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«On a appris à vinifier»

La vigne - n°183 - janvier 2007 - page 0

La famille Dèche s'est adaptée en permanence depuis trente ans. Elle s'est initiée à la vente directe d'armagnac et à la production de floc-de-gascogne. Ensuite, elle s'est lancée dans la vinification des vins blancs, puis des rouges.

Ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier : telle pourrait être la devise de Laurence Dèche, qui suit ainsi les traces de ses parents. A 33 ans, elle est gérante majoritaire de l'EARL Château de Millet, à Eauze (Gers), sur 52 ha de vignes au coeur du Bas-Armagnac. Elle a remplacé son père, parti à la retraite en 2002, mais qui donne toujours un coup de main. Elle travaille avec sa mère Lydie, 58 ans, coexploitante de l'EARL et qui gère en nom propre 25 ha supplémentaires de vin de table.
Ses parents n'ont pas eu froid aux yeux, puisqu'ils ont planté 36 ha de vignes nouvelles et renouvelé 9 ha. En 1973, ils produisent de l'armagnac et du vin de table destinés au négoce. Mais les ventes de digestif chutent. Le couple sent le vent tourner.
En 1975, il initie la vente directe d'armagnac. En 1976, il complète son offre avec le floc-de-gascogne, un apéritif. En 1981, il produit ses premiers vins de qualité qu'il vend en vrac. L'année suivante, il bénéficie de la création du vin de pays des Côtes de Gascogne blancs. « On ne connaissait rien ni à l'oenologie, ni à la vinification, mais on a tout appris », commente Lydie Dèche.

Durant quinze ans, Lydie et Francis Dèche, épaulés techniquement par le Syndicat des Côtes de Gascogne, investissent dans du matériel. Ils achètent un groupe de froid, des cuves de débourbage, une centrifugeuse, un filtre à bourbe rotatif sous vide... Ils se perfectionnent, améliorent l'hygiène, contrôlent les températures, maîtrisent le sulfitage interdit pour les vins de distillation. Plus récemment, ils se mettent à l'élevage en cuve sur lies fines.
En 1993, le marché du vrac plonge, après les sommets atteints à la suite du gel de 1991. Lydie et Francis Dèche décident de se lancer dans la vente directe de vin de pays. Ils font un galop d'essai avec 5 000 bouteilles, un assemblage d'ugni blanc et de colombard, qui constitue toujours le coeur de la gamme. Deux ans plus tard, ils louent 1 ha de merlot pour tester la diversification en vin rouge. Puis ils créent un moelleux 100 % gros manseng.
Mais le marché du vrac continue de battre de l'aile. Plusieurs courtiers les lâchent. A l'arrivée de Laurence en 1999, le domaine est au pied du mur. Plus que jamais, la vente en bouteilles apparaît comme la porte de sortie. Ce sera à Laurence de la faire progresser. Pour avoir de quoi constituer une gamme, la famille augmente la surface en vin rouge. Entre 1999 et 2002, elle surgreffe 7 ha d'ugni blanc âgés de 12 ans, donc « en pleine forme », avec du merlot. En 2003, elle réalise ses premières vinifications de chardonnay.
Pour apprendre à vendre, Laurence suit pendant deux ans des formations commerciales très pratiques, au rythme d'une journée par mois. Elle apprend à aborder l'exportation et les marchés professionnels. Ces derniers seront sa cible prioritaire. Les grossistes et les intermédiaires sont capables de décupler les ventes. Elle se met à les démarcher directement et gagne rapidement des clients. Mais, très vite, elle est débordée par l'importance du suivi commercial. Comme elle ne peut pas être partout à la fois, elle reperd des clients. Elle fait alors appel à des agents VRP et multicarte, aujourd'hui au nombre de dix.

Son travail change. Elle fait moins de suivi de clientèle et plus de management de ses forces de vente. Par ailleurs, elle initie les ventes à l'exportation, qui représentent aujourd'hui 65 % des débouchés pour les vins de pays. Elle participe à des mini-salons en Allemagne, Angleterre ou Belgique. Tout n'est pas rose pour autant. Ainsi a-t-elle mis cinq ans pour décrocher ses premiers contrats en Angleterre, pays pourtant acheteur de côtes-de-gascogne. « Tous étaient intéressés, mais aucun ne concluait », souligne-t-elle. Décourageant. Mais la persévérance a fini par payer. De même, son regroupement pour agir sur la scène internationale avec neuf autres vignerons du Sud-Ouest au sein de l'association Froggy's club a été essentiel.

Durant toute cette période, les Dèche n'ont pas oublié la « précieuse clientèle particulière ». Ils ont aménagé un gîte, un caveau et une salle d'exposition. Depuis six ans, ils organisent cinq soirées alambic par an pour cinquante personnes, au tarif de 20 euros. Ils sont à deux salons.
Le domaine commercialise aujourd'hui 350 000 bouteilles de VDP, contre 55 000 en 1999. L'objectif est d'atteindre 500 000 cols d'ici à 2008. Du fait des méventes du vrac, le domaine a dû demandé l'an dernier la distillation de crise pour 500 hl de vin. Par ailleurs, l'armagnac se vend toujours aussi difficilement. Les stocks gonflent et atteignent 1 100 hl. Depuis 2005, Laurence a décidé de ne plus distiller que 500 hl de vin par an, au lieu du double. En 2007, Laurence et Lydie lanceront Blanche d'Armagnac, une eau-de-vie jeune commercialisée trois mois après la distillation, vendue 25 euros la bouteille de 70 cl. Un peu cher pour séduire les jeunes ? A voir.

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