Objectif Dénicher des vins qui plaisent aux Américains, sans les flatter
En 1974, le rockeur et jeune vendeur de vins californiens, Kermit Lynch, a une révélation en visitant une cave en Bourgogne. « J'ai décidé de faire connaître des vins français extraordinaires et bon marché, mais négligés par les Américains », raconte-t-il. Trois décennies plus tard, il importe 160 000 caisses par an, provenant d'une centaine de producteurs français. Il vend au détail dans sa boutique de Berkeley, près de San Francisco, et en gros dans tous les Etats-Unis, ses plus gros clients étant à New York et en Floride.
« J'adore la diversité des vins français, les appellations. Ils m'intéressent bien plus que les vins des pays chauds qui dominent le marché actuellement », explique l'importateur, réputé pour avoir fait découvrir outre-Atlantique des domaines de Bourgogne, des Côtes du Rhône et du Languedoc. Ses efforts de promotion de la culture oenologique française lui ont valu d'être nommé chevalier de l'Ordre du mérite agricole et en août 2005, chevalier de la Légion d'honneur.
Le nom Kermit Lynch sur une bouteille est un gage de qualité aux Etats-Unis. Doté d'un bureau à Beaune (Côte-d'Or), copropriétaire du domaine Les Pallières, à Gigondas (Gironde), il passe plusieurs mois de l'année en France pour explorer.
Ce partisan des vins naturels les sélectionne avant tout en fonction de son goût personnel. « Je n'essaye pas de dénicher des vins conçus pour le palais américain , mais je garde à l'esprit que les Américains aiment un vin très structuré, très aromatique. »
Il conseille à ses producteurs « de ne rien ajouter et de ne rien enlever ». A éviter selon lui : l'excès de sulfitage et la gomme arabique. Il n'est pas non plus adepte de la filtration, ni de la stabilisation par le froid. Il est persuadé que les Français n'ont pas besoin de sacrifier leurs traditions pour mieux vendre aux Etats-Unis : « Les vins naturels sont plus intéressants que les vins stabilisés, qui n'ont plus de goût. C'est plus facile de vendre du vin naturel aux Etats-Unis que du vin d'oenologue », explique-t-il.
En revanche, il regrette que les vins français ne soient pas plus appétissants au regard. Il serait temps, selon lui, d'améliorer les étiquettes. « J'étais récemment dans une boutique à Barcelone (Espagne), où des étiquettes étaient tellement magnifiques et colorées qu'elles vous donnaient une envie irrésistible d'emmener la bouteille .» Par comparaison, les étiquettes françaises sont trop chargées alors que le public, hors de France, ne cherche à lire qu'un mot, le cépage : merlot, chardonnay ou cabernet... Le public américain reste intimidé, si ce n'est apeuré, par la diversité des vins français et leurs noms imprononçables. « Mes producteurs en France peinent à comprendre que la plupart de mes clients aux Etats-Unis ne savent pas ce que veut dire Côtes du Rhône ou vin de pays », précise Kermit Lynch.
Bilan Après des années de recul, les ventes rebondissent
Après plusieurs années difficiles dues à la montée en flèche de l'euro par rapport au dollar et, dans une moindre mesure, au boycott des vins français, Kermit Lynch observe leur retour en force. « Depuis le début de l'année, nos ventes ont augmenté d'environ 20 % , dit-il. En ce moment, les vins français sont perçus comme ceux dotés du meilleur rapport qualité-prix, comparés aux vins californiens, mais également espagnols et italiens devenus très chers. »
L'importateur envisage de multiplier les événements avec ses producteurs français. Chaque année, environ une douzaine d'entre eux font le déplacement aux Etats-Unis. Au printemps, Kermit Lynch a organisé une dégustation et un dîner au Harvard Club, à New York, avec dix-sept producteurs français. « Ce fut un très gros succès. Les clients aiment bien rencontrer les producteurs derrière la bouteille et les ventes s'en ressentent. »