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Des locataires contraints de résilier leur bail

La vigne - n°182 - décembre 2006 - page 0

La crise pousse des vignerons à arrêter leur bail avant terme, leurs vignes étant souvent cultivées à perte. Théoriquement, seul un accord amiable peut clôturer prématurément un bail rural. Dans les faits, les propriétaires n'ont souvent pas d'autres choix que d'accepter.

Il faut s'y résoudre, le code rural ne prévoit pas que le preneur puisse résilier son bail avant terme. « Le bail rural est prévu sur une durée de neuf ans pour protéger le preneur, rappelle Chantal Pégaz, avocate spécialisée en droit viticole à Villefranche-sur-Saône (Rhône). On oublie que le fermage est un contrat où chaque partie a des droits et des obligations. Les propriétaires sont confrontés à des démissions brusques sans préavis et sont mis devant le fait accompli. »

Avec la crise qui perdure, de plus en plus de vignerons perdent de l'argent à cultiver les vignes qu'ils louent. Que faire, dans cette situation, pour que chacun perde le moins possible ? « Nous sommes en train d'inventer de nouveaux rapports entre les bailleurs et les preneurs , constate Philippe Quéron, avocat spécialisé en droit rural à Bordeaux. Nous n'avons jamais été dans ce cas de figure . »
Il existe plusieurs pistes à explorer pour que la sortie se déroule au mieux. La première consiste à trouver un nouveau preneur. Le bouche à oreille fonctionne, en général, très bien. « Jusqu'à présent, les propriétaires retrouvaient assez facilement des preneurs », confirme Patrick Vasseur, viticulteur et président de la section des fermiers de Gironde à la FDSEA. Ce n'est malheureusement plus le cas dans le Beaujolais ou en Languedoc-Roussillon. Quand le bailleur se retrouve sans fermier, il a la possibilité de se tourner vers la Safer. Cet organisme peut lui trouver un locataire dans le cadre d'une convention Safer, qui déroge au bail rural. Cette convention est signée pour une durée de cinq ans, mais peut être stoppée par le bailleur ou le preneur avant son terme. Encore faut-il que la Safer trouve des preneurs...
L'arrachage primé, dont les demandes vont se clôturer le 31 décembre, est également un moyen d'interrompre le bail avant terme. La prime d'arrachage est partagée entre l'exploitant et le propriétaire selon les frais engagés par chacun et la clé de répartition négociée au sein du département.

Reste ensuite au propriétaire à trouver un moyen de valoriser ses terres. « Certains propriétaires peuvent convertir leur terres en terrain constructible , indique Isabelle Ribes, chargée de mission à la Fédération des caves coopératives de l'Hérault. D'autres plantent des oliviers, mais cette voie a ses limites, car il faut veiller à ne pas déséquilibrer le marché de l'olive. D'autres encore vont essayer d'obtenir des DPU et feront de l'entretien de jachère, avec deux passages de girobroyeurs par an, pour une aide de 115 euros/an dans l'Hérault ».
Dans la majorité des cas, la résiliation du bail se fait à l'amiable. « Souvent, les bailleurs ont été vignerons, analyse Patrick Vasseur. Ils comprennent bien la situation. » Et d'ajouter : « De toute façon, ils n'ont pas trop le choix, car la vigne perd rapidement de sa valeur si elle n'est pas entretenue. »

Si le propriétaire ne veut pas arrêter le bail, le différend peut aller devant le tribunal paritaire des baux ruraux, soit pour défaut de paiement, soit pour défaut d'entretien si la vigne est abandonnée. Si une amende est prononcée contre le preneur, ce dernier a rarement les moyens de la payer.
Une autre voie consiste à baisser le prix du fermage pour garder son locataire. En Gironde, l'arrêté préfectoral date de 1977, une époque où les rendements autorisés dépassaient 60 hl/ha. Le montant du fermage était fixé à 9 hl/ha, voire parfois à 12 hl/ha, une charge difficilement supportable avec les récoltes actuelles qui sont à 50 ou 55 hl/ha. « Il est désormais fréquent de voir des fermages à 6,5 hl ou 7 hl/ha , constate Philippe Quéron. Nous réfléchissons à faire fluctuer le fermage avec le rendement autorisé, avec des minima et des maxima. »
Si le sort des exploitants qui réduisent leurs surfaces ou qui quittent le métier est alarmant, celui des petits propriétaires l'est également.

« Beaucoup de propriétaires sont d'anciens vignerons qui n'ont que quelques hectares , précise Bernard Tomatis, vigneron à Régnié et président de la section des propriétaires ruraux à la FDSEA du Rhône. Ce fermage est une source de revenu importante pour compléter leur petite retraite agricole. Avec le prix des vignes qui a diminué de 75 % dans l'appellation Beaujolais, ces retraités ont un capital qui a perdu toute sa valeur et, en plus, ils ne perçoivent plus leur fermage. Imaginez le sort des veuves qui ne touchent qu'une partie de la pension de leur mari ! »
Il reste une solution aux propriétaires qui n'ont plus de preneur : faire appel à un prestataire de service qui s'occupe entièrement des vignes. Il restera néanmoins à trouver un débouché pour les raisins ou les vins, et surtout, le propriétaire redeviendra alors exploitant agricole, avec tout ce que les changements que cela comporte sur le plan social et pour la retraite. La MSA du Rhône s'est adaptée à la situation en laissant les propriétaires reprendre leurs vignes pendant deux ans tout en leur maintenant leur retraite. Deux années pour se retourner et espérer des temps meilleurs...
Bernard Tomatis, vigneron et président de la section des propriétaires ruraux à la Fdsea du Rhône : « Le fermage est un revenu complémentaire de retraite important pour de nombreux petits propriétaires. De plus, s'ils font appel à un prestataire de service pour cultiver leurs vignes, ils redeviennent exploitants, avec toutes les conséquences fiscales et sociales que cela entraîne. »

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