Des écoliers pris de maux de tête, de toux et d'irritations après un traitement dans les vignes jouxtant leur école. L'incident s'est produit en Gironde, en mai 2014. Il a suscité une vive émotion. Dans les semaines qui ont suivi, le CIVB et la Fédération des grands vins de Bordeaux ont rappelé aux viticulteurs de faire preuve de « bon sens », notamment de ne pas traiter près d'une école au moment des récréations. Mais ce bon sens prévaut déjà.
On ne traite pas le week-end. Au domaine de l'Auberdière, à La Chapelle-Basse-Mer (Loire-Atlantique) dans le Pays nantais, Jean-Michel Morille en fait preuve. « On ne traite pas lorsque cela peut gêner les voisins, le week-end par exemple, ou en présence d'enfants. » De son côté, Jérôme Depoizier, responsable des traitements à la Société des travaux viticoles saint-émilionnais, en Gironde, prévient toujours les riverains lorsqu'il doit intervenir.
« Je fais très attention au vent et mets tout en oeuvre pour limiter la dérive, ajoute Bernard Blondeau, viticulteur à Saint-Avertin (Indre-et-Loire), en banlieue de Tours. J'ai aménagé mes tournières le long des maisons et je me suis équipé d'un pulvérisateur à jets dirigés. »
À Vouvray, autre commune en première couronne de Tours, le syndicat des vins est lui aussi très vigilant. « Nous diffusons aux viticulteurs des informations sur les bonnes pratiques de traitement et sur le civisme. En général, les choses se passent bien mais aujourd'hui nous constatons que des riverains deviennent plus intolérants », regrette Jean-Michel Pieaux, président des vignerons.
Dans le Tarn, Cédric Carcenac, président de l'AOC Gaillac, fait le même constat. « De nouveaux résidents se plaignent du bruit des pulvérisateurs et des traitements de nuit. »
Une charte de bon voisinage. En 2006, ce vigneron, alors engagé dans les Jeunes Agriculteurs, a mis en place, avec l'association des maires, le préfet et la chambre d'agriculture, une charte de bon voisinage. « Elle rappelle le rôle économique de l'agriculture. Elle précise que celle-ci peut générer des nuisances, mais que les agriculteurs respectent les réglementations environnementales. » Ce document diffusé par les maires invite au dialogue. « Les riverains se posent des questions sur les traitements. À nous de leur expliquer pourquoi ils sont nécessaires », note le viticulteur.
Même chose en Gironde. Depuis 2011, la chambre d'agriculture a mis en place, avec le préfet, le conseil général et l'association des maires, une « Charte agriculture, forêt et urbanisme ». Cette année, après l'intoxication des écoliers de Villeneuve, elle l'a complétée. « Nous avons ajouté une fiche Mieux connaître l'agriculture sur l'utilisation des intrants, les mesures environnementales obligatoires, les bonnes pratiques », rapporte Sabrina Dubournais, du service Territoires de la chambre. Celle-ci a aussi travaillé avec le CIVB et la Fédération des grands vins de Bordeaux sur le schéma de cohérence territoriale (Scot) de l'agglomération de Bordeaux, qui englobe Pessac-Léognan et Margaux. Désormais, le Scot demande, lorsque des parcelles vont être urbanisées, de créer une zone tampon arborée d'au moins 10 m entre les espaces bâtis et les zones cultivées.
Mesures de protection. Ces initiatives vont peut-être empêcher les pouvoirs publics de légiférer à la hâte. Après l'incident du mois de mai dernier, la ministre de l'Écologie, Ségolène Royal, s'était prononcée pour l'interdiction des traitements phyto « à moins de 200 mètres des écoles ». Plus réaliste, la loi d'avenir pour l'agriculture, votée en septembre 2014, n'impose que « des mesures de protection » aux abords des lieux accueillant des enfants, des personnes âgées ou handicapées. Reste à les préciser.
Des mesures de protection près des écoles
La loi d'avenir pour l'agriculture, adoptée par le Parlement le 11 septembre 2014, n'interdit pas de traiter au voisinage des écoles. Mais elle impose que l'utilisation de produits phyto soit « subordonnée à la mise en place de mesures de protection adaptées telles que des haies, des équipements pour le traitement ou des dates et horaires de traitement permettant d'éviter la présence de personnes vulnérables lors du traitement ». Cette disposition concerne les parcelles situées à proximité d'établissements scolaires, centres de loisirs, crèches, aires de jeux, hôpitaux, maisons de retraite et établissements accueillant des personnes handicapées. Si ces mesures de protection ne peuvent pas être mises en place, le préfet détermine « une distance minimale adaptée en deçà de laquelle il est interdit d'utiliser ces produits à proximité de ces lieux ».