Retour

imprimer l'article Imprimer

DOSSIER - LE VIN BIEN DANS SON ÉPOQUE

ECOLO Un chai qui vit avec l'air du temps

Christophe Reibel - La vigne - n°225 - novembre 2010 - page 62

Viticulteur en Alsace, Bruno Schloegel a conçu un chai économe en énergie.
Bruno Schlogel est assis au-dessus de son nouveau chai, sous le futur local de vente qui attend d'être recouvert par de la vigne vierge. © C. REIBEL

Bruno Schlogel est assis au-dessus de son nouveau chai, sous le futur local de vente qui attend d'être recouvert par de la vigne vierge. © C. REIBEL

Investir en prévision d'un avenir où l'énergie sera rare et chère : voilà le principe qui a guidé Bruno Schloegel lors de la construction de son chai. Il vient de le mettre en service pendant ces vendanges. Son bâtiment n'aura pas recours aux énergies fossiles, « dont le prix va augmenter. Je l'ai voulu autonome et économe autant pour moi que pour la collectivité », explique ce vigneron indépendant sur 9,8 hectares conduits en bio à Wolxheim (Bas-Rhin).

Pour atteindre ce but, il fallait se passer de climatisation. Tout a été conçu dans ce sens. Bruno Schloegel a eu la chance de disposer d'un terrain en pente, avec douze mètres de dénivelé entre le haut et le bas. C'est là qu'il a construit son chai sur deux niveaux. En haut : la réception de vendange et le local de vente. En bas, on entre d'abord dans un local à matériel, puis dans le stockage des bouteilles avant de pénétrer dans le chai de vinification et d'élevage.

Cette dernière partie est située au nord du bâtiment, à six mètres sous terre. L'objectif est d'y maintenir toute l'année une température entre 13 et 15°C et une hygrométrie suffisante pour la cuverie, dont une partie est en bois.

Le stockage des bouteilles et le local matériel isolent le chai de l'extérieur. Seul le local à matériel sort de terre. Et encore. Il est couvert d'une terrasse végétalisée qui joue le rôle de tampon thermique avec l'extérieur. Et bientôt de la vigne vierge poussera sur les murs exposés au sud. Ainsi aucune façade ne sera directement exposée aux rayons les plus chauds du soleil.

Puits canadien

Pour compléter cette climatisation naturelle, Bruno Schloegel a fait appel au principe du puits canadien : l'air destiné à aérer le chai passe d'abord sous terre pour se rafraîchir. Il est acheminé de l'extérieur vers l'intérieur du bâtiment par deux cheminées et un réseau de 400 mètres de gaines enterrées au niveau des fondations de la cave.

Pour limiter la consommation d'électricité, les moûts ne sont pompés qu'une seule fois avant le début des fermentations : entre les cuves de débourbage et de vinification. La gravité assure les premiers transferts.

Bruno Schloegel veut utiliser le moins possible l'eau du réseau. Il s'en sert uniquement pour le lavage du pressoir et des cuves. « Cette eau est peu chargée. A l'avenir, j'envisage de la recycler », indique-il. Dans ce but, il s'est laissé la possibilité de la rejeter à l'égout ou de la stocker dans une cuve de 10 000 litres qui servira de tampon avant un lagunage.

Eau chaude solaire

Par ailleurs, il récupère l'eau de pluie provenant des 800 m2 de toiture du nouveau bâtiment dans deux cuves de 15 000 litres chacune. Il s'en sert pour nettoyer les zones de travail, le matériel viticole et dans les toilettes. Il en remplit son pulvérisateur après l'avoir filtrée.

L'eau chaude qui sert au détartrage et qui chauffe le sol du point de vente est d'origine solaire. Pour la production d'électricité, Bruno Schloegel a prévu d'intégrer des panneaux photovoltaïques dans les balustrades qui cernent ses terrasses. Mais, pour l'instant, il a différé leur installation.

Bien qu'il soit des plus économes, ce chai fait appel aux techniques et aux matériaux les plus modernes. Le béton y est majoritairement employé. « J'ai voulu construire pour plusieurs générations. Ce bâtiment intègre les données scientifiques qui annoncent les bouleversements climatiques et énergétiques de demain. Son surcoût est important. Je n'ai pas demandé de subvention. J'ai essayé d'anticiper des coûts à venir, car je dois pouvoir continuer à produire du vin à un prix acceptable pour le consommateur. »

Du durable rien qu'avec avec des matériaux naturels

Matthieu Boesch dans son chai, dont le plafond repose sur un enrochement de blocs calcaires. © C. REIBEL

Matthieu Boesch dans son chai, dont le plafond repose sur un enrochement de blocs calcaires. © C. REIBEL

En Alsace, deux chais ont fait parler d'eux durant ces vendanges : celui de Bruno Schloegel et celui de Matthieu Boesch. Le premier a utilisé des matériaux modernes, mais pas le second. « Je ne me voyais pas mettre mon vin dans une cave en béton ! » lance Matthieu Boesch, installé à Soultzmatt (Haut-Rhin), en biodynamie. Il s'est donc orienté vers l'écoconstruction. Pour la partie enterrée des murs de sa cave, il a choisi des blocs de calcaire. Bois des Vosges toutes proches, paille et terre transformés en torchis ont fourni de quoi bâtir les murs de la partie aérienne du bâtiment. Ces matériaux, le toit végétalisé et des panneaux de liège doivent garantir une température constante toute l'année. La façade sera habillée de bois coupé dans la forêt communale. Beaucoup d'astuce, d'entraide et de détermination ont permis au jeune vigneron de rester dans un budget inférieur à 600 000 euros pour 600 m2.

Cet article fait partie du dossier LE VIN BIEN DANS SON ÉPOQUE

Consultez les autres articles du dossier :

L'INITIATIVE

Un nouveau chai pour vinifier et stocker 500 hl en consommant le moins possible d'énergie.

Une climatisation naturelle.

Des systèmes d'économie d'eau naturelle.

Coût : 1,5 million d'euros.

Subvention : aucune.

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :