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AU COEUR DU MÉTIER

Dans le Rhône, chez Guillaume Joncy « J'ai diminué les densités pour gagner du temps »

Florence Bal - La vigne - n°225 - novembre 2010 - page 40

Ce viticulteur a mené de front le développement de ses ventes en bouteilles et la restructuration de son vignoble, arrachant des rangs pour réduire la densité de plantation, mécaniser et diminuer les temps des travaux. Ambitieux !
AVANT LES VENDANGES, Guillaume Joncy contrôle la maturité dans une parcelle de 60 ares de gamay qu'il a restructurée en 2007. Il a arraché un rang sur deux, installé un palissage et transformé les gobelets en cordon de Royat. Il a enherbé l'interrang et désherbe sous le rang. « Il y a moins d'érosion et je ne réalise plus qu'un rognage au lieu de quatre », affirme-t-il. PHOTOS F. BAL

AVANT LES VENDANGES, Guillaume Joncy contrôle la maturité dans une parcelle de 60 ares de gamay qu'il a restructurée en 2007. Il a arraché un rang sur deux, installé un palissage et transformé les gobelets en cordon de Royat. Il a enherbé l'interrang et désherbe sous le rang. « Il y a moins d'érosion et je ne réalise plus qu'un rognage au lieu de quatre », affirme-t-il. PHOTOS F. BAL

EN 2005, Guillaume Joncy a aménagé ce caveau de 60 m2 pour accueillir les clients. Les ventes au domaine ne représentent toutefois que 10 % des ventes aux particuliers, l'essentiel s'effectuant sur les petits marchés, les salons et les foires auxquels il participe.

EN 2005, Guillaume Joncy a aménagé ce caveau de 60 m2 pour accueillir les clients. Les ventes au domaine ne représentent toutefois que 10 % des ventes aux particuliers, l'essentiel s'effectuant sur les petits marchés, les salons et les foires auxquels il participe.

Guillaume Joncy possède deux sites de vinification dont celui ci-contre. Il comporte dix-sept cuves en ciments de 60 ou 70 hl. « Le millésime 2010 est exceptionnel », affirme le viticulteur.

Guillaume Joncy possède deux sites de vinification dont celui ci-contre. Il comporte dix-sept cuves en ciments de 60 ou 70 hl. « Le millésime 2010 est exceptionnel », affirme le viticulteur.

A Quincié-en-Beaujolais (Rhône), Guillaume Joncy rêvait de devenir vigneron indépendant et de vendre toute sa production en bouteilles. Il s'installe donc le 11 novembre 2003 sur quatre hectares de Beaujolais-Villages et Beaujolais. Jusqu'à la fin de 2007, il reprend des parcelles et en cède d'autres. Il jongle entre les fermages et les métayages. Au final, il s'agrandit de 5,6 hectares dont 3,4 de crus (Régnié, Morgon, Chiroubles et Côte-de-Brouilly).

En mars 2008, il fonde une EARL avec son père qui quitte la cave coopérative où il livrait. La société exploite alors vingt-six hectares de vigne. Crise oblige, il en abandonne huit en 2008 et 2009 : les fermages et métayages que les propriétaires refusent de restructurer. En échange, il reprend trois hectares de vignes mécanisables en Beaujolais et Beaujolais-Villages.

Aujourd'hui, le domaine exploite vingt hectares : treize en Beaujolais-Villages, quatre en crus et trois en Beaujolais. Il vinifie tout, sauf les parcelles louées en métayage dont il livre les raisins à la coopérative, ainsi qu'à un vendangeoir.

En 2005, Guillaume Joncy décide de diminuer les densités de plantation pour baisser les coûts de production et dégager du temps pour la vente. Il touche, à ce titre, une aide à la restructuration de 1 200 €/ha.

Quatre densités différentes

Résultat de cette politique, son vignoble présente aujourd'hui quatre densités différentes. Sur 11,5 ha en gobelets, la densité est de 8 000 pieds/ha. Ce sont les parcelles où il a arraché un rang sur six qu'il enherbe. Par ailleurs, il cultive 4,8 ha à 5 000 pieds/ha. Ce sont d'anciens gobelets transformés en cordons de Royat après l'arrachage d'un rang sur deux. Enfin, il réalise ses nouvelles plantations de chardonnay à 7 000 pieds/ha et de gamay à 6 000 pieds/ha.

Dans ses nouvelles parcelles et dans ses gobelets transformés en cordons, il enherbe le rang et désherbe sous le cep. « C'est une économie de produits. Il y a moins de pollution et d'érosion. Et je n'effectue plus qu'un rognage au lieu de quatre », indique-t-il. Le viticulteur gagne aussi beaucoup de temps à la taille, puisque 30 h/ha suffisent dans les nouvelles plantations et dans les vignes transformées en cordon, contre 72 h/ha dans les gobelets à haute densité.

Mais surtout, Guillaume Joncy a considérablement réduit le temps consacré à vendanger. Il est passé de 210 à 100 h/ha pour les vendanges manuelles. Et lorsqu'elles sont mécaniques, c'est le jackpot : 3 h/ha suffisent au tarif horaire de 240 et 270 euros, selon que la machine est ou non équipée d'un égrappoir embarqué. Il vendange à la machine les parcelles de Bourgogne-Grand Ordinaire. Il espère ardemment que « les instances l'autorisent bientôt sur l'ensemble des Beaujolais ».

La restructuration, c'est un sacré chantier. Arracher un rang sur deux, rassembler les ceps et les brûler demande une bonne journée par hectare. Avant de convertir des gobelets en cordons, 50 h/ha sont nécessaires pour installer un palissage. La taille de transformation des gobelets en cordon de Royat demande jusqu'à 100 h/ha. Mais « le jeu en vaut la chandelle », souligne Guillaume Joncy. Autre cheval de bataille : l'investissement au chai. Guillaume Joncy a acheté un tapis pour encuver les grappes entières destinées à être vinifiées en Beaujolais et un égrappoir pour les Bourgognes et les crus.

Afin d'extraire la couleur et le fruit, il a opté pour la macération préfermentaire à chaud. Avec un autre vigneron, il s'est équipé d'une chaudière et d'une tour de refroidissement (coût 26 000 euros). Cette tour lui sert aussi à refroidir les vins à 15°C, immédiatement après le pressurage, afin de mieux préserver le fruité et les arômes.

Un beaujolais-villages oublié sur lies qui plaît beaucoup

Du côté commercial, Guillaume Joncy a créé une offre de dix-sept vins, contre deux en 2003. Il est monté en gamme avec quatre crus. Il a changé toutes ses étiquettes. Depuis deux ans, il propose aussi des blancs, des rosés, des effervescents méthode traditionnelle et même un beaujolais-villages élevé sur lies… qu'il avait en fait oublié en cuve. Mais chut ! ce vin plaît beaucoup.

« Les volumes que j'ai perdus en rouge, je les vends facilement en blanc et rosé », précise-t-il. Mais les temps sont durs. Pour vendre, « j'ai pris le fourgon, je participe à des petits salons, des foires et des marchés. Je fais du porte-à-porte auprès des restaurants et des cavistes. Souvent, je fais chou blanc, mais il ne faut pas baisser les bras. Il faut se bouger », confie-t-il. Maintenant qu'il a restructuré en partie son vignoble, ce sera plus facile.

Et si c'était à refaire ? « Je ne ferais plus de vin de pays des Gaules »

« Globalement, je ne changerais rien. Mais si l'on veut entrer dans les détails, en voici : en 2007, à la demande d'un grossiste, j'ai déclassé et vendu une partie de mes Beaujolais-Villages en vin de pays des Gaules à un prix convenable. En 2008, j'ai continué le VDP des Gaules. Mais ce client a voulu m'imposer un prix inacceptable. J'ai refusé, préférant vendre ce vin moi-même. J'aurais mieux fait de produire un vin sans indication géographique. Car le cahier des charges du VDP des Gaules est contraignant et je ne parviens pas aux rendements autorisés : je récolte 80 hl/ha au lieu de 120. Ce n'est pas rentable, même vendangé à la machine. Je n'en ferai plus. Par ailleurs, en 2007, j'ai acquis un Goldoni de 85 ch qui n'a pas cessé de tomber en panne. Je l'ai remplacé par un Lamborghini 90 ch, un tracteur vigneron fiable et maniable dont le concessionnaire est très compétent. Si c'était à refaire, je l'achèterais tout de suite. »

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L'EXPLOITATION

Main-d'œuvre : lui, ses parents et des saisonniers.

Surface : 20 hectares.

Appellations : Beaujolais, Beaujolais-Villages, Bourgogne, Bourgogne-Grand Ordinaire, VDP des Gaules, ainsi que quatre crus : Régnié, Morgon, Chiroubles et Côte-de-Brouilly.

Cépages : gamay et chardonnay.

Taille : guyot, cordon de Royat et gobelet.

Densité : de 5 000 à 8 000 pieds/ha.

Production : 800 hectolitres.

Les ventes

Dix-sept vins à des prix départ propriété allant de 3,50 €/l (bib) à 7 €/col (morgon).

50 % aux particuliers, 40 % à la grande distribution, 10 % à des cavistes et grossistes.

Sur 7 hectares, la part des métayers est livrée en coop.

Les résultats

CA 2008-2009 : 280 000 euros.

L'essentiel de l'offre

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