AU FIL DE L'URBANISATION, une parcelle du domaine du Rochouard, à Bourgueil, en Indre-et-Loire, se retrouve enclavée entre un établissement scolaire et des habitations. © C. WATIER
LES VIGNES DU CHÂTEAU LUCHEY-HALDE, en Gironde, jouxtent des habitations (ci-dessus). Avant de traiter, les propriétaires préviennent le voisinage. © L. WANGERMEZ
« Autrefois, il y avait une maison au milieu des vignes. Aujourd'hui, il y a des parcelles de vignes au milieu de maisons ! », lance Xavier Anglès, à la tête du domaine du Bois de Saint-Jean, à Jonquerettes, dans le Vaucluse. Son vignoble de 50 ha entoure ce village situé aux portes d'Avignon. Les urbains, à la recherche de verdure, sont venus s'y installer en nombre. Hélas, la cohabitation avec ces nouveaux arrivants ne va pas toujours pas de soi. « L'an passé, des promeneurs circulant dans mes vignes m'ont traité de pollueur alors que je traitais mes parcelles, se désole Xavier Anglès. Ils étaient sur mes terres. Ils ont oublié qu'ils se trouvaient sur une propriété privée et que j'effectuais simplement mon travail. »
Un autre incident s'était déjà produit il y a deux ans quand un voisin l'a empêché de sortir de la parcelle qu'il venait de traiter. « Cette vigne jouxte son habitation, explique le vigneron. Il a garé son véhicule en bout de rang. Il me reprochait d'être là, alors que ses petits-enfants jouaient sur sa terrasse. J'ai été obligé d'appeler les gendarmes pour le faire partir. » Ces derniers lui ont demandé de faire des efforts. « J'ai rétorqué que j'en faisais déjà : je ne traite pas entre 12 et 14 heures, au moment du déjeuner, ni le soir à l'heure du dîner. » Depuis, chaque fois que Xavier Anglès entre sur sa parcelle, son voisin monte sur son mur de clôture pour le filmer.
À Saint-Couat-d'Aude, en Languedoc-Roussillon, la voisine de Serge Pons l'immortalise avec son appareil photo dès qu'il se rend dans ses vignes avec son pulvérisateur. Ce viticulteur possède un îlot de quatre hectares encerclé par un quartier construit en dehors du village voilà une petite dizaine d'années. « Il y a deux ans, cette voisine m'a accusé d'être à l'origine de son cancer du sein, indique-t-il. Des médecins lui ont dit que les produits agricoles pouvaient en être la cause. »
Il lui a conseillé de fermer ses fenêtres à l'approche des traitements alors qu'elle les laissait grandes ouvertes. Pour la rassurer, il lui a suggéré de se rendre dans l'une de ses parcelles où il avait découvert des nids d'oiseaux. « Je ne veux empoisonner personne, ajoute Serge Pons. Je n'interviens pas quand le vent souffle au-delà de 19 km/heure. Mais, je dois protéger mes vignes des maladies. »
Certaines affaires sont dignes d'un mauvais polar. À Segonzac, Éraville, Châteauneuf-sur-Charente, Roullet et Nersac, cinq villages entre Cognac et Angoulême, les habitants ont reçu des lettres anonymes en 2014 et 2015, juste avant la campagne de traitement. « Ces lettres accusaient les viticulteurs d'empoisonner la planète, expose Jean-Pierre Fillioux, vigneron installé à Éraville et président de la section viticole des groupements de Cognac. Elles appelaient la population à entrer en contact avec la gendarmerie, la Drire (Direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement), la chambre d'agriculture, etc., pour dénoncer l'usage des produits phytosanitaires dans les vignes. » Des photos de parcelles désherbées accompagnaient les courriers. Les vignerons qui ont reconnu les leurs ont porté plainte. Une enquête judiciaire est en cours.
Mais cela ne s'arrête pas là. Des vignerons ont également été pris en photo lors des épandages. « Des personnes se sont même introduites dans les vignes pour prélever des feuilles après le passage des pulvérisateurs », s'indigne Jean-Pierre Fillioux.
Les vignerons ont gardé leur calme. « Ils ont simplement relevé les numéros des plaques d'immatriculation des véhicules qu'ils ont surpris et les ont transmis aux gendarmes. » Ces derniers ont tenté la concertation entre les deux parties. Sans vrai succès à ce jour.
Les mairies sont aussi interpellées. « L'an passé, des riverains de parcelles de vignes sont venus se plaindre de l'emploi de produits de désherbage, expose Christian Guesnard, maire-adjoint de Pontlevoy, en Touraine (Loir-et-Cher). Selon eux, les dérives causent des dégâts dans leurs jardins. Ils sont aussi inquiets pour leur santé. »
Les trois viticulteurs de la commune sont concernés. Une partie de leurs vignes se trouve à proximité d'habitations récentes, situées en bordure du village. Pour régler le litige, la municipalité a contacté la Fédération des associations viticoles du Loir-et-Cher. « Nous allons réunir les vignerons et leurs voisins, souligne Luc Percher, président de la fédération. Nous voulons tenter d'établir une charte de bon voisinage. La mairie y sera également associée. » Le projet est en marche.
Peu de régions échappent au climat de suspicion. Toutefois, c'est en Gironde que les confrontations entre vignerons et résidents sont les plus nombreuses et les plus exacerbées. Depuis l'incident survenu à Villeneuve-de-Blaye, le 5 mai 2014, les tensions se cristallisent autour de l'application des produits phytosanitaires. Ce jour-là, 23 enfants et une de leur enseignante ont été pris de malaise après l'épandage de fongicides, bio et conventionnels, sur des vignes voisines de leur école. L'ensemble des médias se sont emparés de l'affaire. Depuis, les pratiques agricoles sont dans leur collimateur.
Générations Futures se montre particulièrement active. Cette association ne cesse de dénoncer l'impact des pesticides sur la santé. En Gironde, elle s'appuie sur ses relais locaux, comme le collectif Alerte Pesticides. Des parents d'élèves de l'école maternelle Jean-Jaurès, à Léognan, l'ont créé un mois avant l'incident survenu à Villeneuve-de-Blaye. Ils ont décidé de se regrouper après que leurs enfants eurent participé à l'enquête Expert 3 de Générations Futures. Entre octobre et décembre 2013, cette association a fait prélever des mèches de cheveux sur trente écoliers scolarisés dans des établissements situés à proximité de zones agricoles. Quand les résultats sont tombés, en avril 2014, les parents ont pris peur : 21,5 résidus de pesticides perturbateurs endocriniens ont été découverts en moyenne par enfant. La presse en a fait ses choux gras, sans préciser que les doses retrouvées étaient infinitésimales. Un mois plus tard éclatait l'affaire de Villeneuve-de-Blaye. Si bien qu'en juin, le préfet de la Gironde a pris un arrêté interdisant, entre autres, les traitements à moins de 50 m des écoles, de 20 minutes avant le début des classes jusqu'à 20 minutes après leur fin.
Possédant une parcelle jouxtant l'école de Léognan, le Château Larrivet Haut-Brion a dû s'y conformer. Depuis, il a arraché cette vigne. Le Château Haut-Bailly, dont une partie des vignes se situe à plus d'une centaine de mètres de l'école, a, de son côté, planté une haie végétale en bordure de ces parcelles.
Les membres du collectif Alerte Pesticides ont poursuivi leur combat au cours de l'été 2015. Ils ont ainsi déposé des courriers dans les boîtes aux lettres des habitants de Léognan, les incitant à demander à leurs voisins vignerons leur calendrier de traitements. À la suite de cette campagne, le collectif a pris contact avec une dizaine de propriétés viticoles. Sept d'entre elles les ont reçus. « Nous avons rencontré ce collectif à plusieurs reprises, détaille Laurent Cogomble, le président du Syndicat des vignerons de Pessac-Léognan. Nous allons renouveler ces réunions afin d'expliquer comment nous travaillons et d'envisager des solutions comme la plantation de haies entre les parcelles et les habitations. »
La commune de Preignac s'est elle aussi retrouvée sous le feu des projecteurs en août 2015, après la publication d'un rapport de l'Agence régionale de la Santé (ARS) sur une suspicion de cancers chez des enfants ayant fréquenté l'école du village, situé à 35 km au sud de Léognan. Une école qui se trouve, elle aussi, à proximité d'une parcelle de vigne. L'ancien maire avait demandé cette étude. Il voulait faire interdire les traitements durant les récréations, mais n'y parvenait pas. Entre-temps, la majorité a changé au sein du conseil municipal. « Quand le rapport est sorti, nous n'étions au courant de rien, se souvient Thomas Filliatre, premier adjoint. Les médias l'ont aussitôt relayé. Les caméras devant l'école ont créé la psychose. Angoissés, des parents sont venus nous voir. » La mairie a alors immédiatement pris contact avec le vigneron propriétaire de la parcelle jouxtant l'école. Ce dernier a dû se justifier. « Il nous a expliqué que, depuis 2011, il traitait uniquement en dehors des heures de présence des enfants, poursuit l'élu. Et cette année, il vient de s'équiper d'un pulvérisateur à panneaux récupérateurx. »
Plusieurs réunions ont eu lieu avec les parents d'élèves, l'inspection d'Académie, les services de l'État, la chambre d'agriculture... « Nous voulions savoir ce qui pouvait être mis en place pour régler les problèmes, indique Thomas Filliatre. Nous avons contacté les autres viticulteurs de la commune pour leur demander de prévenir leurs voisins au moment où ils traitaient. » Le maire a, en outre, demandé à l'ARS de procéder à un complément d'enquête étendue à toutes les régions viticoles. Il n'a pas obtenu de réponse...
Aujourd'hui, la municipalité de Preignac projette de racheter le terrain pour y construire un parking. Les négociations sont en cours. Le plan local d'urbanisme (PLU) de la commune va aussi imposer aux promoteurs de créer une zone tampon entre les habitations et les vignes.
Malgré toutes ces concertations, le climat reste particulièrement tendu à Bordeaux. Les vignerons osent de moins en moins prendre la parole devant les journalistes. Idem pour les élus. La mairie de Léognan que La Vigne a contacté à plusieurs reprises n'a pas donné suite à nos demandes. « Il ne se passe pas un mois sans une action dirigée contre l'utilisation des produits phytosanitaires en viticulture », déplore un responsable professionnel.
Le 2 février, le magazine Cash Investigation, diffusé sur France 2 et suivi par 3 millions de téléspectateurs, a ravivé la polémique, pointant du doigt la Gironde et mettant en avant les liens établis par des chercheurs entre les pesticides et certains cancers. Puis, le 15 février, six cents personnes ont manifesté dans la capitale girondine contre les produits phytosanitaires. Et le 1er mars, la militante Marie-Lys Bibeyran, originaire de Listrac, a remis au préfet de la Gironde une pétition signée en ligne par 84 600 internautes. Celle-ci réclame que seuls des traitements bio soient autorisés à proximité des établissements accueillant des enfants, et ce, en dehors de leurs horaires de présence. « C'est la seule mesure qui vaille pour protéger les enfants des dangers des pesticides », souligne cette salariée agricole dont le frère est décédé d'un cancer après avoir travaillé trente ans dans les vignes. Ni les filets, ni les haies de protection ne lui paraissent efficaces. De même, les pulvérisateurs équipés de buses antidérive « limitent les projections, mais ne les suppriment pas », observe-t-elle. Poursuivant son combat, elle vient de créer le collectif Info Médoc Pesticides « pour rassembler toutes les personnes qui sont préoccupées par l'usage des pesticides afin d'avoir plus de poids auprès des instances viticoles ».
« Nous sommes confrontés à un réel enjeu de société, reconnaît Samuel Masse, viticulteur à Saint-Bauzille-de-Montmel et secrétaire général des Jeunes Agriculteurs de l'Hérault. Les instances viticoles doivent s'en préoccuper. Les jeunes vignerons sont concernés au premier chef. » Une partie de la solution réside, d'après lui, dans la recherche sur les cépages résistants qui « doit s'intensifier ».
Reste que ceux qui veulent bien faire ne sont pas toujours écoutés. Dans l'Hérault, un vigneron a attaqué le PLU et les permis de construire délivrés par sa commune en septembre 2014. Il souhaitait que les logements prévus à 4 m de ses parcelles, soient écartés de 5 m supplémentaires pour ne pas se retrouver à traiter sous les fenêtres de ses futurs voisins. Le tribunal administratif de Montpellier l'a débouté. « Je voulais prévenir les problèmes de voisinage, confie-t-il, tout en souhaitant garder l'anonymat. Le juge a considéré que dès lors que je respectait les règles d'application des traitements, il n'y avait pas de danger pour les riverains quelle que soit la distance de traitement. » Pour avoir mis les pieds dans le plat, ce vigneron a été condamné à verser 1 500 euros de dédommagement à sa commune. Les seize logements sociaux ont commencé à sortir de terre.
Des soirées de dialogue à Listrac-Médoc, en Gironde
En mai 2015, le Syndicat des vignerons de Listrac-Médoc a invité les habitants du village à une soirée. « Nous avons déposé un courrier dans leur boîte aux lettres pour leur proposer de nous rencontrer à la salle des fêtes », explique Patrick Pagès (photo), le président du syndicat. Deux mois plus tôt, la militante Marie-Lys Bibeyran avait, elle aussi, convié les Listracais à une réunion. Elle leur avait suggéré d'écrire aux vignerons pour leur demander de les tenir informés de leurs dates de traitement. Les vignerons ont donc décidé de dialoguer à leur tour avec la population. Deux cents personnes environ, selon le syndicat, sont venues à leur rencontre. « Il y avait des Listracais de souche et des nouveaux arrivants, indique Patrick Pagès. Nous n'avons pas fait de discours, on s'est simplement présenté. Cette soirée avait pour but de mieux nous connaître. L'univers des châteaux viticoles reste intimidant pour ceux qui arrivent d'ailleurs. » Les vignerons ont également fait déguster leurs vins. La question du danger des produits phytosanitaires a bien sûr été abordée. « Nous avons expliqué que nous ne faisons pas n'importe quoi, commente Patrice Pagès. Nous sommes concernés au premier chef. » Un randonneur lui a demandé de le prévenir lorsqu'il traitait sa vigne. Depuis, il lui envoie un mail la veille de chaque intervention. Une nouvelle rencontre aura lieu le 26 mai prochain.
Un plan d'action en Loire-Atlantique
La périphérie de Nantes s'est développée considérablement au cours des dernières années. Conséquence : la ville ne cesse de se rapprocher du vignoble. « Dans ce contexte, nous sommes de plus en plus interpellés par des associations et des particuliers, observe Alain Treton, responsable du pôle viticulture au sein de la chambre agricole de Loire-Atlantique. Ils veulent savoir si les pratiques mises en oeuvre par les vignerons sont autorisées par la réglementation. De même, les collectivités nous interrogent davantage, notamment sur la réglementation relative aux épandages. » Cette situation a conduit les organisations professionnelles, la chambre d'agriculture, la Fédération viticole des vins de Nantes, les Vignerons indépendants de France et la FDSEA à constituer un groupe de travail fin 2015. « Nous préparons un plan d'action, explique Carmen Suteau, vigneronne à Barbechat et membre du groupe. Il devrait voir le jour prochainement. » Les vignerons nantais vont ainsi recevoir des supports de communication pour expliquer l'usage des produits phyto au grand public. Ils recevront aussi un modèle de charte de cohabitation entre vignerons, résidents et commune. « Nous allons recenser les sites sensibles, expose Alain Treton. Nous voulons réunir les vignerons dont les parcelles se trouvent à proximité de lieux publics ou d'habitations avant la saison des traitements afin de les sensibiliser. » L'accompagnement technique des vignerons sera aussi renforcé.
Un kilomètre de haies dans les Côtes de Bourg
« Nous avons implanté 1,1 km de haies entre novembre et décembre 2015 », lance Didier Gontier, le directeur du Syndicat viticole des Côtes de Bourg. Ces réalisations s'inscrivent dans le cadre du programme « Mieux vivre ensemble en Côtes de Bourg » initié par le syndicat. L'école de Villeneuve-de-Blaye où des enfants et leur enseignante ont été pris de malaise après un épandage de produits phyto, le 5 mai 2014, se trouve sur l'aire de l'appellation. « À la suite de cet incident, nous avons pris contact avec la communauté de communes de Bourg, expose Didier Gontier. Nous avons recensé les établissements accueillant du public : écoles, crèches, pôles de santé, terrains de sport. Vingt-quatre d'entre eux sont à moins de 50 m d'une parcelle de vigne. » Pour les protéger, des plantations ont déjà eu lieu dans cinq communes : Gauriac, Saint-Ciers-de-Canesse, Teuillac, Pugnac et Villeneuve-de-Blaye. À Gauriac, les écoliers du village ont participé aux travaux. À Pugnac, ce sont les élèves du centre de formation agricole qui ont mis la main à la pâte. L'association Arbres et Paysages de Gironde, elle, a conseillé les viticulteurs et les communes sur le choix des essences. Elle a fourni les plants, le paillage et le matériel de protection. L'investissement global s'est élevé à 15 253 €. Il a entièrement été couvert par les subventions de l'État, du département et de la communauté de communes. Un second programme de plantation de 1 km de haies supplémentaire est prévu cette année. Cette fois, les collectivités financeront entre 60 et 80 % de la dépense. Dans le même temps, le Syndicat des Côtes de Bourg oeuvre à la mise en place d'une charte de bon voisinage entre les vignerons et les mairies. Les vignerons s'engagent à ne pas traiter durant le temps scolaire. En retour, les municipalités promettent de les informer de tout changement d'horaires exceptionnels ; 27 chartes ont été signées par 26 viticulteurs et 13 maires signataires l'an dernier.
Quand une ODG joue les médiateurs
Sur les 45 communes de l'ODG Médoc, Haut-Médoc, Listrac-Médoc, en Gironde, treize sites sensibles ont été recensés fin 2014. Les responsables de l'ODG ont contacté les propriétaires des vignes bordant les écoles et autres lieux publics. Ils les ont mis en contact avec les élus locaux. Ensemble, ils ont trouvé des solutions. À Arcins, par exemple, un filet de protection a été posé entre la cour de l'école et les vignes du château Larose Trintaudon. La commune a acheté le filet et les poteaux et les équipes du château les ont installés. Ailleurs, les viticulteurs se sont engagés à effectuer leurs traitements en dehors du temps de présence des enfants dans les écoles.
L'accueil des nouveaux arrivants
Ce printemps, la coopérative de Saint-Bauzille-de-la-Sylve (Hérault) va organiser une journée de découverte de la cave suivie d'un repas pour les nouveaux arrivants dans cette commune située à une trentaine de kilomètres à l'ouest de Montpellier. Objectif de l'opération : faire connaître l'activité viticole du village et prévenir les éventuels conflits. La mairie diffusera l'invitation dans son bulletin d'information. Adhérente à l'Union des vignerons de la Vicomté d'Aumelas, la coopérative présentera à ses convives ses actions en faveur de la biodiversité.
Le Point de vue de
Pierre Darriet, directeur technique du Château Luchey-Halde, 23 ha à Mérignac (33)
« Nous avons invité nos voisins »
« L'an passé, nous avons recensé les habitations situées à moins de cent mètres de nos vignes. Nous en avons identifié 70, dont une crèche. Nous avons déposé un courrier dans leurs boîtes aux lettres pour les convier à une réunion. Une vingtaine de personnes sont venues et la réunion s'est bien passée. Nous leur avons expliqué comment nous travaillions nos vignes. Auparavant, nous utilisions un pulvérisateur à jet porté. Il y a trois ans, nous avons investi dans un appareil pneumatique pour limiter les dérives. Nos rangs sont plantés à 1 m d'écartement. C'est trop étroit pour traiter avec du matériel confiné. Nous disposons aussi d'une station météo sur l'exploitation. Ainsi, nous ne traitons pas lorsqu'il y a du vent. Nous sommes engagés dans le Système de management environnemental (SME) porté par le conseil interprofessionnel des vins de Bordeaux. Nous avons expliqué tout cela à nos invités qui nous ont laissé leur adresse électronique. Depuis, nous les prévenons de nos traitements 24 heures à l'avance. Nous le faisions déjà avec notre voisin le plus proche dont la maison se trouve à quinze mètres d'une de nos parcelles. Nous allons de nouveau les convier cette année pour leur dire que nous allons travailler sur la biodiversité dans notre exploitation. »
Le Point de vue de
Christophe Chéty, Château Mercier, 50 ha à Saint-Trojan, en Gironde
« Nous ne traitons plus en bordure des habitations »
« Notre vignoble est très morcelé. Une dizaine de nos parcelles jouxtent des habitations. Il y a deux ans, nous avons compté nos voisins : ils sont une quinzaine. Depuis cette date, nous ne traitons plus les rangs qui se trouvent contre les habitations. Nous arrêtons également le pulvérisateur lorsque nous tournons au bout des rangs perpendiculaires au terrain de nos voisins. Nous les avons avertis de ces efforts par courrier. Nous leur avons aussi expliqué que nous utilisons les produits phytosanitaires les moins dangereux et les avons invités à venir nous voir. Une poignée d'entre eux sont venus. Ils nous ont dit avoir apprécié notre démarche. Durant les périodes de traitement, je donne des consignes à mes salariés. Ils doivent prévenir les voisins s'ils voient du linge étendu à l'extérieur ou des enfants qui jouent dehors. Nous avons prix l'habitude de traiter ces parcelles très tôt le matin. Notre exploitation bénéficie, depuis 2011, de la certification Système de management environnemental (SME) mise en place par l'interprofession. Il s'agit d'une norme d'amélioration continue de nos pratiques. Le respect du voisinage en fait partie. »
Le Point de vue de
Thierry Thibault, propriétaire du vignoble Champagne Le T-des-Thibault, 4 ha à Verneuil et Passy-Grigny (Marne).
« J'ai fait appel à un prestataire de services »
« Il y a deux ans, j'ai fait appel à un prestataire de services pour traiter mes vignes. Il est équipé d'un Tecnoma Millésime, un pulvérisateur de dernière génération, dont les impacts sur l'environnement sont limités. Je n'aurais pas pu faire un tel investissement pour mon exploitation. Une de mes parcelles se trouve à une centaine de mètres d'habitations et d'un gîte, et une autre à proximité d'un chemin de randonnée. J'ai passé un accord avec mon prestataire. Si la vitesse du vent est supérieure à 15 km/h, il ne traite pas ces deux parcelles. Il décale son intervention. Ce prestataire possède un agrément. Son matériel est contrôlé tous les ans par un organisme certifié. Il est équipé d'une plateforme pour recycler les eaux de lavage. Il présente de nombreuses garanties de respect de l'environnement. Je n'aurai pas pu en faire autant ! Parallèlement, j'ai fait évoluer mes pratiques pour limiter les intrants phytosanitaires. Je conduis mon vignoble en lutte raisonnée depuis cinq ans. J'ai en outre procédé à l'enherbement de la quasi-totalité de mes parcelles, excepté celles se trouvant à flanc de coteaux. »
Le Point de vue de
Dominique Duveau, Domaine du Rochouard, 20 ha, à Bourgueil (37).
« Nous avons pris les devants »
« Une de nos parcelles de 60 ares jouxte un collège, son gymnase, son terrain de sport et des HLM. Nous n'avons jamais rencontré de difficultés avec ce voisinage. Mais nous avons pris les devants. En 2012, nous sommes passés en bio. Depuis, nous n'utilisons que du soufre et du cuivre. Nous traitons la parcelle avant l'arrivée des élèves, soit avant 8 heures du matin. Quand il y a du vent, nous reportons les traitements. Et nous avons divisé les passages par deux sur cette parcelle. En 2015, nous n'en avons ainsi effectué que deux, sans que cela ait entraîné de problème phytosanitaire. Autrefois, nous prêtions moins attention à tout cela. Mais, les médias évoquent de plus en plus les dangers des pesticides. Et nous avons des enfants. Nous n'aimerions pas que des traitements aient lieu pendant qu'ils sont à l'école. Nous n'avons pas informé le collège des précautions que nous avons prises. Il y a quatre ans, nous avions rencontré son directeur... pour une autre raison. Le terrain de sport de son établissement avait été désherbé avec un herbicide à base d'hormones, ce qui avait causé des dégâts sur nos plantations. Ils avaient promis de faire attention à l'avenir. Les bonnes relations de voisinage doivent aller dans les deux sens. »
Le Point de vue de
Pascal Bosq, propriétaire du Château Liouner, 30 ha à Listrac-Médoc, en Gironde
« J'ai signé une charte avec les parents d'élèves »
« Je possède une parcelle de 3 ha à une trentaine de mètres de l'école maternelle de Listrac, construite voilà deux ans. Il y a également dans ce périmètre un stade et une salle socioculturelle. L'an dernier, la militante Marie-Lys Bibeyran qui habite la commune m'a contacté. Elle m'a proposé de signer une charte avec l'association des parents d'élèves et la Fédération des conseils de parents d'élèves (FCPE). J'ai accepté. Nous l'avons signée le 2 mai 2015. Je m'engage à utiliser uniquement des produits agréés pour la viticulture biologique sur cette parcelle et à ne pas traiter celle-ci durant le temps de présence des enfants. Je traite tôt le matin, vers 5 heures, ou le soir, après 19 heures, de préférence le vendredi. Un lotissement, préexistant à l'école, se trouve à une centaine de mètres de cette même parcelle. Je suis entré en contact avec les résidents peu après sa construction. Je les ai prévenus que je traitais tôt le matin pour éviter les nuisances. J'adresse un mail la veille des épandages à ceux qui me l'ont demandé. Depuis cinq ans, je suis engagé dans des démarches de respect de l'environnement. Mon exploitation a obtenu le niveau 2 du Certiphyto et s'apprête à avoir le niveau 3. »
Le Point de vue de
Samuel Masse, vigneron coopérateur sur 20 ha au Celliers du Val des Pins, à Montaud, dans l'Hérault
« J'ai décidé d'anticiper »
« Un lotissement de douze maisons va se construire en bas de trois de mes parcelles totalisant 2 ha plantés en IGP Pays d'Oc blanc. Lorsque je vais traiter, les produits vont forcément dériver en direction de ces habitats. J'ai donc prévu de rencontrer les résidents. Je vais leur demander leurs mails ou leurs numéros de mobile pour les prévenir la veille des épandages. Parallèlement, j'ai intégré le réseau Déphy de la chambre d'agriculture de l'Hérault pour réduire au maximum l'utilisation d'intrants phytosanitaires sur mon exploitation, voire pour me convertir au bio. Depuis cette année, je ne désherbe plus. J'ai enherbé mes parcelles un rang sur quatre. Je me suis associé à un éleveur. Les trois parcelles proches du lotissement vont être pâturées l'hiver par ses moutons pour maintenir un support hivernal, contenir la flore et favoriser la biodiversité. Je prévois de planter des haies végétales, mais pour cela il faut avoir des fonds. »