Objectif Montrer que l'on est dans une agriculture raisonnée
Dans la famille Mabille, propriétaire de Cantermerle (45 ha en Bordeaux supérieur), à Saint-Gervais (Gironde), on partage le goût de l'agriculture raisonnée. « Nous voulons expliquer nos pratiques culturales et notre conception de la viticulture de demain au consommateur », explique Christian Mabille. Pour y parvenir, rien de tel que de passer par l'oenotourisme.
En 2004, l'exploitation adhère à la charte Vignobles et chais en Bordelais, du Comité départemental du tourisme de la Gironde. Laurent Mabille, le fils, l'a suivie : « J'ai appris à dialoguer, à me sentir à l'aise avec les touristes, à organiser mon discours de présentation de notre propriété et de nos vins. Mais aussi les règles à respecter au niveau des bâtiments, de la propreté. Nous devons afficher les tarifs, offrir une zone à l'ombre sur le parking, avoir une signalétique cohérente. »
Avant de goûter les vins de Cantemerle, le touriste file visiter la station d'épuration. Un investissement de 100 000 euros qui permet d'être autonome dans le traitement des effluents vinicoles. « Nous avons une approche technique que nous valorisons auprès des visiteurs » , confie Laurent Mabille. Petit tour dans l'atelier. Laurent montre les tracteurs et la réserve aux produits phytosanitaires. Tout est étiqueté de façon très visible.
Une fois la partie technique bien comprise, il emmène ses visiteurs dans les vignes, où ils découvrent l'enherbement contrôlé. Avec un peu de chance, ils apercevront des courtilières, signe que les sols sont aérés. Laurent Mabille explique également la réduction des intrants, la traçabilité des travaux viticoles jusqu'à la mise en bouteilles, l'utilisation de la méthode HACCP pour l'hygiène en cave, tout cela pour faire des vins « de qualité » et « fiables ». « Une façon de faire de l'écologie sans être bio, car ce serait prendre trop de risques économiques. »
Bilan Le consommateur est rassuré
Après la visite, le consommateur part rassuré. Reste que le retour sur investissement n'est pas encore là. Cantermerle, qui réalise un chiffre d'affaires de 700 000 euros (20 % à l'export, le reste en GMS, cavistes et vente directe), voit passer depuis deux ans, des touristes sans en tirer des ventes importantes. « Nous passons beaucoup de temps à expliquer notre travail. Nous devons être capable d'initier à la dégustation. Au bout d'une heure et demie, le touriste repart. Souvent, il n'achète que six cols. Là, nous perdons de l'argent. Mais en même temps, nous le fidélise », confie Laurent Mabille.
Heureusement, il y a aussi les bonnes surprises. Comme celle d'un visiteur pressé, un polytechnicien qui a découvert, médusé, un bordeaux supérieur légèrement épicé, charnu, à un prix très abordable. Depuis, il est devenu accro. Pour que l'oenotourisme devienne rentable, Christian Mabille en appelle à « une plus grande professionnalisation des offices et des comités départementaux du tourisme, et pas uniquement des vignerons ».