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François Maillol : l'infatigable bâtisseur de murettes

La vigne - n°181 - novembre 2006 - page 0

A 85 ans, François Maillol entretient le réseau de murs et de canaux en pierres sèches du domaine familial. Un travail qu'il réalise avec plaisir et dans les règles de l'art.

François Maillol montre fièrement le premier mur qu'il a construit à 11 ans, en 1932 : « Il tient encore. » Retraité depuis 1981, cet ancien viticulteur de Banyuls-sur-Mer (Pyrénées-Orientales) a transmis son domaine de 6 ha à son gendre, puis à ses deux petits-fils. Avec son 4 × 4, il continue « d'aller à la vigne ». Il entretient, dans les règles de l'art, le réseau de murettes et de canaux en pierres sèches qui façonnent les coteaux du cru.
Ici, le terroir est rude, sec, écrasé de soleil. Entre les Pyrénées et la Méditerranée, de 0 à 450 m d'altitude, l'autan et la tramontane balaient les moindres recoins. Des pluies torrentielles arrachent au schiste, un sol peu fertile et instable. L'érosion est forte. Les murettes en pierres sèches et le système de canaux hydrologiques « en pied de coq », hérité des templiers, sont indispensables au vignoble.

« C'est un travail que je fais avec goût, avec plaisir », déclare François Maillol. Avec les années, ses cheveux ont blanchi, son corps s'est courbé, son visage buriné s'est creusé de rides, mais il n'a rien perdu de son assurance gestuelle. Il exprime l'expérience de ses 85 ans avec ses mains. Les murettes, les empadrats (chemins pavés de pierres de schistes, encastrées de force), les agouilles (canaux d'évacuation des eaux) n'ont pas de secrets pour lui.
L'art de caler les pierres, il connaît. Il montre « l'astuce de base » : emboîter les bons cailloux au bon endroit pour éviter « le coup de sabre, la fissure structurelle qui serait une faiblesse future dans la construction ». Lui, ça l'amuse. « C'est facile, mais il faut savoir le faire. » La préparation d'un chantier est capitale. Pas question de se lancer à l'aveuglette. Il plante d'abord des piquets et tire des fils « pour savoir où doit passer le mur ». Il élève les murs non pas d'aplomb, mais avec un dévers de 25 cm environ par mètre de hauteur.
« Lorsque le mur est penché, il ne bouge pas . S'il est construit droit, avec le poids de l'eau, il finit toujours par s'éventrer. »

François Maillol trie les pierres selon leurs qualités. Il réserve les plus belles, avec une face bien plate, soit pour la couverte qui couvre le mur, soit pour le parement, c'est-à-dire sa face visible. Il utilise les cailloux sans face, les plus bombés, et les moins esthétiques pour la construction elle-même. Les fondations sont assurées par des coussols, de grosses roches enfoncées dans la terre. Le remblai derrière le mur est essentiel. Il est constitué de cailloux pulvérisés qui servent de drains. « C'est le ciment des vignerons », affirme François Maillol. Au bout de quelques années, il scelle le mur de pierres sèches tout en permettant l'évacuation des eaux.
Lorsque le mur est arrondi, l'affaire se corse : « C'est un coup à prendre. Cela ne vient pas du jour au lendemain . » C'est du grand art. « A votre mort, vous laisserez une oeuvre inestimable », lui a déclaré un admirateur. Car, à Banyuls, au fil des ans, le réseau des murettes vieillit, s'use. « Il n'est plus entretenu », regrette François Maillol. Résultat : les pluies font de gros dégâts.
A partir de fin novembre, outre le travail des murettes, François Maillol taille encore 2 ou 3 ha de vigne, tranquillement, à son rythme. « Je suis presque né auprès d'un cep (NDLR : à l'époque, les femmes emmenaient les enfants en bas âge à la vigne). Ce que j'aimerai, c'est mourir auprès d'un cep », confie-t-il.

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