« On ne fait pas beaucoup d'économies, mais on préserve l'environnement »
Quelques mois après la fameuse canicule de 2003, Maurice Forest a installé sa première cuve de récupération d'eau de pluie. Avec l'aide d'un ouvrier, il a posé les tuyaux et la cuve au pied du bâtiment principal de l'exploitation en une demi-journée à peine. Une belle bâtisse construite début 2000, qui fait office de chai, de bureau et de caveau de vente. « Depuis, on installe une nouvelle cuve tous les ans », détaille le viticulteur installé sur les coteaux de Soulaines-sur Aubance (Maine-et-Loire). Aujourd'hui, tous les toits de l'exploitation sont équipés.
Ainsi, trois cuves de 10 à 30 hl récupèrent la pluie tombée sur trois bâtiments : un hangar de 80 m 2 sous lequel sont garés les tracteurs, le bâtiment d'exploitation de 90 m 2, et un préau pour les véhicules de l'entreprise avec une surface en ardoise de 40 m 2, soit 220 m2. Sans compter que l'appentis, où est stocké le bois de chauffage pour la maison familiale, est lui aussi relié à une cuve. « Celle-ci me sert surtout pour arroser mon jardin », confie Maurice Forest.
« Régulièrement, je les vide dans une cuve époxy de 30 hl, installée dans le chai. Lorsqu'elle est pleine, je transvase dans une cuve enterrée de 50 hl. Sans compter les trois cuves de récupération, je peux donc stocker au moins 80 hl. » Pour transférer l'eau, il utilise une pompe et des tuyaux. « Il y a un peu de manipulation, mais on remplit le pulvérisateur bien plus vite qu'avec le réseau. » Il transfère l'eau sans la filtrer. « Le filtre du pulvérisateur est suffisant. »
Sur les onze premiers mois de 2006, il a réussi à récupérer 100 hl environ, qu'il a utilisés pour réaliser ses traitements sur les 15 ha d'appellation exploités en agriculture biologique. « Selon les parcelles, on est passé cinq ou six fois. Il nous faut 1 hl/ha, donc 15 hl par passage en moyenne. On a largement couvert nos besoins. On a même pu arroser 0,5 ha de plantations. »
En conversion en agriculture biologique dès 1998 et labellisé en 2001, le vigneron angevin considère sa démarche en phase avec sa pensée. « Récupérer l'eau de pluie correspond à une philosophie de vie et de travail en bio. On est dans une logique de préservation de l'environnement. On risque de manquer d'eau, on n'a donc pas le droit de la gaspiller. D'ailleurs, je vais continuer pour que toutes mes toitures soient équipées. Je souhaite arroser tout l'aménagement paysager de l'exploitation. » Pour l'heure, il n'a pas prévu de s'en servir à la place de l'eau du réseau pour nettoyer les engins ou le sol.
Tout semble fonctionner parfaitement. Mais en juin et juillet 2006, les pluies se sont raréfiées. Maurice Forest était à court fin juillet. Le mois d'août, particulièrement pluvieux en Anjou, a remis les cuves à niveau.
Mis à part cela, la conservation de l'eau lui cause un autre souci. « Au bout de quelques mois, elle commence à croupir, car elle est chargée en matière organique. » Il faut donc s'assurer que les toitures et les gouttières sont bien propres en évitant les mousses, les feuilles, les excréments d'oiseaux... « Mais même sur une toiture apparemment lisse et propre, l'eau n'est pas si claire », dit Maurice Forest, qui gère le problème en utilisant l'eau la plus récente pour le pulvérisateur. « Celle qui est un peu croupie sert à l'arrosage. »
Des sociétés spécialisées proposent des systèmes de purification de l'eau. Mais ils ont un coût. Maurice Forest qui a tout installé seul veut limiter les investissements. Il a d'ailleurs récupéré la cuve de 30 hl chez un industriel de cosmétiques, dans la banlieue d'Angers. « Elle était bien désinfectée . » Il a acheté sa dernière cuve (30 hl) d'occasion chez un caviste.
Les 10 000 l récupérés par an ne représentent que 2 % du volume d'eau total utilisé sur l'exploitation. « On ne fait pas de très grosses économies, mais on mise sur du long terme. » Et lorsqu'une entreprise fait l'installation, les gains sont nuls. « Dans ce cas-là, c'est quand même un geste citoyen » , souligne le vigneron.