que les vignes de ses parents, soit 1,10 ha en Beaujolais et 2,30 ha en Morgon. Il laisse 1,60 ha de Beaujolais, appartenant à l'un de ses oncles et que sa mère avait en métayage. « J'ai préféré me concentrer sur les crus. Mon oncle a revendu ses vignes en 2003, lorsque la crise a commencé et qu'elles se vendaient à des prix corrects. »
En 1992, par un heureux concours de circonstances, Yves Passot achète 1,30 ha en Morgon. La même année, un autre oncle lui donne 0,75 ha de Morgon en métayage. Grâce à ces acquisitions, les trois quarts du domaine sont désormais en crus. Une aubaine quand on sait que ce sont les vins qui se vendent le mieux aujourd'hui.
Pendant plus de dix ans, Yves Passot travaille avec ses parents. Mais son père prend sa retraite en 2000 et sa mère en 2003. Il se retrouve alors seul sur l'exploitation, sa femme travaillant à l'extérieur.
Dans un premier temps, Yves Passot ne modifie pas ses pratiques. Les vignes sont plantées à 10 000 pieds/ha et conduites en gobelet. Il les désherbe chimiquement en sortie d'hiver avec une association de prélevée-postlevée, puis il repasse en été avec un glyphosate. Il raisonne les traitements phytosanitaires avec son distributeur.
Il vinifie et commercialise lui-même les vins. « Je vendais le morgon mis en bouteilles à la propriété et le beaujolais au négoce, et environ 2 500 cols au caveau. » Mais Yves Passot sent le vent tourner. Vendre devient de plus en plus difficile, d'autant qu'il n'a pas la fibre commerciale.
« Au caveau, la clientèle était vieillissante, je devais la renouveler. Pour cela, j'aurais dû me démener, partir sur les routes... Seul, cela me faisait peur. » Parallèlement, le négoce devenait de plus en plus exigeant. « Il demandait le top de la cuverie, le top des vinifications avec la thermovinification et la macération préfermentaire à chaud. » Or, le chai n'était plus aux normes avec un pressoir de 22 ans, deux conquêts et quatorze cuves en ciment de 30 à 55 hl. « Il fallait refaire l'électricité, l'évacuation des eaux, prévoir le traitement des effluents vinicoles. Je ne pouvais pas me le permettre. »
Et les relations avec le négoce se sont tendues. « Avec les restructurations, j'ai eu peur qu'il me laisse tomber. Avec mes parents, nous avions déjà eu une très mauvaise expérience lors de mon installation. Un négociant, qui nous avait pris nos vins, a mis la clé sous la porte et nous a laissé une ardoise d'un montant de 10 670 euros. Je ne voulais pas renouveler l'expérience. »
Mais ce qui fait pencher la balance, ce sont les filles d'Yves Passot, aujourd'hui âgées de 10 et 13 ans. « Je ne pense pas qu'elles reprendront l'exploitation. Si j'avais eu un fils, les choses auraient été différentes. » Au cours de l'année 2002, sa décision est prise : il veut devenir coopérateur.
La même année, la Cave de Fleurie (Rhône) accepte de prendre les 75 ares qu'il a en métayage chez son oncle, qui s'est acquitté des parts sociales et du droit d'entrée.
Pour le reste de ses vignes, Yves Passot intègre la Cave de Bel Air en 2003. « Pour y entrer, j'ai payé 2 272 euros/ha de parts sociales et 800 euros de droit d'entrée. La première année, ce fut difficile car j'ai dû créer un fonds de roulement. En coopérative, comme les paiements sont plus étalés, l'argent rentre moins vite qu'avec le négoce. Il faut le prévoir avant d'avoir 'le bec dans l'eau'. »
Du côté des pratiques culturales, « je n'ai pas modifié la conduite des vignes. Je dois suivre un cahier des charges, mais ce n'est pas une contrainte. C'est l'aboutissement de mon travail ». Yves Passot effectue de l'épamprage chimique, mais peu d'ébourgeonnage et de vendanges en vert. Toutefois, en 2005, il enherbe ses parcelles en AOC Beaujolais pour diminuer la vigueur et améliorer la qualité. Il teste le Sierra, un produit d'éclaircissage chimique. En fait, il a surtout changé sa façon de vendanger. « Avant, je ramassais tout à la benne. Aujourd'hui, j'utilise deux gros bacs à vendanges et des hottes, pour faire moins de voyages et éviter la trituration. » Son seul regret : « Je suis moins libre pour déterminer la date des vendanges et je n'ai plus le plaisir de faire mon vin. »
Le gros changement se situe au niveau de la qualité de sa vie. « Cela n'a plus rien à voir. J'ai moins de soucis administratifs, car les déclarations de récolte sont prises en charge par la cave. Je n'ai plus le stress de la commercialisation. J'ai davantage de temps pour m'occuper de ma famille. Et surtout, financièrement, je m'y retrouve. J'arrive tant bien que mal à payer mes factures. L'appellation Morgon est porteuse. C'est ce qui fait ma force. »
Du coup, Yves Passot envisage de prendre 1 ha de cru en fermage ou en métayage. Il aimerait également arracher les parcelles en Beaujolais, car elles lui font perdre de l'argent, mais ses parents refusent. Mais ce qu'il souhaite par dessus tout, c'est continuer son métier jusqu'à la retraite.